vendredi 22 mars 2024

Folie traductrice

À Esteve Miralles Torner,
complice en écriture.

Il y eût cette folie,
de regagner dix ans,
en traduisant des vers,
comme on pêche à la ligne.

L'élégance du livre
et ses marges ivoire.
L'empattement des lettres,
le soin de la reliure.

Une folie étrange.
Pour un volume étrange.
Disparaître à jamais
derrière une écriture.

Je changerai de langue,
sans jamais la quitter.
À la rondeur des sons,
je donnerai l'aigu.

Mon français est du sud,
son catalan du nord.
La frontière est légère
pour qui parle de vie.

Le carré des années.
Cinq ans qui nous séparent.
Des librairies petites
et des rues si sonores.

On lit comme on avance
entre les murs glacés.
Traduire c'est relire
et relire exister.

Que Dieu me prête vie,
s'il est encore prêt.
Ou le monde aveuglant
qui guide mes pensées.

Alors viendront les vers
dessus tant d'autres vers.
La saveur du français
épousant sa voisine.