On nous classe par décennies,
les humoristes s'en moquent,
alors on feint l'inclassable,
en lissant des deux mains
le vieux jeans délavé.
Puis un beau jour, un soir,
plutôt, de bière tiède et d'anis,
on se trouve à la table d'inconnus
magnifiques que l'âge rapproche
sans qu'ils ne l'aient voulu.
Et la conversation coule, roule,
s'accroche, repart, on funambule entre
les langues, écorchées par le timbre
reconnu de la voix d'un cousin que
le temps a happé, avant nous,
avant eux. L'heure tourne, les victuailles
refroidissent dans les plats amoncelés,
l'aubergiste tire le rideau, il faut partir.
On se dit au revoir tout au bord du trottoir.
Pour certains, l'aventure continuera, dans une petite
boîte creusée dans le rocher. Ils chanteront les airs
tiédis d'une jeunesse perdue avant que de s'étreindre
pudiques et de repartir, chacun de son côté, dans la nuit
insulaire.