Je la frôlais adolescent, quand je descendais
dans la mer, le masque sur les yeux, le tuba
ronflant en bouche. Je la frôlais
et j'en avais peur, comme d'un maléfice. Pour rien
au monde je ne l'aurais saisie entre mes doigts.
Adulte, dans mon île adorée, je la retrouvai
sans tout à fait la reconnaître. Sa pêche était
alors interdite et mon cousin m'avait convié à
un grand restaurant où, disait-il, on la servait
sous le manteau, panée et frite dans de l'huile
d'olive. Ce fut comme si je m'immergeais d'un
coup, nu et heureux. Toute la mer iodée dans
une bouchée croustillante au cœur déliquescent.
Depuis, chaque année, j'en remange religieusement,
pleurant mon cousin que la vie a ravi à la mer.