à mon fils Jérôme
Tout passe et jamais rien ne me lasse.
Mon regard se lève dans l'azur et mes pieds
foulent le goudron poudreux. Entre eux deux,
ma main, la gauche, celle de mon fils chéri,
vierge de toute écriture, si riche de caresses.
À hauteur de hanche, elle frôle la litanie des
platanes qui conduisent le quadrillage de la ville
vers ses hauts quartiers. Sous les doigts, de vives
aspérités qui bientôt ne seront plus, fragments de
peau arborée, du beige clair à l'ocre foncé, porteurs
de mots d'amour précipités au feutre et qui perdent
leur sens quand choit l'un d'entre eux, le plus ancien,
celui sur lequel l'encre avait du mal à pénétrer. Ma vie
est pareille à ces fragments d'écorce auquel s'accroche
la pulpe de mes doigts attendris. Mais de chaque écorce
que je perds, je me fais un humus léger pour guider mes pas
gourds et me rappeler que, sans elle, je ne suis rien et que
la terre s'ouvrirait sous mes semelles si elle n'existait plus.