mercredi 4 avril 2018

L'home sense passat / L'homme sans passé

És un home qualsevol, un home del carrer,
dels camins ; ni baix, ni alt, calb i un xic
grassonet. «Quelconque», diria en francès.

Porta una vida a trossos, fragmentària, d'ençà
que s'aixecà, orgullós, al mostrador del cafè
del seu avi. Quan l'agafava per la mà, al matí,

el iaio li prometia que se l'enduria un dia, cap
a una illa sense soroll ni enveja. Seria fàcil.
Prendrien tots dos el bus «Baleares» i se n'irien.

Passaren els anys, l'avi vengué el cafè, el futur
home retrobà el nord grisenc dels seus pares. Un 
altre dia, un oncle seu, el preferit, li prometé

que se l'enduria a Barcelona i que, allí, li faria
conèixer homenots. L'oncle morí quan, per fi, el nen
havia deixat el nord grisenc. Passaren anys. Sis,

exactament, abans que pogués conèixer l'illa, quatre
anys seguits, un mes sencer cada estiu. I encara
divuit abans que hi tornés. Ara s'està més tranquil.

Fa tretze anys que menorquitza. Una vegada al any,
al començament. I ara, dues, tres o quatre. Ho mira tot,
ho llegeix tot, pesca paraules com qui busca ortigues

de mar, una nit sense lluna. Tracta de fabricar-se un
passat aliè. Un passat que li fou robat i que la fam
i la dictadura escamotejaren als seus avantpassats.

***

C'est un homme quelconque, un homme de la rue,
des chemins ; ni petit, ni grand, chauve et un brin
grassouillet.

Il mène une vie en lambeaux, fragmentaire, depuis
qu'il s'est dressé, fier comme Artaban, sur le comptoir du café
de son grand-père. Quand il le prenait par la main, le matin,

son pépé lui promettait qu'il l'emmènerait un jour, jusqu'à
une île sans bruit ni jalousie. Ce serait facile.
Ils prendraient tous deux le bus «Baléares» et ils s'en iraient.

Les années passèrent. Le grand-père vendit le café, le futur
homme retrouva la grisaille du nord de ses parents. Un autre
jour, un de ses oncles, le préféré, lui promit

qu'il l'emmènerait à Barcelone et que, là, il lui ferait
connaître des hommes importants. L'oncle mourut quand, enfin, 
l'enfant avait laissé la grisaille du nord. Des années passèrent. 

Six, exactement, avant qu'il puisse connaître l'île, quatre
années de suite, un mois entier chaque été. Et encore
dix-huit avant qu'il y retourne. À présent, il est apaisé.

Cela fait treize ans qu'il minorquise. Une fois par an,
au commencement. Et maintenant, deux, trois ou quatre. Il regarde tout.
il lit tout, il pêche des mots comme qui cherche des anémones

par une nuit sans lune. Il essaie de se fabriquer un
passé autre. Un passé qui lui fut volé et que la faim
et la dictature escamotèrent à ses aïeux.