à mon père
Deux syllabes, séparées,
deux accents, comme un glas
lancinant, j'ai ce mot en moi
depuis plus de trente ans. Mon
père me l'a enseigné, dans ma folle
jeunesse, par une confidence. La mort
ne l'inquiétait pas, seul le tourmentait
le trépas, le passage. J'ai pris part à
ce passage, en son début, et ne puis en
parler. Mais j'ai compris alors que les mots
n'étaient pas d'habiles conventions ou de
commodes rendez-vous. Je l'ai éprouvé dans
la chair qui m'a fait chair et ce regard si bleu
qui ne me voyait plus. Le trépas est passé, les
cendres reposent auprès d'un poète, d'une peintresse
et d'un limonadier, mais je n'oublierai jamais la chaleur
qui, peu à peu, quittait un front que, dans ma vie, je
n'ai pas suffisamment embrassé pour le laisser passer.