lundi 4 juin 2018

Le trépas

à mon père

Deux syllabes, séparées,
deux accents, comme un glas
lancinant, j'ai ce mot en moi

depuis plus de trente ans. Mon
père me l'a enseigné, dans ma folle
jeunesse, par une confidence. La mort

ne l'inquiétait pas, seul le tourmentait
le trépas, le passage. J'ai pris part à
ce passage, en son début, et ne puis en

parler. Mais j'ai compris alors que les mots
n'étaient pas d'habiles conventions ou de
commodes rendez-vous. Je l'ai éprouvé dans

la chair qui m'a fait chair et ce regard si bleu
qui ne me voyait plus. Le trépas est passé, les
cendres reposent auprès d'un poète, d'une peintresse

et d'un limonadier, mais je n'oublierai jamais la chaleur
qui, peu à peu, quittait un front que, dans ma vie, je
n'ai pas suffisamment embrassé pour le laisser passer.