C'est un livre dont on ne veut plus.
Les bibliothécaires l'ont exclu des
nouveaux rayonnages et il attend
le chaland dans cette SPA du pauvre.
Il a pour nom Les coloriés mais,
quand je l'ouvre, c'est la pâleur
de son papier tranchant sur le noir
sépulcral qui me saisit et me glace.
Puis il me fait signe, me séduit,
cédant la place à sa sœur l'écriture,
toute en plats et en déliés imaginés,
en ligatures et en italiques penchées.
Elle griffe le vélin, mieux que chat
son panier. La pulpe de mes doigts
frissonne et se laisse envoûter.
Je hume longuement le papier en son cœur
et me décide, en me plongeant, à révéler
au monde de mes sentiments l'inanité d'un
désherbage hâtif qui, sans la main amie
qui l'a sauvé, aurait fini au pilon gris,
sans nul lecteur pour lui faire cortège.