samedi 31 décembre 2022

Magie des langues, magie des mots

Au cœur de l'hiver, dans mes langues aimées,
est le printemps en latin -ver. Semence qui
attend sagement et n'a que faire des frimas.

Les jours s'allongent. D'un saut de puce, puis
d'un vol de moineau. Et l'orangé du couchant
annonce déjà le fruit que l'été mûrira, souriant, 

et que l'automne dégustera sur le pouce, avide.
Mon hiver s'éclaire de tes mots et de nos racines,
un latin vrai, sans nécessité de frauder.



Ton jardin de mots

Ton jardin n'a pas de tonnelle
et ses murs bas voient s'écailler
la chaux. Un tilleul y règne

sans superbe. Bonhomie
de ses branches que l'hiver
a noircies. Ton regard doux

lui donne en quelques lettres
le lustre sage des lieux aimés.
J'aime lire ton jardin de mots.

vendredi 30 décembre 2022

Sur le fil

Sur le fil. Entre automne et hiver.
Sur la ligne. Entre nord et sud,
la beauté adopte l'infinie lenteur

des Mages d'Orient. Et de l'herbe
rase aux sommets granitiques,
il n'est pas un détail du couchant

qui ne participe de cette humble
parabole. La crèche des aïeux,
c'est la Cerdagne qui la façonne.













© Lionel Itié

Il s'appelle José

Estos días azules y este sol de la infancia.
                                Antonio Machado

 

Il s'appelle José ; dans quelques jours,
la décennie aura vécu. Dix ans de larmes,
de sang et d'acier, avant dix autres années

de souffrances et d'humiliations. Il est né
les yeux ouverts. Des yeux sombres. Du bleu
des chemises assassines et des nuits de peur.

Il boira le lait de sa mère et celui d'autres
femmes car sa mère, dans la terreur, se tarit.
Il naît dans la douceur, au cœur d'un étrange

château où, depuis quelques semaines, il ne pleut
plus dans les pièces d'habitation. Il parlera
plusieurs langues et jouera avec des bambins

qui en parleront d'autres. Dans ce creuset de
couleurs, Elisabeth, de sa Suisse natale, portera
sa croix, une croix d'honneur. Blanche sur fond

rouge, un signe d'unité, de paix et de concorde,
face à tant d'autres croix et symboles dévoyés :
gammée, francisque. Un havre pour les écartelés.

À la mémoire d'Elisabeth
Eidenbenz, Juste parmi les Nations.

Contemplation

Mes jeux, la balle et la toupie agile.
                                Victor Hugo

Je ne joue pas, ou si peu,
d'ailleurs, ai-je jamais joué ?

Mon cœur est une éponge 
et mes yeux un silence.

Je bois le monde qui est
par-devers moi. Toupie

agile, il déchire mes vers
que je croyais immédiats.

Exigent, il m'entraîne dans
une contemplation effrénée,

dont le quotidien est l'objet
et ton regard de lectrice le prix.

Aoriste

Mimer la vie avec des mots.
Sans borne ni retenue. 
La boule d'ivoire glisse

sur le tapis clair. Golf en petit
sans trou, ni club, ni caddie.
Puis garder les yeux ouverts

et assister à l'œuvre magique
du procès linguistique. Ni parfait,
ni imparfait. Aoriste.

Reinvenció

A la novel·lista que estimo

Escena rere escena, t'estàs
reinventant, imaginant una cambra,
on, fa poc, el fons era de fusta.

La teva casa de nines és de paper.
Habitacions com peces de roba
i diàlegs mil per acolorir la grisor.

Cada dia, al dematí o al vespre,
n'espero el degoteig i em fas
còmplice de la teva reinvenció.

Batecs

Batec infinit d'un segon
meu, a bord de l'insomni.
Infinit batec d'un segon
teu, a recer d'un bell somni.

Trou rose

Le trou était rose, que d'autres
croyaient noir. Tout un monde
englouti, dans le chas d'une

aiguille. Leurs baisers y étaient
cent, sans trève ni descente.
Des essaims de songes vrombissant.

Trop peu, diraient certains,
certains de leur bévue. Trop bien 
était, pour eux, l'infini du si peu. 

jeudi 29 décembre 2022

Et si le peu était la clé de tout ?

J'ai recueilli, au coin de ton œil droit,
une larme petite et presque insignifiante.

L'œuvre d'un ongle un peu long à la volée
ou d'un vent coulis hasardeux de décembre.

Tu éclates de rire et la larme n'est déjà
plus, emportée dans le tourbillon lumineux.

Pourtant, je la porte sur moi comme un viatique,
un vade-mecum commode pour me souvenir, toujours

et en tout lieu, que la quantité obnubile l'échange
et que le petit, le rare, l'infime, l'infinitésimal,

sont à la source de l'unique et du précieux, avant
de disparaître dans les remous de la perpétuation.

Une échelle syllabique

Peu.
Un peu.
Trois fois rien.
des peccadilles.
Un je ne sais quoi
d'infinitésimal.

D'autres langages

L'été est loin et ton dos s'est voilé
sous des capes légères, puis opaques
et colorées. J'en devine la courbe

et l'allure quand le temps t'est compté
et ma main s'emploie à l'imaginer nu,
sous la caresse, dans l'alcôve interdite.

Portes closes, il est d'autres langages,
ponctués de silence, et si jaloux que nul,
derrière les portes n'en saura jamais rien.

Sans bagage

On ne peut pas refuser son passé. 
On ne peut pas se refuser soi-même...
                                Jean Anouilh

J'ai rêvé, l'autre nuit, d'un théâtre clos,
sans acteurs, ni public. Des sièges repliés,
dont la masse alignée faisait des ombres

veules. Il faisait froid et la seule lumière
provenait d'interstices au ras du plancher.
J'ai voulu savoir le nom de la pièce qui s'y

jouait. Ma voix n'a rencontré qu'elle-même,
dans un écho bref. Alors j'ai repris mes bagages.
Pour retrouver les acteurs qui s'en étaient défaits.



Un voyageur immobile

Une plume blanche sur l'eau noire.
                        Saint-John Perse

Quand je ferme les yeux, mes cils deviennent mascarets
et ma chambre un estuaire tiède. Nul besoin d'ailleurs,
l'ailleurs s'invite à mon chevet et passe, une à une,

les pages de ma géographie intime. Cliquetis de vélos
en marge de la ville, éboulis de schistes clairs en été.
Peu à peu, m'enhardissant, je m'invente des souvenirs 

et y déambule, les mains dans les poches, en sifflotant.
Mais quand vient le soir, le vrai soir, non celui des
paupières closes, je pense à toi et je te dessine.

Albrícies!

Escenes curtes i vibrants.
Ni un mot, ni un gest.
Cap cot estàs escrivint

en la plata freda de l'ordi.
No et.molesto. Espero,
amb paciència que donis

per acabada la redacció
del dia. Albrícies!. És com
si el passat tornés de sobte.

mercredi 28 décembre 2022

Bleus

Je suis rouge passion
mais j'aime les bleus,
tous les bleus.

Du Bleu du ciel de Bataille
aux Bleus à l'âme de Sagan.
Mais par-dessus tout j'aime

le bleu insaisissable de la
libellule, mouvement gracile
qui fait s'aimer l'air et l'eau.

Retour

Dans la mangrove, le dauphin
ne danse pas, il surfile l'eau,
raccommodant les étoffes

que la vie a déchirées. Âmes
qui passez, arrêtez-vous
un instant et regardez.

Contemplez le fil d'argent
et le tissu turquoise. Vies
qui reviennent et renouent.


mardi 27 décembre 2022

Sur mon île

À la mémoire de Pau Gener, homme de bien

Sur mon île, les deux premiers mois de l'année,
sont aussi des noms de famille, de lignées,
comme l'on dit là-bas.

C'est un peu comme si ce bimestre venté, pluvieux,
après les feux du réveillon, ensemençait peu à peu, 
avec constance et générosité, l'année à venir,

donnant un nom à chaque chose, à chaque être, 
en commençant par ses fils chéris, infatigables
laboureurs des terres de Tramontane et du Midi.

Entends-tu ?

Entends-tu ce bruit lointain et lancinant
de la scie d'un voisin, en marge de la ville ?

Les bûches maquillées, vidées des douceurs
soudaines, ont quitté la sérénité du salon

et il convient de penser à l'hiver qui s'amorce,
au froid, à l'inconfort des pièces dans l'attente.

Le bois coupé jonche à présent le chemin avec,
en son cœur, la sève que le feu ravivera.

Plage d'hiver

La mer interdite, ou tenue à distance,
le sable froid et ridé, des bois flottés
gris qui semblent s'enraciner mais demeurent

à la surface du sable. Au loin, des promeneurs,
déchaussés, pantalons retroussés, se tiennent
par la main et cheminent à la lisière de la mer.

Sentent-ils l'odeur prégnante d'iode de l'onde, 
des algues et des crabes rejetés ? Je les regarde,
longuement. Bonheur fugace et languissant. 

L'endemà

M'agrada l'endemà, el dia després.
Després de la festa o del quotidià.
La platge verge al matí assossegat.

No pas com la certesa de quelcom de
diferent, la promesa d'un futur millor
o l'acceptació fatalista del mañana

será otro día
, sinó com una prolongació
amb matisos, enriquida per l'experiència
i la força de les casualitats venideres. 

lundi 26 décembre 2022

El miratge de Pamplona

Pamplona no existeix,
és un desvari de la fantasia,
un miratge de neules cruixents.

Pamplona no ha existit mai, però
ens la inventem per Sant Esteve,
en una terrasseta gentil de Manresa.

Amb les galtes plenes, escopint a tort
i a dret, ens en omplim la boca, com
qui a missa combrega sense menjar.



Intense liberté

À la mémoire de Gilbert Lascault

Intense liberté du poète d'un jour.
Le quotidien se déploie sous le regard
et miroite de dizaines de détails infimes.

C'est une philosophie des petits riens,
un bric-à-brac d'idées et de sensations.
Qui croit effeuiller, amoureux, la marguerite,

rend hommage, en fait, au cycle des saisons
et à l'humaine condition. Moi, oublieux des
pétales effeuillés, j'effeuille ses paupières. 

Sable à venir

Glaise lourde, où s'enfoncent
les souliers inexpérimentés.

La marche est lente, la nuque
ploie sous le souffle chaud.

L'air est glacé et l'espérance
lointaine. Pas une feuille

sur les branches squelettiques.
Et pourtant... D'ici quelques

mois, sans que tu n'y prennes
garde, la boue sera pulvérulente,

les chaussures y courront. Libres,
légères. Et les enfants, la pelle

à la main, s'égayeront sur cette
plage de sable réinventé.

dimanche 25 décembre 2022

Invitation

Caresse le mur de plâtre
qui illumine tes jours,
ne l'entame pas de l'ongle.

Laisse la pulpe de tes doigts
se blanchir de poudre légère.
Blanc d'Espagne du clown triste

qui t'a toujours fasciné. Et
écris avec chacun de tes doigts
sur le grand livre de la vie.

Cau relatiu

No donis la volta al món.
Camina pel turó i la plana.
Del conegut fes un horitzó

nou, per descobrir. Fixa't
en els detalls que havies
deixat de banda quan volies

conquerir la terra sencera.
No busquis l'absolut. Relatiu
és el teu cau. I t'hi necessiten.

Paroles

Paroles de peu de poids
et tout en rondeurs. Sons,
souffles, lèvres qui s'ouvrent,

et les laissent s'en aller seules,
au hasard des conversations, ou bien
les retiennent entre les dents,

sifflantes et sibyllines. Paroles
légères, comme une caresse, qui sourient,
et s'échappent en riant, à toutes jambes.

Assossec

Assossec de la terra que dorm.
Empremta seca dels dos amants
que hi circulaven, fa poc,

fa una eternitat. Quan plogui
i faci sol, les llavors sembrades
per les passes amoroses s'obriran,

deixant pas a somriures de groc i verd,
olor d'herba fresca callada i de petons
mullats sota el portal de la masia.

Ombre japonaise

Transparence du papier huilé
qui laisse entrevoir les pas
de ta danse silencieuse.

Ombre japonaise dans le soir
qui, lentement, s'installe
et écrit sur le sol de teck

clair des vers indéchiffrables.
Leur sens importe peu, tant que
la danse se prolonge, enivrante.

Nadala a finals de tarda

 


samedi 24 décembre 2022

עמנואלעמנוא

À vin nouveau, outres neuves.
                        Marc, 2, 22

Qui tient une améthyste entre ses doigts,
s'émerveille, en la tournant, de voir combien
ses mauves, ses violines et ses violets

chatoient du monde qui les entoure. Notre
silhouette n'est qu'un élément de ce monde
fascinant qui évolue et nous change à chaque

instant. Pourtant, nous avons besoin de ces dates
qui nous rassemblent dans notre chemin de vie.
Noël est avec nous    Emmanuel       עמנואלעמנוא

Finis terræ

Il y a dans cette année finissante,
comme un souffle de vent délicieusement
frais et iodé de finisterre breton

ou galicien. Une ouverture confiante
vers les flots sombres et impétueux
où prennent racine les rêves les plus

sages comme ceux les plus fous. 
Roches escarpées qui s'affûtent 
dans l'eau et façonnent nos paroles.

Vint-i-quatre de desembre

Vint-i-quatre de desembre,
un dia qualsevol, màgic
com tant d'altres quan

decidim de somriure'ns,
a cada passa i cada mot.
El pessebre ens espera,

la gallina a la pastera,
i els regals encara són
somnis inabastables.

vendredi 23 décembre 2022

De mot a mort

Coneixes tantes llengües
i tan poc el cor humà.

De què et serveix el nom
de la rosa si no l'olores

mai, ni el dels braços si
no saps dibuixar-ne el plec?

Els mots i les moltes llengües
que els couen són calaixos buits

que esperen ser omplerts de vida,
frecs, singlots i rialles. O moren. 

Què vols per Nadal?

Què vols per Nadal?
-Res que no tingui ja,
a l'abast de la mà.

Una muntanya sagrada,
uns caminois de terra
i aquest cel tan blau

que, dia rere dia,
m'acompanya amb mots,
sons i somnis

Us desitjo el mateix.
Bones festes de Nadal!



Contrasts

Lejía del amor,
llegia de l'amor,
quants contrasts
entre llengües.

Contra la traïció,
contra la tradición,
bec de la sàvia font
del quotidià.

Lego, je lie, je lis

Ma maison s'est peinte de bleu
puis elle a changé de place
ses vieux meubles.
Lego, je lie, je lis.

Le silence a changé de bruit
et les volets joignent enfin
quand la nuit envahit la rue.
Lego, je lie, je lis.

Le bleu du ciel, de Bataille
a quitté le tiroir et il danse
sur le sol de formica ocre.
Lego, je lie, je lis.

jeudi 22 décembre 2022

La chanson de Philomèle

Le rossignol s'en est allé
vers de plus chaudes terres
où il enchante son monde

à la façon de la fille de
Pandion. Moi, chaque nuit,
je scrute le ciel glacé

et cherche Philomela, où
l'oiseau, un jour, a promis
de me dessiner un mouton.

Son absence est confiance
et j'attends avec patience
le joli mois de mai,

où il charmera les branches
allégées de mon oranger par 
de nouveaux contes africains.

mercredi 21 décembre 2022

Blau al cel

A la Vanessa i al Fabien
i a la memòria de R. Ferras

Al bell mig de la foscor d'un hivern
a les beceroles, li tornaren un títol
de Georges Bataille, El blau del cel.

i, de cop i volta, es barrejaren davant
del seus ulls tants noms de francesos
amarant-se en el barri xinès de Barna:

Montherlant, Carco, Morand, Genet,
Mandiargues... Quan el cabdill tractava
d'imposar una llengua aliena al port,

d'altres floreixien i portaven la seva veu
al món. Barcelone: latitude New-York,
longitude Paris... I el blau al cel.

Une étoile de Noël

À Sofiane, lecteur fidèle

Le petit théâtre a refermé ses volets
de papier et les enfants ont faim,
en ces premiers jours de vacances.

La fête est encore loin et le chocolat
attend dans les vitrines. Dans le ciel
glacé, les étoiles brillent haut,

dont celle que suivront bientôt les mages.
Sur terre, à la médiathèque d'Elne,
un lecteur se présente, le firmament

dans les bras : sablés glacés de vert,
délicatement sucrés. Un petit univers
à portée de chacun. Après le goûter,

viendront les jeux, avec Béatrice, Marion
et un Père Noël polymorphe et multicarte,
qui tombera la barbe et gonflera le cœur.




Carte de vœux de Noël / Nadala

Carte de vœux de Noël
(à grands coups de pédale)

Va-t'en de par le monde,
pour y semer le bien,
puis rentre dans tes pénates
quand reviendra Noël.
Enguirlande-toi.
Un pas de moineau,
les bêtes à l'étable,
et que s'incarne l'étoile
dans l'enfant nouveau-né
afin qu'elle nous illumine
pour nous guider de par le monde.

JOYEUX NOËL !

Michel Bourret Guasteví, sur un texte
original de Roser Blàzquez Gómez.


Nadala  
(poema de Nadal, a cop de pedal)

Roda el món,
tot fent el bé,
i torna al born
quan és Nadal.
Deixa't brillar,
pas de pardal,
i cada ovella 
al seu corral.
Sia l'estel
l'Infant del born
que ens doni llum
per rodar el món.
BON NADAL!




No pudieron...

Più nessuno mi porterà nel sud.
            Salvatore Quasimodo

No pudieron aprobar la asignatura
pendiente que les quedaba. Se quedaron

con las ganas y la vista puesta en el Sur.
Pasaron años, el Sur se desveló, ajeno a

lo que se habían imaginado. Un Sur adulterado
pero sabroso, saleroso. A distancia, volvieron

al Norte, y allí decidieron escribir sendas vidas,
aventuras, desventuras. I ventura placentera, por fin.

Sourire

Au rire des chambrées, je préfère
le sourire discret. La chambre
de l'intime où, même seul,

je reçois du monde bien plus
que je ne lui ai offert.
Mon sourire ? Une monnaie

en or que mes dents ne veulent
pas lâcher et qu'aucun texte
ne retiendra. Ou oui. Qui sait ?

Amnésie féconde

Il a perdu l'usage de la lecture
et tourne les pages lentement.
Le contraste s'imprime dans ses yeux
et j'y apprends à relire. À l'envers.

mardi 20 décembre 2022

Miensonge

Mensonge... Mensonge de l'enfant
qui éprouve son pouvoir en tordant
le cou à la réalité, avec un regard

d'ange. Le mensonge ploie la réalité
extérieure à la tyrannie du moi.
Paroles, paroles. Mots adroitement

coordonnés. Phrases juxtaposées.
Un monde neuf s'échafaude autour du
sujet. Et le miensonge naît.

Et la chaise...

Et la chaise s'est tendue de velours
grenat, comme un chapiteau dans une ville
d'eau. Ses bois anguleux peinaient

à accueillir le moindre comensal.
On l'admirait. On ne s'y asseyait pas.
Des mains passaient sur son teck clair,

des doigts se mesuraient aux jointures,
mais elle semblait aussi accueillante
qu'un sémaphore à la pointe du Raz.

Il suffit d'un pan de ce tissu sombre
et épais pour la faire basculer dans
le quotidien des repas et du repos.

Cette chaise, voyez-vous, c'est de mes mains
que je l'ai tapissée et c'est sur elle que
j'ai choisi de prolonger mes jours.

Par-delà la souffrance

Je pense au sourire qui se brise
quand, d'infortune, se brise une jambe.
Et sans le vivre dans ma chair,

j'en éprouve l'injustice profonde.
Le lit d'hôpital sied mal à qui 
a fait du monde son terrain de sport.

L'herbe couchée sous sa foulée et
que l'hiver, déjà là, ne tardera pas
à givrer, se redressera au printemps

pour guider ses pas vers de nouvelles
et envoûtantes aventures. Citius, altius,
fortius
. Ou, plus simplement, en avant ! 

El patiment d'un amic

A l'Aleix

Tarda funesta a pocs dies
dels torrons i de l'escudella.
La cosa més natural de la vida

se li ha torçat i ara espera
uns dies millors, rodejat pels
seus amics nombrosos i fidels.

Hores llargues de paciència i  
reflexions. El cos, tan obedient 
fins ara, pot tenir flaquesa. 

Amb aquesta consciència, ben escassa
a la seva edat, sortirà encara més fort.
¡No hay mal que por bien no venga!

Temps juste

Le ciel est par-dessus les toits,
si léger de lourdeur. Du ton clair
de la mandarine du panier à l'indigo

du store du marchand. La sérénité
qui s'y observe n'est qu'apparence.
L'harmonie naît de forces opposées

qui s'étreignent et se conjuguent.
Froideur des lourdes constructions
aux cheminées inertes. Temps juste.



lundi 19 décembre 2022

Taronja del jardí

Taronja del jardí, rodoneta,
olorosa, silent i fidel. Mesos
fa que m'estàs esperant,

creixent des de la flor més
delicada per pintar-te de verd
cru de bolig dur a pilota ferma

de color d'or fos. Ara que em caps
en la mà esquerra, penso que, amb
tu, soc l'home més ric del món.

Conjugaré el blau

Conjugaré el blau amb la pell
de les mans, sense guants.
Matisos delicats de la llum

pàl·lida del dia a la foscor
espessa de les nits d'hivern.
I en dibuixaré un cub petit,

políedre càlid per acollir
els somnis nocturns de mon fill
petit. Avui, conjugaré el blau.

Un coureur infatigable

Il travaille déjà depuis longtemps
quand nous dormons encore, volets
fermés, et si nous nous réveillons

en sentant un délicieux fumet, c'est
peut-être un peu grâce à lui. Coureur
infatigable dans la grande ville, 

il est aussi un ami fidèle et un convive
réjoui. Au cœur de son quartier, chats
et lapin lui offrent un petit paradis

de nature. Homme de plaisirs simples,
à l'intelligence vive et bienveillante,
Victor est ma fierté. Per molts anys!

dimanche 18 décembre 2022

Comme une tache livide

Sur un vers de Nerval

Laisse couler lentement l'eau, 
noire,sous les ponts et écoute,
sous sa puanteur aigre-douce,

la fière histoire des bateliers,
levés dès potron-minet et couchés
après le genièvre et l'amsterdamer.

Il n'est pas un litre de cette eau
qui ne se soit frotté au goudron
sombre de leur péniche et n'en garde
en son sein, comme une tache livide.

Imperfecció

L'admirable imperfecció de la veu del poble.
                            Roser Blàzquez Gómez

M'agrada allunyar-me de la inhumana finitud,
pescant, a l'atzar dels carrers estrets, la veu
del poble, ronca, trencada, dubtosa o, quasi,

altisonant. Paraules ferides, amputades. Nafres
sucoses, hàpaxos inaudits o barbarismes seculars
transmesos de generació en generació.

M'agrada apropar-me al poble viu i a cadascuna
de les persones que, sense adonar-se'n mai,
comparteixen, amb mi, aquest vaixell admirable.

Barbarismes aimés

J'ai mis un bonnet rouge au vieux dictionnaire.
                                                     Victor Hugo

J'aime les barbarismes que j'ai longtemps traqués,
correcteur de thème dans des épreuves académiques.
Je m'essayais alors à les dissocier du sujet qui

les avait couchés sur le papier, d'une main hésitante.
La vie est passée, les concours s'en sont allés, et,
désormais, je pêche les barbarismes comme autant de

sourires sur la vie. Si le gicleur se sonorise en gigleur,
au grand dam de Larousse, c'est que le mécanicien, aux mains
empreintes de cambouis en a fait le diamant de sa vie.

Ecce vir

À la mémoire de Dörte Helm

Sans concession, le fusain s'aiguise
sous l'œil, alors qu'il n'est que douceur
de la main. Épaules voûtées, torse

cave, genoux cagneux et visage
indistinct. Au centre pend le ventre,
gonflé, en impossible maternité.

Sous les doigts de Dörte, la figure
masculine se désacralise. Enfin.
Et la tragédie humaine de voyager.





















© Wikipedia

Vespertinar

Com un espertinar al vespre,
rosegui famolenc fragments
de la teua novel·la que un dia

me llegiré. La fam dels vençuts,
l'insuportable greix de
les dones dels vencedors,

ho teixes tot amb ploma
bona de cosidora maulla.
I me'n regali. Vespertinar 

Whisky occitan

Nulle tourbe. Nul Islay.
Les fumerolles noires
de la Montagne dans

un dé à coudre. Proie
du destin d'un soir,
je sirote, pensif. Black

Mountain, cadeau vif
de l'Ami bourlingueur,
en son mitan de la vie.

samedi 17 décembre 2022

Délestés délicieux

Tant que la vigne pousse, pousse, pousse...
Je ne dormirai plus.
                                                Colette

Délestés de leurs grappes,
les ceps vont somnolents
dans le couchant. Sarments

emmêlés par le souvenir
des vrilles du printemps,
tendres et virides, entre

deux villages, sans frontière
ni octroi. Délices à venir,
bientôt, en rouge gouleyant.



Corredors de fons

Esmorzen a distància. Pa torrat
amb melmelada bona. Tot somrient,
sense necessitat d'evidenciar-se

als ulls del món inquiet. Delícia
serena de l'estima quotidiana.
Urgència de les plomes distintes

i emparellades. Prosa i versos tots
a la una. Són corredors de fons, van
fent a bon ritme. Per arribar lluny.

Costats

No seré pas al teu costat
per apropar-me a Nadal.
Llavors, cada nit de llençols

freds, m'inventaré versos breus
que t'enviaré, com batecs
vius del meu cor de tinta blava..

No seràs pas al meu costat,
més, en llegir-me al dematí,
em faràs costat. I ho sabré.

Com una galerada

Ja sé que has escrit, anit,
al caliu de la llar. Ambient
de postguerra, un cor buit

que batega. Passos ràpids
que baixen sonors pels carrers
estrets de l'antiga ciutat.

Ja sé que has escrit i demà,
al caliu del cafetó, esperaré,
calentetes, les primeres olors
com una galerada sense paper.

Œdipe aux yeux crevés

Mes plus beaux poèmes
ne sont jamais écrits.
Ils naissent dans la nuit
puis le sommeil, ingrat,

les abolit, d'un trait de plume
d'édredon. Mais, au matin,
Il en demeure l'exigence
d'un goût d'inachevé.

Alors, Œdipe aux yeux crevés,
je pars sur les chemins, pour
y cueillir des coquelicots,
dont je te fais un bouquet.

vendredi 16 décembre 2022

Futur indéfini

La poesía es una arma cargada de futuro.
                                    Gabriel Celaya

Et c'est assez, pour le poète, 
d'être la mauvaise conscience de son temps.
                                   Saint-John Perse    
        
Tout à ma déambulation courte entre les tables
du lycée, j'ai tardé à réagir aux citations
qui rythmaient le questionnement proposé par Lise, 

pour me concentrer sur les regards de ses élèves.
Sombres, interrogateurs, suspendus à mes paroles,
comme si elles devaient leur ouvrir les portes

du possible ou, à tout le moins, de l'envisageable.
Et pourtant Celaya, durable amant d'Amparo Gastón,
m'offrait une solide solive, comme Butor, suspendu

entre Savoie et Genevois. Mais je n'ai pas voulu,
ou je n'ai pas su, les éclairer. Alors j'ai préféré
les laisser dérouler l'écheveau maïeutique du cours

du mercredi où Lise les avait invité, hors de ma présence
à disserter sur le poète en société et son rôle politique.
Leur futur m'est alors apparu comme chargé de poésie.



Envers et contre tout

Penche-toi au bord du vers
et regarde. Que vois-tu ?
Une incandescence pâle ?

De légers flocons qu'emporte
le vent mauvais de Charleville
ou, tout simplement, le silence ?

Si le vers se rompt brusquement,
n'est-ce pas plutôt que le désir
exige la rupture et le contraste

et qu'il n'est de volupté sans la
menace de sa disparition soudaine,
au débotté, envers et contre tout ?

jeudi 15 décembre 2022

Tosca boirosa

Fora de casa, sota la boira
humida del carrer, t'imagino
baixant pel carrer Tosca.

amb, a l'esquena, la guitarra
que acabava d'amenitzar
l'harmoniosa reunió.

passes petites i cansades
i, al cor, les ganes de retrobar
un coixinet anomenat desig 

L'épicène

La coriandre les a confondus
dans un désir d'ailleurs.
                        Lise Raivard

Ce n'était pas le grain petit
qui craque sous la dent,
mais plutôt ces feuilles
qui caressent la main.

La coriandre odorante,
au genre souvent incertain,
s'était emparée, depuis
une lecture, de son esprit,

ou plutôt de l'arrière-boutique
où il venait ranger ses idées.
Et, depuis, il n'en dormait plus,
réfugié qu'il était, dans son

                       Orient de fantaisie.

mercredi 14 décembre 2022

Il y eut cette rencontre

Il y eut cette rencontre, fortuite,
sur le goudron rouge de l'Archipel.

Cet homme venu de Cuba il y a vingt
ans, quand la danse se moquait des

frontières et du temps. Puis vinrent
les chantiers perlés, le ciment gris

creusant les traits et voûtant le dos.
Il y eut cette rencontre... Lumineuse.

La petite boulangerie

La petite boulangerie ne vend pas de pain
et les pâtes qui s'y pétrissent regorgent de
sucre et de douceurs. Les tables petites

sont des havres précieux à l'abri des pluies.
Mon fils y déguste un éclair chamarré
dont il retire un joli médaillon goûteux

avant de me l'offrir pour accompagner
mon petit café serré. La petite boulangerie,
sans pain, enchante nos mercredis.

À fleur de peau et de cœur

À fleur de peau et de cœur, entre nous,
les mots voyagent, savoureux et sereins.

Et si, pour certains, le verre se brise
dans un éclat de rire, oublieux des senteurs
dont son ventre est empli, entre nous,

les liqueurs glissent et passent sans rive
ni port. Nous sommes à chacun le havre
émerveillé de l'autre.

À fleur de peau et de cœur, entre nous,
les lettres font mouche et ne s'arrêtent point.

Poesim

Poesim. Com un polsim
de lletres i de mots. Estel
de tela i fil o estrella de llum

a dalt del cel ben fosc. Silents,
apassionats, els mainatges juguen,
amb endevinalles, versos del Raül

i un conte nadalenc de la Roser.
Tres quarts d'hora de vida plena
i original. Gràcies, mestra!

















© Elena Gual

Des couleurs en hiver

À mon neveu Aloys

Qui a dit que l'hiver émoussait
les couleurs sous sa brume gelée ?
Moi, chanceux, j'ai entre les mains

une symphonie de tons sur papier glacé.
Tout un monde enneigé qui aspire à Noël,
revivifiant d'un sourire les bois de Brueghel,

et, à l'intérieur, multicolores, cinq mots
d'amour qui me réchauffent le cœur mais...
espiègle, je ne vous les transmettrai pas !



Faire café

Faire café, comme d'autres faisaient
salon, autrefois. Délaisser la mollesse
lénifiante des conversations surannées

et opter pour le café brûlant des tasses
transparentes, ou l'alcool fort des verres
épais. Jouer de la langue et de ses trésors.

Délaisser l'impératif dominant pour l'infinitif
absolu, celui qui fond notre aventure d'un moment
dans le grand concert des nations. Et du dictionnaire.

Llepar-se la vida

La vida es llepa, ràpid,
com es llepen els dits.
Suculència de l'instant.

Els ulls brillen i, dins
de la boca, van combregant
saliva i engrunes. Sorprenent

alquímia que transforma el midó
esquerp en sucre llarg. Apa, amics,
llepeu-vos la vida. Que és curta...

Roig de fred

Fugint del blanc i del blau,
el roig s'ha invitat a la taula
ampla de l'hivern. Entremaliat,

el nouvingut no porta regals,
torrons, ni tan sols carbó.
Esquitxa de picor l'amfitriona,

com per dir-li que, al bell mig
del fred que ho adorm tot o quasi,
la vida, impacient, es vol novel·lar.

Parem català

Un arc de cadires en una sala
petita. Sense taula. La taula,
l'hauran de parar després. Mes

rere mes, amb confiança serena
i determinació, com pararan
la llengua amb la força pura

de les seves personalitats.
Vinguts de París o Provença, 
li oferiran uns accents renovats.

mardi 13 décembre 2022

Patchwork

La salle est petite, mal éclairée,
graisseuse et délicatement surannée.
Les chaises sont serrées, les coussins

opulents négligent l'étroitesse. Au mur,
une collection hétéroclite de tableaux
et de photographie de guingois. Nulle

pacotille, cependant, et je crois même
voir, parmi les pigments métalliques 
oxydés, le visage rajeuni de la tenancière.

Encore, en âme

Encore... En corps ?
Non pas en corps.
En âme, en esprit.

Comme un souffle 
léger sur le dos
de la main gauche

ou la page cornée
qu'un autre lecteur
ouvre impromptue.

Confiance partagée

À Roumaissa, qui s'initie en poésie

Que ces derniers mètres étaient longs
avant que tu remettes ta feuille, bristol
jaune, minutieusement calligraphié

et protégé sous un blister cristal épais.
Tes amies t'appuyaient, t'animaient.
Tu ne savais pas alors que, à ton corps

défendant, tu te transformerais en
porte-étendard d'une classe et d'une
génération. Par tes mots et ton audace

de poétesse en herbe. Ton poème vrai
s'intitule «Confiance». Et c'est ainsi
que je l'ai lu, une fois, deux fois, trois

fois, avant de te répondre. Douze vers,
alignés au centre, en quatre strophes,
inégales comme les branches épaisses

d'un arbre solidement enraciné. Anaphores
confiantes mais jamais insistantes...
J'ai lu, derrière l'adresse à l'ami invisible,

une invitation à toi-même, décidée et
décisive, à poursuivre dans la carrière
des lettres. Je serai heureux de te lire.







Un manteau

À mon fils Jérôme

Un manteau. Un long manteau,
sombre et beau. Vade-mecum
commode, passant du père au

fils, et balayant les rues aimées,
du quinzième arrondissement,
avant que la poussière, soudaine,

ne l'invite à un passage printanier
par la blanchissement du quartier.
...Pour repartir de plus belle !

dimanche 11 décembre 2022

Encre sympathique

Le ciel bascule d'un silence dans l'autre.
Bientôt, dans une demi-heure ou deux, peut-être
trois, les insouciants nuages disparaîtront dans

la grisaille froide. Pour l'instant, ils semblent
tenir encore sous leurs fils de marionnettistes
tristes, la blancheur un peu guindée des immeubles

du quartier, cependant que le couchant leur tend,
incontinent, un brasero de roses orangées. Encre
sympathique dont je cherche les rares fulgurances.



Béances bleues

Béances bleues où s'abîment les yeux
buvant les sommets jusqu'à l'ivresse.

Les nuages s'effilochent, haves, cotonneux,
en glissant sur les ruades de gris, endurcies

sous le pas lent des promeneurs. Les poumons
brûlent, la gorge est sèche, le cœur bat, grave,

avec ce petit goût de sang qui, le soir venu,
bleuira les tempes. Béances bleues où s'abîment...

Què pensaran?

Què pensaran les estovalles de paper, dins la foscor
de la sala, quan les hagin llençat, després del festí?
Enyoraran la delicadesa dels fulls de paper fi

dels diaris íntims o de les confessions dels poetes?
Res de tot això. Quelcom de millor. Amb la tinta
viva del greix i de les begudes, amb les engrunes

moltes dels pans compartits, recordaran aquests
moments únics d'una colla d'amics, que ha deixat
la verticalitat, un dia, per tornar-hi amb passió.



Pensées douces

Pensées douces, pensées retrouvées,
au détour d'un rêve ou dans les plis
d'un drap de coton égaré.

Pensées douces, comme de velours
ras, odorant, rendant sous les doigts,
le galbe de la course passée.

Pensées douces, pensées retracées,
au matin, en toute hâte, pour que
les draps ne se referment à jamais.

vendredi 9 décembre 2022

Pourquoi...

Pourquoi ne pas peindre en bleu cru,
les murs de la chambre qui s'ennuie ?

Le lourd volet la prive du balcon et
la persienne grimace en se levant. Tout

n'est que grisaille et parquet bon marché.
Au plafond haut, le fil grêle de l'ampoule

rêve des devantures de Noël. Le silence
est glacé et ça sent la poussière. Pourtant

pas un seul grain. Ni sur le sol, ni au mur.
L'ensevelissement de la pièce a tout effacé.

El vespre sense tu

El vespre sense tu, llegint revistes
antigues que t'acabo d'enviar. Un vespre
silent i fred on la lectura em reinventa,

camí de la nostra felicitat. Te'n recordes?,
fa ben poc, fa un segle.. Treballàvem plegats,
l'un al costat de l'altra, fullejant tants destins

estripats entre filferros sagnants i passaports
càndidament falsejats. Glaçades, les pàgines exigien
un berenar al caliu, i unes infusions compartides.

Pássaros desajeitados

Todas as noites podemos voltar a ter dois anos
                                                        Lídia Jorge

Qu'ils sont maladroits, ces oiseaux tout juste 
sortis du nid, avec leurs plumes empesées.

Le vol leur semble lointain et la démarche si lente...
Ainsi étions nous à nos deux ans, ainsi sommes-nous,
la nuit, quand le sommeil se brise comme une coquille

et nous laisse désemparés, au bord de l'abîme blanc
la bouche sèche du lait qui, autrefois, se tarit.

jeudi 8 décembre 2022

Amplituds

Amplitud de la sala d'assaig,
amplitud del temps retrobat.
Es tanca un any ben ple

i ja sem a les beceroles d'un altre.
La colla no deixa de néixer, una,
dues, deu vegades i de créixer,

en amplitud, alçària, edats, i,
sobretot, en saviesa i convivència.
En davant, Riberal. Per sempre!




mercredi 7 décembre 2022

Un pessebre verd hi cal

Vertical construcció
per acabar l'any casteller.
Veniu tots a aplegar-vos,

com al pessebre on nasqué
el Bon Jesús. Que nosaltres
adorem la nostra llengua

i volem eixamplar la base
per a ser dignes, ben aviat,
d'enlairar-nos més a dalt.



Despuntat de pàgina

Lector, no dubtis mai en buscar
entre les pàgines esgrogueïdes
de la biblioteca del poble,

un punt de pàgina oblidat, o
deixat expressament, per iniciar
una nova investigació en torn

de la fabulosa història del viure.
Quan es tornin a tancar els llibres
i a cloure's la sala, despuntaràs.

Ineffable, indicible

L'ineffable, l'indicible,
délicieuses apories qui
se drapent et s'étendent

dans une étole de sons
doux. Si le monde est
illusion, les couleurs

des ondes grossières, alors 
qu'au moins mes pauvres mots
puissent inventer une réalité. 

GARRIGUE

Le mot la tient tout entière
dans son poing. Sourds ou
sonores, voyelles, consonnes,

six sons en huit lettres se liguent
pour la crier avec l'accent, cette 
GARRIGUE sèche et pierreuse,

dont les odeurs entêtantes collent
aux doigts du potier du présent.
N'est-elle pas celle qui te suit ?



Visage, vue sage sur ta vie

Visage... Vue sage sur ta vie
et sur ton âge. Nulle image,
ni reflet en cage.

Ton visage, au réveil, nage
dans le café brûlant. Volutes
noires qui virevoltent, en me

dévisageant. Room with a view...
Pourquoi me laissé-je soudain
aller à cette réminiscence ?

Coco ®

Et cet antique parfum s'est dissous dans l'air du matin,
le parfum de la mère, la fragrance aimée, tôt recherchée
quand l'inquiétude te saisissait, au détour du chemin.

Effluve capiteux qui convoquait l'Orient dans la froidure
et rappelait des salons veloutés les huiles opiacées.

Son nom ? Un prénom sonore, aux couleurs enfantines.



Oda petita al gran Jean-Louis

Un intel·lectual somrient, amb ulleres
i generositat, així em vas semblar,
Jean-Louis quan vaig apropar-me

a la colla, un dimarts de febrer passat.
El teu somriure, elegant, benèvol,
des d'aleshores no s'ha apagat mai.

Rei de l'equilibri, no disgustaves a
ningú o, almenys, ho sentia així.
Ets un gran, Jean-Louis. I humil.

















© Hervé Pi

βουστροφηδόν

J'ai peur des vers si longs
que je m'y perds, aveuglé
par le blanc qui les clôt.

J'ai peur de les relire, au 
lieu de passer au suivant,
comme un Sisyphe éberlué.

Je vis dans la nostalgie du 
boutrophédon antique, qui
balayait les lignes, à la façon

du pas lent des bœufs subjugués
traçant des sillons gras dans la
glaise en attente.

Et, surtout, je pense à toi,
ma lectrice, qui picore mes mots
avant de sourire, en me quittant.

mardi 6 décembre 2022

A la manera...

El parque, silencioso.
El tibio sol de invierno,
por el atardecer.

Dentro del aula gris,
tiernos sueños de alumnos.
Siete sílabas justas.

Ni una más. Canturrean,
silenciosos, atentos
al timbre que se acerca.

Silenci de vidre

Silenci de vidre. La classe
com una bombolla quadrada.
La llengua de Don Antonio,

lenta, serpentejant a les fosques,
entre cares atentes. Plaer viu
de les paraules senzilles,

dels girs nous, de la retòrica
antiga. Els alumnes escolten
i el parc Maillol s'il·lumina.

Llegir amb els teus ulls

Llegir el que has llegit.
En silenci, a distància
figurada, mentre dorms.

Assaborir les notícies
que m'has comentat,
mentre menjàvem ous.

Llegir amb els teus ulls,
ara closos i somiadors.
Estar-te agraït. Sempre 

lundi 5 décembre 2022

Une action de grâce

Une action de grâce, simple, 
petite. Pas la Grâce en action,
pontifiante, raide, ennuyeuse.

Je ne crois pas à la destinée, ni
à une grâce dont nous serions
les sujets redevables.

Ma reconnaissance va au hasard
qui conduit les êtres à sourire
quand ils se rencontrent, au fil

du chemin. Et aux coquelicots
qui le bordent, libres, fragiles,
indispensables. Et je crois en toi.

samedi 3 décembre 2022

L'acompanyant a la llanterna

Ha baixat silenciosament l'escala.
En una mà, la mà de la germaneta,
en l'altra mà, una llanterna barata.

Pica a la porta del pare, fort, confiat.
El pare obre i els consola. Llanterna
apagada, pugen tots tres cap a 

l'habitació càlida, somniant ja, tots
tres, en el tió de nadal, les garlandes
i la calidesa de la família reunida...

Froidure

Froidure soudaine de la nuit
qui soulève la couette épaisse
comme la page d'un livre.

Pas un bruit, ni une lueur.
L'espace est d'ombres et d'air
glacé. C'est alors que commence,

sans que l'on n'y pense, l'hommage
à la vie toute simple, continue et
à l'amour qui, au loin, vous attend.

vendredi 2 décembre 2022

combinatòria de sons i mots

Si l'ase és la base del burro,
el ruc s'en queda orfe del cop.

El teatre és traça de l'art,
sense traca més amb trucs.

Gall dindi, d'on vens, idiot?
Idiot, jo? Indiot soc. I callo.

Ouvre ta porte

Ouvre ta porte à mes pensées,
mais pas trop, je t'en prie. laisse
entrer avec elles le soleil livide

des vieux disques qui s'empilent
au salon, sans qu'aucun diamant
ou saphir ne vienne jamais

réchauffer leur sillon gondolé.
Entrouvre les yeux et laisse
faire la musique. Simplement.



Summertime

Tinc l'estiu, tan enyorat,
davant dels ulls. Una fina
capa de melmelada

de poncem i taronja. Llum
serena, agredolça d'un matí
boirós de juliol, quan no saps

si el sol estimat et saludarà
o es quedarà al caliu tendre
dels llençols d'espígol.



Retorn

Torno a l'escriptura, de bon matí,
després d'un primer de desembre 
gebrat. Somriure cec. Talls sonors.

Impossibilitat de concentrar-me
ni pensar en altra cosa que amb
tristesa i desesper. Però ara som

el dos de desembre. Sol d'Austerlitz,
advent del cor estimat. Renaixença
per l'escriptura i l'amor. Corcovado.



Deux décembre

Deux décembre en deux,
mon soleil d'Austerlitz
dans la froidure tue:

deux très fines couches
de marmelade de cédrat
et d'orange. Sur le pouce.

Pas un bruit dans la rue
et les volets sont clos.
Bientôt ils claqueront

de part et d'autres des gonds.
Je serai parti. Pour le lycée.
Dans mes oreilles, des vers

à venir, non encore écrits,
ni même pensés. Mange-t-on
encore des Chocapic, comme

chantent Bigflo et Oli ? Café
brûlant tiré d'un percolateur
étoilé et sagement aimé.