mercredi 14 mars 2018

Cependant que tu dors

Cependant que tu dors, volets tirés,
si loin de moi, je m'approche à pas
lents, pieds nus, épousant de la plante

le sol un peu frais. Tu as tourné le dos
aux importuns et aux soucis. Ta nuque,
rebelle, a vaincu tes cheveux et s'offre

à moi en toute confiance. Je pourrais être
un cruel janissaire au cimeterre tranchant,
je ne suis qu'un amant, timide et attentif.

Le drap, que je croyais étranger à la scène
qu'il volie, vit, sur ton rythme serein,
en épousant ton souffle. Il dit ton cœur

plus que la nudité ne saurait dire ton corps.
Tu es exténuée. Tu as gagné la place libre
d'un lit pour deux où mon souvenir déjà

te caresse. Pourquoi pensé-je soudain à
Paul Valéry et à son «cimetière marin» :
«les cris aigus des filles chatouillées» ?