Il y a peu, c'était encore une belle bâtisse,
aux pièces harmonieusement agencées. Le bois
clair se mariait à la brique sombre et on
l'eût dit édifiée pour mille ans. La neige,
singulière en ce moment de l'année, sale,
grise et empesée en décida autrement.
Il ne fallut pas plus de trois grincements
pour que la bâtisse ne fût plus. La neige
fondit, le soleil de la fin mars vint,
emportant avec lui la griseur de l'orage.
Nostalgique de l'antique demeure qui avait
réuni, autour d'une généreuse kémia, cousins
et nièces, frères, tantes et amies, j'allai
me recueillir sur le tas de gravats qui taisait
sa silhouette hautaine. D'entre les ruines,
je saisis qui un pan de tapisserie, qui un jouet
d'enfant, qui le plomb percé d'un tuyau improbable.
C'est alors que je revis celle qui convoquait les
siens, fabuleuse lectrice aux mains toujours ouvertes.
La fantaisie me porta à imaginer les pluies d'octobre
sur la ruine. Les pluies et le limon, la poussière faite
glaise. Des ans passeraient, des générations et puis des
siècles. De la bâtisse, plus rien ne demeurerait. Plus rien ?
Voire. Un enfant, grattant le sol, trouverait un verre peint
où, autrefois, naguère, on servait le thé chaud, en Méditerranée.