Pas n'importe lesquels. Pas les doigts boudinés
des poussahs alanguis saisissant les douceurs
sans la moindre délicatesse.
Ni les doigts fins et noueux des caissiers à
visière comptant les billets qu'une main autre
engloutira prestement.
Non. Les doigts. Tes doigts avec lesquels tu écris
si bien quand l'échange se fait. Tes doigts sur ma
peau, au hasard d'une mémoire indélébile,
labile, et qui la répètent inlassablement dans
la tiédeur de l'alcôve, sans que nul ne les voie
mais que mon nez les devine à mille ans de là.
Tes doigts qui travaillent toute journée. Accompagnent,
guident, réconfortent. Tes doigts qui ouvrent un loquet
que l'on croyait fermé et parlent une langue,
deux, mille. Tes doigts qui se font ouïe et me supplient
de leur parler des assoiffés la mélopée mutine. Tes doigts dont
j'espère, chaque jour, que de moi jamais ils ne prendront congé.