L'eau coule, noire et glacée,
entre les piles du vieux pont.
Ils n'en ont cure, pas plus qu'ils
ne voient les entrepôts autrefois
majestueux ou les péniches basses,
chargées de grain ou de charbon.
Ils jouent au tennis avec une balle
de mousse jaune. Lentement, constamment,
non loin de l'hôpital où naîtra leur fils
premier. Le sol est fait de poussière
légère dont se repaît la balle tendre.
Bientôt son or s'affadit et s'assimile
à la grisaille alentour. Pourquoi me vient-
il tout à coup à l'esprit les mots de l'antique
batellerie : bief, écluse, embouquer, halage ?
Dans mon esprit, ce souvenir se mêle à celui d'un
autre canal, projeté il y a des siècles, au sud
de l'Europe et sur lequel j'avais écrit un article
qui m'avait fait plaisir. Les joueurs continuent de
se renvoyer la balle et, en moi, le canal s'alanguit.