vendredi 22 février 2019

Diurne de Créteil

Passerelle sur les voies
comme un oiseau blessé
couché dans l'herbe.

Aile sanglante, regard
absent. La marche lente,
je passe des Choux et

des épis à l'ample berge
du lac. De profil, deux
hommes en tamoul

discutent gravement. Derrière
moi, dissimulé au cœur dur
du béton sale, le supermarché

et ses rangées regorgeant de
victuailles de l'ailleurs :
Caraïbe, Portugal, Turquie.

Derrière moi encore, les pétales
béants d'immeubles en cylindres
serrés, volets arrachés.

Un club d'échecs minuscule et
des enfants criant la vie du
bout de leurs doigts.

Devant moi, un lac de fantaisie,
sans baigneur ni pêcheur.

La côte, légère, me surprend et
le croissant olive de la mosquée
aiguise mon œil droit,

cependant que la lente étoile
filante d'un avion me retarde.
Fine et belle dans un drapé

vert qui masque son visage, une
jeune fille tient sous le bras
un classeur gris.

À ses pieds, des chaussures de
sport frappées du logo d'une
entreprise honnie.

Contrastes, silences. Des mouettes
font planer sur le couchant l'onctueuse
menace d'un improbable orage.

Le soir tombe. D'or. Attablé, j'écris.
J'envie la nuit de Créteil entrevue,
jamais conquise.