jeudi 28 février 2019

Rien

Tu m'as demandé ce que je serais prêt
à parier pour réaliser mes rêves.

Je t'ai simplement répondu : «Rien»,
un mot plein de vie, à l'inverse du

sens dont on le croit affublé. Le voile
du palais qui force un peu avant de libérer,

nasalisé, un souffle de vie comme un soleil
en petit. Mes rêves sont petits et tendres.

Simples, lisses comme un galet qui tiédit
dans la main où il s'est oublié. Partager

un repas, marcher gravement dans les couloirs
de marbre d'un ancien hôpital moderniste,

prendre à la volée le dernier métro en sachant
que l'eau sera brillante au terme du retour.

Je n'en demande pas plus et déjà mes lèvres
s'ouvrent à cueillir le fruit  si longtemps désiré.

Una mirada al metro

La mirada buida de qui tocava
una guitarra verd clar dintre
del cotxe del metro de la 1

entre Navas i Arc de Triomf.
"Hotel California'' va cridar
un marginal amb gorra de llana,

ritmant la cançó amb els dits
de la mà esquerra. La mirada
aliena, a la gent del cotxe,

no va dir res i amb un got de cartró
gris ple de monedes oxidades,
se'n va anar, deixant-me orfe, de sobte,

dels Eagles, adorats quan, enamorat
Dels carrers de Barcelona, hi passava,
fa vint anys, fa tant de temps, ara.

Tendresa / Tendresse

Una paraula tan sucosa,
tan discreta i plena de
vida i amor que podria

deixar d'existir. En el
seu lloc, podríem sentir 
una brisa lleugera, la flaire 

d'un pollastre de camp amb prunes 
a casa d'uns bons amics,
la rialla d'un nen assaborint

un pastís de maduixes fresques.
Peró existeix i m'entreobr les
parpelles quan m'adormo i trobo

a faltar la conversa tèbia i
olorosa d'una amiga llunyana
i alhora tan propera.

***  

Un mot si juteux,
si discret et plein de
vie et d'amour qu'il pourrait

cesser d'exister. À la 
place, on pourrait sentir
une brise légère, le fumet

d'un poulet fermier aux prunes
chez de grands amis,
le rire d'un enfant savourant

une tartelette aux fraises fraîches.
Mais il existe et entrouvre mes
paupières quand je m'endors et qu'il

me manque la conversation tiède et
odorante d'une amie lointaine 
et en même temps si proche.

mercredi 27 février 2019

Amiga de porcelana / Amie de porcelaine

Fràgil, tan fràgil com la
porcelana més prima. I tan
forta alhora, tan brillant

i lluminosa com les pàgines
d'Apollinaire robades a l'alba.
Ets la meva amiga. I ningú ho sap

o ben pocs. Caminem per la ciutat,
agafats de la cintura en somnis,
callats i nostàlgics d'un present

que ja està passant sense mai fosquejar,
com la porcelana més prima, com aquella
més blanca, ànima meva.

***

Fragile, aussi fragile que
la porcelaine la plus fine. Et aussi
forte en même temps, aussi brillante

et lumineuse que les pages
d'Apollinaire dérobées à l'aube.
Tu es mon amie. Et personne ne le sait.

Ou bien peu. Nous marchons dans la ville,
nous tenant par la taille en rêve,
silencieux et nostalgiques d'un présent

qui déjà passe sans jamais s'assombrir,
comme la porcelaine la plus mince, comme celle
qui est la plus blanche, mon âme. 

Battements

Mon cœur avait battu,
il y a longtemps déjà.

Je te le confiai, comme
le rossignol au loin se

levait. Tu souris et, espiègle,
me fis remarquer qu'il battait

sur plusieurs rythmes à cette époque
là. Je souris à mon tour. Et me vint

une bouffée de tendresse sereine.
Je décidai de ne pas penser à ce que

nous eûmes pu vivre et repris ma marche
lente dans les rues de la ville autrefois

partagée et offerte soudain, au hasard
d'un coin, en calice de crocus pour toi.

mardi 26 février 2019

Carícies / Caresses

No vull res més que les carícies
del vent per la teva mà dormida,
al migdia, a la platja petita.

Aquesta conversa tan lleugera que
els meus llavis assedegats no la
poden entrebeure mentre somien

amb la teva pell i imaginen l'ombra
blava del teu pubis endormiscat i
el mar que de tu naixerà a l'alba.

***

Je ne veux rien d'autre que les caresses
du vent sur ta main endormie,
à midi, sur la petite plage.

Cette conversation si légère que
mes lèvres assoiffées ne peuvent
l'entreboire cependant qu'elles rêvent

de ta peau et qu'elles imaginent l'ombre
bleue de ton pubis ensommeillé et
la mer qui, de toi, naîtra au point du jour.

samedi 23 février 2019

Disllibertat / Dysliberté

a L. T.

No tenia amb qui xerrar.
A la nit, en veu baixa,
la llitera barata de 

fusta prima li servia de
dialogant i parlava, en 
un català ronc, del poble,

de la primavera i del sol.
Del sòl i de la llibertat,
tan enyorada, tan llunyana 

en aquest camp d'Alemanya 
de filferro de pues gèlides.
Un dia arribaren dos

germans, de parla catalana,
i els tres, esperançats,
començaren a recordar el país, 

la carn, el vi i les dones.
Els nous amics s'inventaren
parella, família, infants.

Es prometeren que si un dia
tinguessin fills, els dirien
«Llibertat», si fos nena,

i «Llibert», si fos nen.
Passaren els anys, se n'anà
el filferro, tornaren

a un altre país, de llengua
aguda i freda, i tingueren fills.
El 1947 nasqué Llibert Tarragó.

***

Il n'avait à qui parler.
Le soir, à voix basse,
le châlit bon marché

en bois mince lui servait
d'interlocuteur et il parlait,
dans un catalan rauque, du village,

du printemps et du soleil.
Du sol et de la liberté,
si regrettée, si lointaine

dans ce camp d'Allemagne
en fil de fer barbelé glacial.
Un jour, deux frères arrivèrent

qui parlaient catalan. Et
tous trois, pleins d'espoir,
commencèrent à se rappeler

le pays, la viande, le vin et
les femmes. Les nouveaux amis
s'inventèrent femme, famille,

enfants. Ils se promirent, si
un jour ils avaient des enfants
d'appeler la fille «Liberté»

et le fils «Libert». Les années
passèrent, les barbelés
s'en furent, ils revinrent

dans un autre pays, à la langue aiguë 
et froide et ils eurent des enfants.
En 1947 naquit Llibert Tarragó.

vendredi 22 février 2019

Diurne de Créteil

Passerelle sur les voies
comme un oiseau blessé
couché dans l'herbe.

Aile sanglante, regard
absent. La marche lente,
je passe des Choux et

des épis à l'ample berge
du lac. De profil, deux
hommes en tamoul

discutent gravement. Derrière
moi, dissimulé au cœur dur
du béton sale, le supermarché

et ses rangées regorgeant de
victuailles de l'ailleurs :
Caraïbe, Portugal, Turquie.

Derrière moi encore, les pétales
béants d'immeubles en cylindres
serrés, volets arrachés.

Un club d'échecs minuscule et
des enfants criant la vie du
bout de leurs doigts.

Devant moi, un lac de fantaisie,
sans baigneur ni pêcheur.

La côte, légère, me surprend et
le croissant olive de la mosquée
aiguise mon œil droit,

cependant que la lente étoile
filante d'un avion me retarde.
Fine et belle dans un drapé

vert qui masque son visage, une
jeune fille tient sous le bras
un classeur gris.

À ses pieds, des chaussures de
sport frappées du logo d'une
entreprise honnie.

Contrastes, silences. Des mouettes
font planer sur le couchant l'onctueuse
menace d'un improbable orage.

Le soir tombe. D'or. Attablé, j'écris.
J'envie la nuit de Créteil entrevue,
jamais conquise.




Paris

J'aime le Paris de mes fils,
le Paris lentement parcouru,
de ruelles en squares, le nez

sur les toits pentus et le cœur
à l'affût. Quai de Béthune désert,
où vivait Pompidou, plus anthologue

que président dans mon cœur. Enfilade
majestueuse des arbres du Palais Royal,
colonnes de Buren où mon fils Xavier

se hissa à la force du bout des doigts.
Rue Broca où me mena Vincent, mon aîné,
nostalgique des contes de Pierre Gripari.

Un bar

Petit, fosc, amb forta pudor d'aguarràs,
un bar de la part alta del poble de Port Bou
m'acull. Còmodament instal·lat ens uns coixins

de llana apagada, no dic res, escric versos i
observo. Els clients, tots homes, tret d'una
minyoneta, blanc dels acudits masculins.

Cervesa, rere cervesa, la tarda avança cap a
l'hora violeta, i la conversa amenitza un
castellà rogallós amb paraulotes catalanes

llançades amb una rialla. Dos homes, sentats
a una taula quadrada, d'esquena a la colla,
mengen patates fregides amb maonesa i quètxup.

La conversa, entre els versos, esdevé una remor
de fons agradable i em fixo en el cruixit de les
patates. Dintre de poc, m'hauré d'aixecar i agafar

el tren de retorn. Aprofito els últims moments de
serenor i concòrdia i em veig, adolescent, pels
mateixos carrers, caminant amb mos pares i mon germà.

***

Petit, sombre, sentant fort le white-spirit,
un bar de la partie haute du village de Port-Bou
m'accueille. Confortablement installé sur des coussins

de laine terne, je ne dis rien, j'écris des vers et
j'observe. Les clients, tous des hommes, à l'exception
d'une mignonnette, cible des saillies masculines.

Bière sur bière, l'après-midi avance vers la tombée
du soir et la conversation émaille un castillan
rauque de gros mots catalans

lancés dans un grand rire. Deux hommes, assis
à une table carrée, tournant le dos au groupe,
mangent des frites avec de la mayonnaise et du ketchup.

La conversation, au milieu des vers, devient un bruit
de fond agréable et je me fixe sur le crissement des
frites. Bientôt je devrai me lever et prendre

mon train de retour. Je profite des derniers moments de
sérénité et de concorde et je me vois, adolescent, dans
les mêmes rues, marchant avec mes parents et mon frère.

mercredi 20 février 2019

un ball / Un bal

Sona el telèfon amb una musiqueta,
la petita comença a ballar. Amb 
els ulls tancats i gràcia.

No despenjo. No despenjo mai. És
com si el timbre em servís només
per això: mirar com balla la meva

filla. Amb jersei rosa i pantalons
beix. I un somriure que em deixa
obertament seduït. Ja no sona el

telèfon i la petita comença a jugar
amb una nina que em presenta perquè
li doni de menjar. Amb un somriure.

***

Le téléphone sonne avec une petite musique,
la petite commence à danser. Yeux
clos, toute en grâce.

Je ne décroche pas. Je ne décroche jamais.
C'est comme si la sonnerie ne me servait 
qu'à ça : regarder comme danse ma

fille. Avec son pull rose et ses pantalons
beige. Et un sourire qui me laisse
ouvertement séduit. Le téléphone a cessé

de sonner et la petite commence à jouer
avec une poupée qu'elle me présente pour que
je lui donne à manger. En souriant.

mardi 19 février 2019

L'intrigue

De l'intrigue commune et de ses bassesses,
elle conserve le secret et la dissimulation.

Le mois le plus court de l'année, dans la pluie
froide des Flandres, la voit naître et se multiplier

sur le pas des portes, dans le rire pressé des masques
et des costumes. Minutieusement déguisés, sans qu'une once

de leur peau ou un soupçon de leur voix n'apparaisse,
les carnavaleux choisissent d'intriguer leurs voisins et

leurs proches, de les presser de questions et de propos
graveleux, avant de partir d'un rire et de les laisser pantois.


Sans une illustration

Je ne publierai pas une photo.
En noir et blanc, du début du
siècle passé. De profil.

Une femme menue, pieds nus, sans
que l'on reconnaisse le moindre
des traits de son visage, porte
sur son dos, une sorte de siège

en bois où s'est installé, rayonnant,
dominateur, un colon anglais, gras et
repus. La scène se passait aux Indes.

La honte est mienne. Ici et maintenant.

Un monument

Aujourd'hui je veux monumentaliser
ce qui ne l'est pas. La grâce gratuite
d'un arbre de métal rouillé muni de cinq

arrosoirs verts dans l'attente de veuves
silencieuses à l'approche de la nuit,
à l'heure juste où le garde fait tinter

les clés de la grille étroite. Cinq arrosoirs
si petits qu'ils suffisent à peine à arroser
un ou deux pots de plantes ternes et serrées.

Monument de l'attente, à la vie, horloge
imparable entre les travaux et les jours.
Hésiode, Hésiode, tu les aurais aimés !


Un cementiri marí / Un cimetière marin

Al meu pare l'horroritzava la idea del traspàs,
en sentit etimològic, peró l'anaven apassionant
els cementiris fins a convertir-se en una mena

de turista del més enllà. Volia que hi anés. Molt.
M'hi vaig negar rotudament. Una i vàries vegades.
Ara que no el tinc al meu costat, ni des de lluny,

li vull retre homenatge i pujo lentament a un dels
cementiris que estimava. Petitó, protegit dels vents
per parets gruixudes i emblancades. M'hi vaig sentar,

sobre les quatre de la tarda, aclucant els ulls i obrint
l'ànima. Silenci de fons. Remor ritmat d'ones i olor
d'iode i de peixos generosos.

«La mer, la mer toujours recommencée». Vaig obrir els ulls
i la mar em cridà des del petit port de Sète on mon pare
havia passat la seva infantesa. Vaig plorar. Al meu darrere,

Walter Benjamin explicava a Adorno que havia arribat al final
de la seva vida en el petit poble de Port Bou i una llosa
trencada a la sortida recordava la mort d'una nena als nou anys.

***

Mon père était horrifié par l'idée du trépas,
au sens étymologique, mais il était passionné
par les cimetières jusqu'à devenir une sorte

de touriste de l'au-delà. Il voulait que j'y aille. Beaucoup.
Je m'y suis toujours refusé. Et plus d'une fois.
Maintenant qu'il n'est plus à mes côtés, ni même de loin,

je veux lui rendre hommage et je monte lentement vers l'un des
cimetières qu'il aimait. Tout petit, protégé des vents
par des murs épais et blanchis. Je m'y suis assis,

sur les coups de quatre heures, fermant les yeux et ouvrant
mon âme. Silence de fond. Rumeur rythmée de vagues et odeur
d'iode et de poissons généreux.

«La mer, la mer toujours recommencée».  J'ai ouvert les yeux
et la mer m'a appelé depuis le petit port de Sète où mon père
avait passé son enfance. J'ai pleuré. Derrière moi,

Walter Benjamin expliquait à Adorno qu'il était arrivé à la fin
de sa vie dans le petit village de Port-Bou et une plaque
brisée à la sortie rappelait la mort d'une enfant de neuf ans.



lundi 18 février 2019

Canvis / Changements

Canvia de perspectiva i mira'm com som.
Un homo ja gran amb un somriure d'al·lot.

Canvia de país, de continent, salva l'oceà
i mira on som, passejant tafaner d'una illa

com una petjada. Canvia d'amor i aprèn a mirar
qui som, un homo qualsevol amb ses seves manies

i un desig inesborrable de collir, dia rere dia,
sa fruita amarga o dolça des caminar humà.

***

Change de perspective et regarde comme je suis.
Un homme déjà vieux avec un sourire d'enfant.

Change de pays, de continent, franchis l'océan
et regarde où je suis, promeneur infatigable d'une île

comme une trace de pas. Change d'amour et apprends à regarder
celui que je suis, un homme quelconque avec ses manies

et un désir ineffaçable de cueillir, jour après jour;
le fruit amer ou doux du cheminement humain.

Ascenseur pour les simples

La musique de Miles t'envoûte,
mais, je t'en prie, pour l'échafaud
ne prends plus l'ascenseur.

Invente-toi, de verre froid et de bois
tiède, un ascenseur parfaitement huilé,
muni de trois boutons de bakélite

rouge et d'une serrure d'argent clair.
Introduis-y la petite clé en or fin
que je t'ai confiée et fais-la jouer

sur la droite d'un mouvement ferme.
Les portes se fermeront, l'obscurité
se fera et l'ascension commencera,

lente, mais non désespérante. En haut,
tout en haut, les portes disjointes
t'inviteront à entrer dans le jardin

des simples. Tout n'y sera qu'amour
et volupté. Tu redécouvriras alors
le miel qu'un jour Miles sut t'offrir.


dimanche 17 février 2019

El comiat / Le congé

No te'n vagis. Encara no.
Guarda oberta la teva boca
contra el meu sexe obert

Frega els meus llavis de seda
amb els teus de passió lila.
Beu del meu fluix i fes-te'n dona.

Dóna'm encara el goig amb la punta
de la teva llengua que no para
mai. Aspíra'm. Fes dels teus dits

una corona d'espines vives.
Ensénya'm a contreure'm. Però
no te'n vagis. Encara no.
***
Ne t'en va pas. Pas encore.
Garde ta bouche ouverte
contre mon sexe ouvert.

Sur mes lèvres de soie, frotte
les tiennes de passion mauve.
Bois ma cyprine et fais-t'en femme.

Donne-moi encore le plaisir de la pointe
de ta langue qui jamais ne s'arrête.
Aspire-moi. Fais de tes doigts

une couronne d'épines vives.
Apprends-moi à me contracter. Mais
ne t'en va pas. Pas encore.

samedi 16 février 2019

Cor / Cœur

Cor de molts colors.
De sorra fina, la platja.
Ones d'amor ver.

***

Cœur de nombreuses couleurs.
De sable fin, la plage.
Vagues d'amour vrai.

Dans mes mains

Dans mes mains, ton sommeil,
dans mes rétines, tes yeux clos.
Dans mes oreilles le souffle serein

de ta respiration. Tu n'es pas là,
la porte s'est refermée sur le jour
et le froid engourdit mes épaules.

Je me suis assis au bord du lit
et delà je t'imagine, yeux clos,
à ma place, un sourire sur tes

lèvres qu'un froid semblable
dessèche légèrement.Magie
de l'imagination et de la veille,

puissance sereine de l'engourdissement,
s'il m'était donné de répéter
nuit après nuit ces gestes,

je le ferais.

vendredi 15 février 2019

Calendari

a un bon amic que passa pena

Es meu calendari 
necessita espai 
per l'illa.

Venen temps rics
d'encontres nous
i de terres amples.

Que s'obrin ses tanques
i que els ullastres grassos
de desig m'ofereixin un oli

de carn i no pas de pinyol sec 
i ressec. D'Inglaterra no vull
saber mai més res. Al mig de

sa nostra terra, faré d'una estufa
de gas un sol en petit. Sa meva
illa necessita calendari. Per gaudir-ne.

Une brise

Une brise légère dans ton cou,
ce sont mes lèvres disjointes 
qui hument ta peau et lui confient

de la vie le humble secret. Deux ou
trois mots, je n'en sais guère plus.
Alors mes bras, confiants te serrent

contre moi et de l'Océan chaque côte
lutte pour rejoindre l'autre dans un
fracas de marée et de houle. Silence

après le plaisir. Mon pouce sent sous
ton poignet battre le souvenir des yeux
clos et l'odeur de la mer nous apaise.

Promesa / Promesse

Em proposes una promesa
en vuit lletres i dues 
llengües i no m'exigeixes

res. Endevino el teu somrís
manyac. I et miro als ulls.
Em llanço. Em comprometo a...

ser un secret sucrat, l'alè
tendre de la vida, una mà pels
teus cabells i un cor mansuet.

***

Tu me proposes une promesse
en huit lettres et deux
langues et tu n'exiges rien 

de moi. Je devine ton sourire
paisible. Et je te regarde dans les 
yeux. Je me lance. Je m'engage à...

être un secret sucré. Le souffle
tendre de la vie, une main dans
tes cheveux et un cœur tranquille.

Un frec de parpelles / Un frôlement de paupières

Un frec de parpelles em despertà de sobte, al fil de la nit.
Havia perdut el timbre de la teva veu i pensava, ingenuament,
que els meus ulls en podrien substituir el ball tendre

i les inesperades carícies. Parpelles com llavis. Plenes d'amor
i de goig delejat. Trencaclosques dels dits que et busquen sota
la funda i t'inventen. Pell suau, veu delicada, mans creuades

amb les meves, mentre les llengües silencioses descubren el ritme
viu de l'onatge xipriot fins que s'extingeixin les hores.
De sobte, s'aclucaren les parpelles. A sota, brillaven els ulls.

***

Un frôlement de paupières me réveilla d'un coup, au milieu de la nuit.
J'avais perdu le timbre de ta voix et je pensais, ingénument,
que mes yeux pourraient en remplacer le ballet tendre

et les caresses inattendues. Des paupières comme des lèvres. Pleines d'amour
et de plaisir fébrilement désiré. Puzzle des doigts qui te cherchent sous
la couette et t'inventent. Peau douce, voix délicate, mains croisées

avec les miennes, cependant que les langues silencieuses découvrent le rythme
vif de la houle chypriote jusqu'à ce que s'éteignent les heures.
D'un coup, les paupières se fermèrent. Dessous, les yeux brillaient.

jeudi 14 février 2019

Colors / Couleurs

Colors

No deixis entrar la mar violeta.
Trenca les portes i s'emporta
de la llar la dolça harmonia.

Si ho fas et quedaràs sense res,
sense alè ni esperança. La nit,
inhòspita, s'haurà apropiat de

cadascun dels colors de la vida.
Des de les flors petites fins a
la tebior del calaix. Aleshores

t'adonaràs de la calor de l'amistat
desinteressada, lliure i plena de
sàvia esperança. Com un arc de Sant

Martí

***

Ne laisse pas entrer la mer violette.
Elle brise les portes et emporte
du foyer la douce harmonie.

Si tu le fais, tu resteras sans rien,
sans souffle ni espoir. La nuit,
inhospitalière, se sera emparée de

chacune des couleurs de la vie.
Depuis les petites fleurs jusqu'à
la tiédeur du tiroir. Alors

tu te rendras compte de la chaleur de l'amitié
désintéressée, libre et pleine de
sage espérance. Comme un arc-en-ciel.

Couleurs

Tu m'as demandé de te parler
de mes couleurs, il était tard.

Je ne t'ai pas répondu, faisant
rouler les mots dans ma bouche
comme galets en gave.

Tu t'es endormie profondément,
tête inclinée, bouche entrouverte
et j'ai vu naître sur l'arc de ta vie

les reflets irisés de la nacre marine.
La nuit s'est faite d'encre, comme
ma plume s'inventait et j'y ai peint,

folie soudaine, un paysage de fleurs
et de ruisseaux.

Au réveil, la question s'était envolée
et le vermillon ornait tes joues.

mardi 12 février 2019

Me invitaste a escribir

Me invitaste a escribir,
sin prisa, desde muy lejos.

Dejaste pasar las horas,
dos noches o poco menos.

Y te viniste de golpe,
con tus versitos tan bellos.

Una besada / Un baiser

Ara tenc es llavis secs
i he dormit tan poc.
Es gust suau de sa boca,
no me'l puc retrobar.

Un sabor de ponent,
un frec de roses moixes.
Sa distància. La por.

Es llençols com un port
vençut as matí clar.

Sense una besadeta.

***

J'ai à présent les lèvres sèches
et j'ai dormi si peu.
Le doux goût de sa bouche,
je ne peux le retrouver.

Une saveur de l'orient,
un frôlement de roses tristes.
La distance. La peur.

Les draps comme un port
vaincu dans le matin clair.

Sans un petit baiser.

dimanche 10 février 2019

Shady et Fhady, Ninon et Naël

Dans la longue liste, en trois colonnes,
des naissances de l'année, leurs prénoms
ressortent que les noms apparient.

Deux lignes, puis quatre. De l'encre grasse
sur la page en papier glacé. Et rien de plus.
Pas un sourire, pas un cri, pas une gorgée

de lait aux commissures de ces quatre bébés.
Les années passeront, le journal de Béziers
emballera du poisson avant de brûler au Garric.

Mais que ne donnerais-je pas de mon souffle
qui blanchit pour que ces quatre bambins,
continuent de sourire et entre eux soient amis.

L'amic mut / L'ami muet

No em diu res. O tan poc.
El veig passar cap cot,
sense una mirada.

L'esquena trencada pel pes
d'una feina oblidada, feixuga.
No em diu res. O tan poc.

Espero el mes de maig, com cada
any per veure'l obrir els seus
ulls blaus de cow-boy.

Té dues filles i un fill, bells
com el sol en un món sense déu.
N'està orgullós i, per ells,

donaria la seva pell i el somriure.
Obre el garatge i hi ballen tots.
No em diu res. Però em somriu.

***

Il ne me dit rien. Ou si peu.
Je le vois passer tête basse,
sans un regard.

Le dos cassé par le poids
d'un métier oublié, lourd.
Il ne me dit rien. Ou si peu.

J'attends le mois de mai, comme chaque
année pour le voir ouvrir ses yeux
bleus de cow-boy.

Il a deux filles et un fils, beaux
comme le soleil d'un monde sans dieu.
Il en est fier et, pour eux,

il donnerait sa peau et son sourire.
Il ouvre le garage et tous y dansent.
Il ne me dit rien. Mais me sourit.

Une pièce. Tiède.

Encore tiède dans la main,
une pièce large comme un soleil,
en petit. En si grand, aujourd'hui.

Pièce prêtée, il y a si longtemps,
puis oubliée par celui qui ne se
soucie pas des pièces qui dorment

au fond obscur et froid d'un cuir
gonflé d'ennui et repu d'orgueil.
Combien aura-t-il fallu de jours

d'attente, d'heures de doute puis
de soulagement pour me la retourner,
toute chaude de la peine de ceux qui

ont peu mais vous offrent leur cœur,
l'air gêné, avant de regagner leur
maison, tête basse et âme fière...


samedi 9 février 2019

Limonadier

à mon fils Victor

Le limonadier glissé dans la poche arrière droite,
sous la chemise, il va de table en table, attentif.
On le voit, lui demande conseil, il répond brièvement

et s'exécute, aussitôt oublié par les convives. Noblesse
infinie que de donner sans rien attendre ; offrir de la main
le geste sûr et l'arôme gouleyant d'un vin de pays frais,

puis d'un mot vanter humblement la tâche obscure de la cuisine,
donner une voix à ces muets aveugles dont la face rougit au
feu inhospitalier du grill et des fourneaux. Le repas achevé,

les commensaux partis, il refait avec parcimonie les tables
qui donneront au voyageur empressé ou à la vieille dame
esseulée, beaucoup de ce que la vie réserve aux généreux.

Instant

Si court et si délicieusement long,
l'instant d'amour requiert un mètre noble
et en deux pas esquisse un paso-doble,
paupières closes et lèvres en rond.

vendredi 8 février 2019

Ultimaïku

Ultime rayon,
la langue aux lèvres se mêle
puis le rideau tombe.

jeudi 7 février 2019

Gardiole

Douceur de la courbe,
comme un lézard au soleil,
la Gardiole file.

Non voglio sapere

à Thierry Vicente

Du destin je refuse la trace sûre
et de l'avenir j'étouffe l'appel.

Mes yeux, ce sont mes doigts gourds
qui grattent la terre et s'en colorent

les ongles. Je ne veux rien savoir, les yeux
éteints sur l'argent vif des rails qui filent

au-delà de ma gare, avides des lourds express
au crissement nostalgique. Un ami qui peint

expose ses toiles. Je m'y rends et m'enchante,
la bouche encore emplie des saveurs d'un café

au parfum d'avenir. Sur une toile, l'ombre d'un
enfant joue avec d'autres dans la poussière d'or

d'une Afrique révolue. Je m'en souviens avec la
précision du scalpel. Du futur je ne veux rien savoir.

mercredi 6 février 2019

Silenci / Silence

Silenci blanc, silenci fosc,
silenci sorollós, soroll de satí.
Silenci d'amor, frec de pells,
prec d'olors, sal de vida, plors
de mort.

silenci conscient que emm desperta
de nit i m'apropa al caçador dels segles
oblidats i em dibuixa un somriure, mentres
que, callat i atent, espero el meu fill.

***

Silence blanc, silence sombre,
silence bruyant, bruit de satin.
Silence d'amour, frôlement de peaux,
prière d'odeurs, sel de vie, pleurs
de mort.

Silence conscient qui me réveille
la nuit et me rapproche du chasseur des siècles
oubliés et me dessine un sourire, cependant que,
taiseux et attentif, j'attends mon fils.

Horitzó / Horizon

Vessa lentament el contingut
del teu got tebi de cuir tendre

i guaita com salva les cegues
fronteres de la taula de fusta
fosca. L'horitzó no té límits

ni es pot mai arrestar. Millor,
molt millor. Sense miratge viu,
l'home perd l'esperança i, de cop,

es deixa endur pels plaer fàcils
i barats. pobre horitzó d'estraperlo.

***

Verse lentement le contenu
de ton verre tiède de cuir tendre

et regarde comme il franchit les frontières
aveugles de la table de bois
sombre. L'horizon n'a pas de limite

ni ne peut jamais être arrêté. C'est mieux,
beaucoup mieux. Sans un vif mirage,
l'homme perd espoir et, d'un coup,

se laisse emporter par les plaisirs faciles
et peu chers. Un pauvre horizon de marché noir.

Horizon

Comme deux mains en prière,
le ciel et la mer s'unissent,
sereins, en un trait mi clair,

mi foncé. Nul besoin de gagner
le large pour espérer le happer ;
l'horizon viendra bien assez vite,

la nuit, sur le fil des paupières.
Mais dès potron-minet il séduira
le pêcheur par son rayon vert

glacé où, dit-on, se nichent, espiègles
des bancs de sardines aux reflets
cuivrés d'inattendus feu follets.

samedi 2 février 2019

Es camí

Faig net un camí i cerc un títol per guia
quan fosqueja el cel i es glaça la terra.

No conec el nom de ses plantes ni de sa vida;
S'altre dia un amic em va enviar sa foto d'un 

tord. Pensava que era un pardal. Es camí que faig
net no és pas es meu. Me l'ensenya un altre amic.
«Caminante, no hay camino. Se hace camino al andar.»

Une tasse de faïence rouge

La nuit, enguirlandée d'inox, elle attend
sagement le matin et le feu sombre du café
brûlant qui lui réchauffe la peau en gonflant

ses entrailles. Une anse pour un doigt fin,
comme la pantoufle de vair ne convenait qu'à
une princesse avérée. Et c'est pourtant des

deux mains, comme un calice de sang vif,
qu'elle sera portée aux lèvres en sceau
renouvelé d'un émerveillement assagi.

Sa fredor de la terra / La froidure de la terre

Un amic, aquests dies, sent sa fredor de la terra.
Húmida, feixuga, on s'atrapen ses seves avarques
clares, sense un punt d'enveja o d'amargor.

Un cant horrible que serví d'himne durant tant d'anys
diu «tornarà a riure sa primavera». No ho sé. Però,
amb confiança, esper veure florir es seu somriure,

quan vengui a veure-mos. Aleshores, confiants, a distància
o en presència, l'escoltarem contar-mos de sa terra lleugera,
de gespa i poncelles, el cant tendre i inexorable.

***

Un ami, ces jours ci, sent la froidure de la terre.
Humide, lourde, où s'enfoncent ses sandales de cuir
clair, sans un soupçon d'envie ou d'amertume.

Un chant horrible qui servit d'hymne pendant tant d'années
dit «le printemps rira à nouveau». Je ne sais pas. Mais,
confiant, j'attends de voir fleurir son sourire,

quand il viendra nous voir. Alors, confiants, à distance
ou en présence, nous l'écouterons nous conter de la terre légère,
de gazon et de bourgeons, le chant tendre et inexorable.