mardi 28 février 2017
Cependant que tu dors
et, dans mon peignoir bleu électrique, je pense
à toi, mon amie. «Inventeur de l'endoscope et
du premier tricycle électrique».
Pourquoi soudain, à ta pensée, mon amie chère,
me reviennent-elles, ces lettres gravées sur
le marbre et découvertes au hasard des rues
de Paris en compagnie de mon fils adoré ? Nous
avions ri du nom de l'inventeur -Gustave Trouvé-
avant de poursuivre notre cheminement-devis.
Les mots se sont inscrits en moi et voici qu'ils
s'imposent et exigent que d'eux je parle. Comment
peut-on tout à la fois ouvrir au monde inconnu
sous la peau et au divertissement pionnier des
pétarades des trikers à barbe de prophète ?
Mystère. Plaisamment insondable. Chaude
humanité. Combien j'aurais aimé me jucher sur
les épaules de mon grand fils et caresser,
pour toi, mon amie, ma simple mais précieuse amie,
ce marbre orphelin du regard des passants.
dimanche 26 février 2017
De Villennes
Le garage est silencieux.
Porte tirée. Il ne reçoit du
jour que de pâles interstices.
Les horloges ont perdu leurs
aiguilles et le dimanche s'étire.
Es-ce pour cette raison que vous
avez choisi d'ouvrir ces vieux cartons,
d'un trait de cutter vif ? À l'intérieur : des
photos, des notes manuscrites, un
calendrier. Reliefs doux d'un passé
oublié. Les amis et l'amour, les courses
folles. Un repas inouï et une petite qui grandit.
Shifa
Je n'avais jamais entendu parler
d'elle. Son visage me saisit par
sa proximité avec celui d'une
aimée.
Shifa était kurde et journaliste,
jeune. Une bombe l'a rayée de
notre sphère. Pleurent famille
et amis
qui porteront la perte en terre.
Une jeune femme manque,
unique, même aux yeux de ceux
qui ne la connaissaient pas.
vendredi 24 février 2017
Qu'est la mer
Une illusion dans le froissement
des draps blancs ? Non pas. Non plus.
Un sourire projeté, loin en avant,
en juin ou en juillet, porté par
la parole d'une mère, présente et
future. On fermerait les yeux qu'on
croirait deviner sur sa peau la
fragrance d'une Ambre solaire,
celle de l'enfance partagée grain
à grain cependant qu'au loin riaient
les insouciants touristes d'un éternel
été.
Fougères
Aplat inversé. Deux couleurs se mêlent,
s'épousent sur fond blanc. Nervures,
capillaires de sève fugace. Silence
de l'offrande. Derrière, reflet dans
le verbe protecteur, tu es concentrée
dans l'effort. Surtout que je ne rate
rien de ce qui fut le don d'un ami
précieux déterminant. Et qui me parle.
jeudi 23 février 2017
Une confidence de pierres
en bleu des mers du sud. Nulle froideur,
nulle dureté. Pas cette pierre sur laquelle
un sauveur voulut bâtir son église.
Non, une confidence de pierres vives. Plurielles,
chaudes et insaisissables comme un pain rond
sortant du four. La laisser reposer, la surveiller
du coin de l'œil, la saisir enfin. Une et plusieurs
fois. Nous étions deux à converser et voici que convergent
proches et lointains, curieux et convaincus, naïfs et
roués. Toute une société, celle que nous soignons ou que
nous éduquons et qui, en retour, nous éduque et nous soigne.
Un défi
ou tu ne sais pas. Et parfois
tu crains d'être, au milieu
des autres, toi.
Alors oublie-toi, fixe-toi sur
un détail anodin mais qu'ils aiment
sans le savoir. Observe-le, séduis-le,
fais-le tien.
Fais-le rouler en bouche, choisir de
lui-même les sons qui lui siéront et
sauront charmer. Aucun prêt-à-parler.
De l'unique.
Puis fais-en quelques vers et offre-les
au monde, à tes proches d'abord. Et savoure.
Regarde leurs yeux, ce va-et-vient du texte
à toi.
N'aies crainte. Lance-toi ce défi. Quelques vers.
Une poignée. Pour commencer choisis une fleur.
Une fleur simple. Des sous-bois ou d'asphalte.
Et offre-la à ta mère.
Tanka de février
les yeux se ferment et revoient
la rive du Rhône,
au printemps, en mars, je crois.
L'anis était vert glacé.
mercredi 22 février 2017
Paraules / Mots
Dues o tres, només, per a acompanyar-te;
s'acaba l'hivern i ja comença una altra
primavera, de flors i herbetes fresques.
T'esperen, confiant, perquè els hi donis
la teva presència i veu, com a ta mare i
als teus amics que et necessiten com
l'aigua fresca i viva dels torrents. Seran
dies i nits de convivència i carinyo, fins
i tot quan al teu costat no hi siguin.
L'avenir es conjuga en present. T'hi esperem.
***
Deux ou trois, pas plus, pour vous accompagner ;
l'hiver s'en va et, déjà pointe un nouveau
printemps, de fleurs et d'herbes bien fraîches.
Elles vous attendent, confiantes, pour que vous leur donniez
votre présence et votre voix, comme à votre mère
et à vos amis qui ont besoin de vous comme
de l'eau fraîche et vive des torrents. Il y aura
des jours et des nuits de tendre partage, même
quand ils ne seront pas à vos côtés.
L'avenir se conjugue au présent. Nous vous y attendons.
dimanche 19 février 2017
Palimpsestes
dans l'usure des reliures et les reliefs
du repas, je traque la vie et me l'invente.
J'aime gratter le réel comme, autrefois,on
raclait la peau de mouton pour récrire dessous.
Rubrique, mention à l'encre rouge, comme de sang.
Comme le pigment des écrits de cette chapelle vue
ce matin au nord de la grande île. Mais ne fais-je
pas erreur en agissant ainsi ? Il est une autre
traque, plus délicate, moins saisissable, celle des
musiques et des émissions que tu réservais à la nuit
et qui t'endormaient au terme de longs moments d'écoute.
samedi 18 février 2017
J'ai rêvé
ocre, des arbres sombres et penchés,
de la mer si froide et de l'envie
qui prenait de soudain s'y abîmer.
Il y a longtemps, un ami en parlait,
comme de noces avec les éléments.
La rive est le coup de couteau qui
marque soudain, dans la multitude,
l'irruption de l'individu. Joseph,
Marie ou toi, glaise longtemps pétrie,
et qu'un coup d'ongle, un seul, précis,
individualise à jamais. C'est encore
l'hiver, l'eau est glacée mais, je t'en prie,
déchausse-toi, relève le bas de tes pantalons
et immerge tes chevilles. Interminablement.
Écoute ton ventre
il te parle d'aujourd'hui,
et il te parle de demain.
Les ans ont passé, il te
parle doucement, recevant
ta caresse comme une invite
et plus comme un silence. La vie
court et coule, du ruisseau calme
au fleuve impétueux. Compagnon de
tes pieds fins et de tes mains qui
s'agitent sans cesse, il porte ta
parole vers des endroits inconnus
de musc puissant et d'ombres si
légères. Il fait bon s'y asseoir
et à d'autres commencer à parler.
Zitoun
d'un improbable déjeuner
à Inca. La bouche me brûle
encore du poivre du sandwich
de «camaiot». Je ne la mangerai
pas. Je la regarde et je m'évade.
Quel aurait été son sort, si tu
l'avais préparée, autrement ?
Chaudement entourée d'épices.
Elle se serait sentie à son aise,
en bonne compagnie de poivrons
et de tomates, ces «mateixes»
qui dans ma langue glissent du
pareil au même. Mais on l'aurait
mangée sans s'en rendre compte,
elle aurait fondu en bouche, une
saveur parmi une dizaine. Là, elle
vit, me regarde, et me parle de toi.
Et parlaré
Et parlaré en una llengua
que tu no saps, pas encara,
però que endevines a força
de somriures i d'accents
bescanviats. És una llengua
de cor amb sabor de tes sopes.
Un bon gust de xai tendre i de
comí. Només l'has de sentir
viure, sense que ningú, cruel,
se l'ofegui, com tractaren de fer
amb una de les teves, monument
de ton cor i del meu gran respecte.
Contrastes
Lit douillet, chambre glacée.
Le bras, négligemment sorti,
réveille l'endormi, exigeant
la tiédeur de l'écran de papier.
Blancheur qui blesse les yeux.
Larmes qui viennent un brin
dans un sourire furtif. En éveil
je t'écris sans troubler ton
sommeil. Contrastes. De vie.
Défectifs
J'aime les verbes défectifs,
délicieusement oublieux
des personnes de vie.
Tu me sieds, te sieds-je ?
Nul besoin du Saint-Siège
pour nous énamourer.
On force doucement la langue,
grain de sel sur la tienne jolie
et on redevient des festifs.
vendredi 17 février 2017
Roulées
tes doigts qui affinent lentement
les brins odorants entre le papier.
Le temps te semble donné, la fumée
lointaine, et pourtant la cigarette
ainsi roulée n'est pas un prétexte,
mais elle fait partie d'un rituel
de l'hospitalité. Les gestes se
suspendent à tes doigts puis à
tes lèvres. Plus tard viendront les
verres entrechoqués, le blanc glacé,
les sourires. Pour l'instant, j'aime
tes roulées.
LinoType
lourde, assoupie. De part
et d'autre, des meubles à
tiroirs clos, surmontés
d'étiquettes usées par
des milliers de doigts
répétitifs. À l'intérieur,
comme un trésor, des pépites
anguleuses et sombres. Italiques,
romaines, grasses. Semblables à
l'humanité, si diverse dans la
similitude. Comme ces enfants qui
autrefois jouaient à éprouver leurs
empreintes dans l'encre grasse, voudras-
tu m'aider à choisir, l'un après l'autre
les caractères dans le corps et la graisse
qui te siéront, afin que, tous deux, nous les
ajustions dans la LinoType et nous y imprimions,
Un brin ?
Le vertige apaisé
ces mois qui apaisent mon
vertige. L'on m'apprend à
aimer, avec constance et confiance.
Funambule téméraire, je craignais
l'abîme sous la corde froide et
incertaine. Boire le temps comme
l'eau fraîche dans ses mains.
Azahar. Eau de fleurs d'oranger
comme un écho du hasard qui ne cesse
de nous guider et de nous abreuver.
Après le vertige apaisé, une paix
vertigineuse ? L'avenir, espiègle, dira.
El viatge amb tren
Diuen que és un metro,
però no m'ho crec.
Vaig sortir de Son Sardina,
amb dificultat, no sabía
com funcionava el bitllet
tou d'anada i tornada que
tenia entre les mans. M'ajudà
un home gran. Li vaig preguntar
en català, pensava que jo era anglès.
Un comercial jubilat que em contà
part de la seva vida. Foren minuts
densos de confiança mútua. Acabàrem
en l'estació intermodal de la plaça
de ses portes pintades. Vida. Pura.
Todos los puentes
quieren un SUICIDA»
No saqué foto y pasé
de largo. No me gusta
lo perentorio. Prefiero
otros puentes, el Mirabeau
de Apollinaire, promesa
de amor fugaz y definitivo.
Mis ríos son profundos, cargados
de tantos besos y caricias.
Ya sé que al final «darán a la mar
que es el morir». Pero la sal que
le ofrezcan quiero que sea de lágrimas
de gozo y goce, y no de amargo pesar.
Gémellité
ne s'efface, de jour comme de nuit.
Nos corps épousés, imbriqués, soudain
désarticulés. Je m'étends en t'aimant.
et je ne sais plus quelle est ta peau
ni quelle est la mienne. La caresse
te tend et me démultiplie. Hoquet de mots
et de vie. Ne pas se blottir, surtout. S'aimer.
jeudi 16 février 2017
Faire salon
ni de parquet ciré, notre salon est à
distance, chacun dessous la couette
à attendre de l'autre le mot doux.
Le chat sur tes genoux, trois langues
dans mes images, nous alternons avant
de nous endormir. Sais-tu que l'on prépare
l'agneau ici comme dans tes rêves et que son
nom exprime le cri que l'on imite ? Mais voici
que le sommeil est trop fort et que les mots
disparaissent au profit de clichés d'un autre
temps où, à notre façon, nous aurions devisé.
Un homme parmi d'autres
élégant, bien mis de
sa personne. Il me voit
écrire, passer les pages,
jongler entre plusieurs
langues. Je sens qu'il
voudrait entrer en contact
dans cette ville d'hiver
qui compte peu de visiteurs
étrangers. Soudain, il se lève,
prend ses béquilles et gagne
la sortie. Il a une jambe en moins.
mercredi 15 février 2017
Un autre livre
dans le couloir étroit, tu y trouveras
un livre mince, au pages mille fois tournées.
Ouvre-le au hasard, referme-le, fais jouer
les feuilles sous tes doigts comme autant
de cartes à jouer. Invente-toi le trèfle
et le pique, l'as gracile et le fourbe
valet. Puis, quand tu en auras assez, ouvre
les yeux d'un coup, d'un seul. Sous les mots
du regard mille fois balayés, tu liras les miens
comme une rafale de pluie sur le carreau d'été.
Je t'aime, te le crie, puis, comme les gouttes,
je m'enfuis.
Canvis
M'agraden els canvis. Sorprenents, determinants,
definitius. Porto una trentena d'anys de professor
sense avorrir-me, mai. De tan distints com són
els alumnes. Amb ells, per a ells, he après molt,
i sé ben poc. Tres llengües entre mil. Un ram
de segles, de noms i de mans. Ara, sento
la necessitat d'aprendre una part del que no sé,
que m'ensenyin d'altres, sense cap exigència de
graus i títols. Els meus mestres d'ara són «harina
de otro costal». El Paco que m'ofereix el nom dels
arbres dels avantpassats. El Tomeu i sa dóna,
cadascú en el seu petit univers complementari,
que em desvelen l'art i la manera que, unes hores
més tard, na Caterina desenvoluparà literariament.
He trigat anys en arribar al seus ports fecunds.
El més recent, Tomeu obra al cor antic de la ciutat,
més enllà de ses rambles sense fi. M'acull en un despatx
ample, de pedres seques, al forn, la bòveda gòtica
d'un forn antic. Sobre la taula, molts llibres diuen
la funció del lloc. S'hi treballa la farina de blat
amb aigua i passió i s'hi cou, a foc lent, una sàvia
arqueologia de la terra, dels seus oficis, memòria i sang.
Ja coneixia foetes que escriuen versos amb les seves fotos.
En Tomeu és un coueta que cou versos. D'ell aprendré molt.
Aeroports
Estacions, aeroports, amb
tanta gent capcot a qui
busco somriures amagats.
Milers d'individus, res més
allunyat d'una multitud informe.
Cadascú d'elles, d'ells, és un món
i no els tornaré a veure. M'agraden
els aeroports. Allí escric a mos amors.
Heures
Une moustache
de gendarme
à l'envers.
Ou un sourire
faussé. Qu'importe.
Ça fait des mois
que la pendule,
s'est arrêtée
de tourner et
qu'elle te regarde
comme le chat pie
qui pèse sur mes cuisses.
Heures de son, légères
comme la vie et dont
on perd rapidement
le compte. Une vie
dans un mouchoir
qui embaume
durablement.
Pourquoi la laisses-tu
au mur, pourquoi ne la
remontes-tu pas ? - Pour
te faire bisquer, nigaud,
serais-tu capable de me dire.
Moi, je l'ai gravée dans mes
rétines et entre ses deux
aiguilles, je me balance.
Desalmohadado
de encima. A aquellas
alturas de la noche,
me había dormido hondo,
soñando con las angelitas.
Te metiste a mi lado,
nos acariciamos, la noche
sabía a aurora y naranja
recién cortada, rezumando
zumo, vida y sangre. Dejamos
de hablar, dejamos la palabra
a las manos, a las piernas,
a las bocas hambrientas. Saliva
con olor a pino silvestre, a
hojarasca recién pisada.
¿Cuánto tiempo duró?
No te lo podría decir.
¿Una hora, unos minutos
o una vida despejada
pero nunca desesperada?
Quédate dormida, que me vuelo.
mardi 14 février 2017
awal tit
le regard qui écrit.
Rien de plus,
rien de moins.
Dire la voix aimée
qui trébuche puis
reprend sa course.
Cernes de suie,
semoule en poêle
qui brunit et durcit.
Les yeux, les mots,
prolonger le temps,
en touches grasses,
de fard ou de gouache,
puis les gommer d'un
trait de langue
et partir en courant.
Un oranger de fantaisie
malgré les cinq fruits
ronds, c'est un oranger
de fantaisie, dans un bain
où rien ne pousse. Comme
une fenêtre dans le mur,
il crie son silence qui,
vite, très vite, devient
le mien. Il se rappelle
à moi, me rappelle un
souvenir. J'étais étudiant,
je collectionnais Pléiade
et Folio que je ponctionnais,
avide, sur la pension de mes
parents. Un volume mince
me plaisait, à côté de Nadja,
de l'Étranger et du Petit Prince.
Le roman singulier d'un dramaturge
illustre. Il portait sur sa couverture
un oranger semblable, son oncle d'il y a
quarante années ou presque. Il s'intitulait
Le Solitaire et de Ionesco honorait sagement
la signature. Je l'avais oublié. Et tu ravives
ma mémoire. Comme souvent. Comme toujours.
lundi 13 février 2017
Une paire de chaussettes
petites, repliées l'une contre
l'autre et qui avaient roulé
sous le lit, sous ton lit, Martí.
Chaussettes douces et silencieuses,
duveteuses, comme ton regard quand
tu m'interroges sur le nom d'un objet
neuf ou une farce improbable de ton ami
Mickey. La maison est vide sans toi,
tes jouets me parlent de toi et de ce monde
que vous vous inventez et qui ne connaît
ni hiver ni pluie battante. Dans quelques
jours, tu seras au zénith entre deux et trois
ans, quittant le lit à barreaux pour ton île
aux jouets. Je pense à tes mots, je t'aime, Martí.
Paco i Teresa
fa molts anys, quan hi havia
pocs estrangers, tots anglesos,
o gairebé. Vam anar al mateix
xiringuito. Ens vam fregar, potser,
sense saber que un dia, ben entrat
un altre mil·lenari, ens trobaríem
i encetaríem una amistat profunda,
essencial, als voltants de la Casa
Olívia. Parets seques, mates espesses
fetes per a compartir la carn al caliu.
No sabia que em canviarien la vida.
Atzavara
i desconeguts. Permanència
elegant. Serenitat.
Confiança en el curs del temps.
Diuen que floreixes una sola
vegada, cada cent anys.
O que, després, exhausta, mors
sense que ningú se n'adoni.
Mallarmé veia en la rosa
«l'absente de tout bouquet».
Humil, et veig com una companya
silenciosa, semblant a totes
aquestes floretes resseques que
s'àvia Antònia guardava entre
les pàgines dels seus llibres.
La sécurité et l'aventure
m'écrit une amie. Je fais
rouler ces mots en bouche,
comme autrefois les cailloux
de l'orateur devant le vertige
de la parole. Je suis fasciné
mais parviens si peu à les associer
dans mon cheminement. Je cherche un
mot qui les relierait étroitement,
comme, autrefois encore, le sumbolon
des amants séparés. «Audace», c'est cela.
Il me manque l'audace de l'entreprise,
la témérité assumée, encadrée, orientée.
Mes audaces sont petites. Coups de volant
au hasard des jours et des routes.
Je relis les mots de l'amie. Nobles et
équilibrés. Et je comprends enfin pourquoi
j'écris. Pour apaiser le vertige qui me prend
en cueillant les mots de la tribu, les mots
de l'autre, si proches et si distants. Mon
écriture est silence et amour.
dimanche 12 février 2017
Avril, Abril
les lèvres bougent un peu
comme pour mieux s'épouser.
Mois d'ouverture, efflorescence
printanière, foi dans le futur
que des parents, timides, formulent.
Deux syllabes, juste ce qu'il faut,
et deux voyelles qui se ferment
vers l'avant. Un seul mot ?
Ou plutôt deux. Un mot valise,
la clé de l'ouverture du printemps.
Dans «Avril», je lis «havre»
et je dis «île». Ah les beaux auspices
que voilà. Le trésor des corsaires
enfoui sous les cocotiers.
Avril, Abril, une enfant de France,
une adolescente de Minorque. Une
même île au havre parfumé.
vendredi 10 février 2017
Une humble plaquette
Nobles et fiers.
Quatre fois l'an,
source et cible
se conjuguent et
chatoient. Seize
pages vergées de
vie et d'ivoire.
Bain des papetiers,
marais salant de
pâte amère que l'encre,
guidée, adoucira un peu.
Au début et à la fin,
il y a toi. Seule.
Quatre fois l'an,
source et cible.
De l'étranger, singulier,
tu cueilles des vers
oranges et cherches,
parmi tes amis,
des amants d'Hespérides,
prompts à l'occident
d'une vie de lecture et
de traductions humbles,
aussi humbles que ta quête.
Je fus l'un d'eux, à l'amorce
de l'automne passé, sur mon
écran silencieux, traçant
la cible de la source adorée.
De la genèse des huits poèmes
à traduire, je ne voulus rien
savoir. Ni la chambre aveugle,
ni la chaise incommode. De la table
au lit vide, de l'ordinateur à la
tablette, je me suis attaché, têtu,
à la tâche et au temps compté.
Les mois ont passé et sous les doigts
de ma main gauche, le papier cristal
tiédit. Caresse et réflexion, force neuve
à venir, je bois déjà les vers de celui
que tu me proposeras à la traduction,
l'ami fidèle, le rhapsode émerveillé.
jeudi 9 février 2017
Ta main
la chaux a disparu sous le vent
et la pluie. Soleil d'hiver
sur la Médéa. La Méditerranée
est loin et Médée ne voyage plus
sous mes mots. Ta main a blanchi.
À tes oreilles, la voix d'Helen
alterne avec le saxophone grave
de Ben Webster. Je t'imagine te
levant et le mimant penchée sur
ton instrument de cuivre mais tu
ne le veux ni ne le peux. Tes doigts
sont là bas et les amours filent leur
soie de mots et de sons. Je me tais et
te dessine. Stardust. Poussière de toi.
mardi 7 février 2017
J'avais pensé
un poème qui me rendait à l'écrit,
après des semaines peu fécondes.
J'en ai cherché les vers. De site en
publication et je n'ai rien trouvé.
La vague avait léché la grève. Ou peut-être
était-ce mon imagination, ou mon désir d'écrire.
Dessin, dessein. Une lettre s'invite, en français
la plus commune, et le but de la main suspendue
vous est donné. «Caminante, no hay camino...»,
N'est-ce pas, Antonio ? Comme on marche, on dessine
ses mots. Mon trait s'ébauche, de tes seins il se tait.
Nuit sans mage
et je voyage en silence. Sans bagage.
Sans mage. Les étoiles guident mon chemin,
comme dans cette nuit où Paco et Teresa,
de la grand-mère du grand Albert, la demeure,
excentrée, en profil, me montrèrent. Aimer
n'impose pas l'objet et le sujet est reine.
Silence de tes draps en haleine, marche froide,
autour de la table dans la mienne. Que Minorque
me manque, dont un soir, pourtant, je te parlerai.
Et c'est à Majorque, pourtant, que j'irai, ivre
de cette langue de miel, salée comme un piment.
Bien sûr, les autres riront de cette impudence ultime.
Qu'importe. La nuit fut d'étoupe et à toi parler j'osai.
Du pareil au même
la même, dans la mienne.
Dans la mienne, les semences,
s'écrivent aussi alors.
Matecha, mateixa ; llavors,
glissent les lettres sous
les doigts entrecroisés.
De gauche à droite, ou de droite
à gauche, la langue trébuche
et se relève. La tomate aime
avant de chuinter comme un ventcoulis.
Qu'importent que les autres
n'entendent rien à ce que j'écris.
Nous nous comprenons, et nous aimons
tous deux les lettres ; et les lettres nous
sèment. Le vent se glisse sous la porte,
feutré. Feul-feul, semble-t-il me dire,
comme le piment darde la langue de qui
se tait, brûle d'amour puis se retient,
car les mots, parfois, ne relient.
Et c'est tant mieux, et c'est tant pis.
Elkesh,arhlom. Comme de mes ancêtres, le perol.
mercredi 1 février 2017
AYUMI
dans une soirée entre amis.
Elle naissait et nous, nous refaisions
le monde. Puis j'appris son prénom,
beau comme les premières lueurs du jour.
Je m'étais promis de fêter sa naissance
par quelques vers. Une amie chère, dans
la confidence, s'émut de mon silence.
Aurais-je oublié ? Mais comment peut-on
négliger Ayumi, la princesse d'un café
tout en courbe ? Non, j'attendais sereinement
de la voir. C'est arrivé, voici quelques
minutes, sur mon écran de lumière. Flanquée
de mes deux compères, toujours aussi larrons
en foire mais comme intimidés, cette fois-ci,
par tant de beauté. Emmaillotée d'ivoire,
couronnée de blancheur, elle entrouvre bouche
et yeux comme pour mieux savourer ce monde
qui s'ouvre à elle. Elle dort et nous entend,
en plusieurs langues, et je pense soudain à sa maman
qui, un jour, sans même y prêter attention, m'apprit
à dire «merci» en japonais. «Arigato, Ayumi», ta présence
est le sourire de la vie en ces premières semaines de
l'année. Et si je te dis «sayonara», n'y crois pas !