vendredi 23 décembre 2016
Com caminant per la boira
un matí fred d'hivern,
entre gebre i ginebra,
he perdut el sentit de l'amor,
me'l busco, fins i tot em figuro
que no l'he conegut mai, com si
patís una curiosa malaltia. Mes
m'obsessiona tant la pèrdua o
la fatal desorientació que em dic
que encara hi crec, que l'amor no m'ha
deixat. De moment. Llavors em fixo en
els amors aliens, la felicitat de qui
va de bracet pels camins sense boira
i beu del porró d'or un vi dolç de
remembrances i d'avenir somiat.
vendredi 16 décembre 2016
Ce que Wikipedia ne dira pas
Sa silhouette ombreuse à l'ombre des voûtes froides,
le travail jusqu'à pas d'heure, comme un cri de craie
sur un tableau désert. Les allers-retours incessants
entre l'école des enfants et la demeure ingrate.
Ce verre de vin épais et sombre qui laissera sur les
bords des baisers qu'elle réserve à celles et ceux
qui seront un jour et qu'elle tient encore à distance.
Les commandes impulsives sur le conseil d'un ami, les
lectures sans cesse repoussées, la gratitude devant le
style de qui, en trente-neuf lignes, ramasse son feu clair.
lundi 12 décembre 2016
Entre anys, entre llengües
Se m'ha trencat el rellotge dels dies
i de les cares i la pantalla díscola
es diverteix oferint-me missatges
abandonats, deixats de la mà de déu
o dels diables. Avui, per exemple, m'ha
tret de la màniga un AS: les inicials de
L'Anna Serra, amiga sense ser amiga,
entre dues llengües, amant de mots
i gests de carrers que, un dia, va beure
de la mateixa font que jo. Apropa't,
Anna, i mirem dins del cau de lluna.
Silenci i foscor, dolor d'ulls atents,
deler tendre de la imaginació. A veure.
A beure. Què ens inventem? Estrelles
ben grosses? Una supernova, potser
vendredi 9 décembre 2016
Entre dues espases
i Rosselló, veig, entre París i el
Migdia, les línies groguenques dels
meus recorreguts passats. Els arbres
nus del Palais Royal em parlen de les
fulles verdes de mon amor passat.
Aleshores caminàvem de bracet sense
saber que el temps ens seria robat.
Deliciosament. Passat, pas traspassat.
À toi que je n'ai pas aimée
saisie maladroitement, dans un
couloir froid de mi-décembre.
Tu ne cilles pas et n'étaient
tes yeux, je jurerais que tu ne
parles pas. Tu es amour, tes mots
l'écrivent, tes enfants le reflètent.
À tes côtés distants, j'ai revu ma vie,
mes errances délicieuses, l'amour dont,
souvent, j'ai cru me corseter. La générosité
me faisait défaut, sous l'apparence trompeuse
du don et du partage. Je ne t'ai pas aimée,
je le sais, à présent je fais.
J'avais oublié
parfois d'heure en heure. Je passais
mes jours et mes nuits à lire, sur une
ardoise fine aux miroitements bistres.
Je buvais l'écriture des autres, originale
ou traduite, épaisse ou gracile, ancienne
ou improbablement actuelle. J'avais décidé
de laisser ma voix de côté pour m'ouvrir,
croyais-je à d'autres voies. Je m'étais trompé.
Les mots des autres exigeaient les miens.
Leur encre levait mon ancre et je suis reparti,
cahin-caha, vers mon vieux fleuve de l'oubli.
Colonnes
Les arbres alignés ont perdu leur feuilles
et leurs branches, serrées et alignées,
sont une réplique grêle des colonnades
pâles. Je reviens à la cour première, par
où j'étais entré, et je m'arrête devant
les colonnes de Buren fanées et silencieuses.
Je revois mon grand fils, il ya si longtemps.
Les approchant, il s'était dévêtu de ses habits
d'enfants, pour s'y élever, à la seule force de
ses doigts. Il m'avait dépassé en taille, il le
faisait en force désormais. Il me le prouverait
plus tard, soulevant mon admiration muette. Les hommes
pleurent peu, dit-on, ils avouent rarement leur amour.
Aujourd'hui, hiératiques, les colonnes rayées m'en ont
prié. Et je pense avec amour à mon grand Xavier,
aux doigts d'acier.
lundi 28 novembre 2016
Naissance d'un poète
breton sur une vitre sans tain, les pleurs
s'étaient abattus dans les yeux d'une mère
fourbue. Son fils petit ne savait que faire,
il tournait, l'entourait de ses bras timides
et incertains. Quand, soudain, il eut une idée.
Il prit une feuille et s'empressa de faire comme
son père qui, autrefois, l'avait charmée. Il dessina
et écrivit, tordant la langue à son désir, de l'amour
les vers les plus achevés. Les pleurs cessèrent, comme
l'arc-en-ciel, sous le fait du soleil, incurve parfois
les lèvres. Un poète était né. Qui longtemps nous enchantera.
Noltros sis
A poques passes del pis d'una novel·lista estimada,
una illa al bell mig de la ciutat, com una reducció
olorosa de s'illa nostra, tan propera en la llunyania.
Érem cinc, perdó: sis, que el fotògraf no hi surt al seu
clixé; haviem dinat bé i visitat un estudio fora del temps,
és a dir molt més temporal que cadascú de nosaltres,
emportant-nos litografies primes i tranquil·les. Xerràvem.
Xalàvem mentre la tarda trigava en acabar-se. Es barrejaren
els accents. Del nord, de l'est i del centre. Xaloc i garbí
es partiren la conversa. De cinema i literatura. De llengua,
també. Sobretot, potser. Al balcó d'un pis del fons, tres
llençols penjats ens ensenyaren a cremar la nostra bandera
per a assaborir-la millor. S'aproximaven «las cinco de la tarde»
lorquianes. Res de toros ni de banyes sangonenques, però. Catalunya
triomfant ens segava els vents i s'independitzava, per fer-nos millors.
dimanche 27 novembre 2016
Une aiguille, quelle aiguille ?
Le chemin était long et étroit,
empierré et poudreux, l'homme
marchait lentement, ne sentant
rien de la chaleur qui brûlait
ses épaules. À un moment, sans
qu'il n'y prît garde, une épine
entra sous son pied gauche, le pied
du cœur, sec et déchaussé. La marche
s'entrava, peu lui importait, il allait,
faisant son chemin à sa guise comme
Antonio Machado le lui avait enseigné.
À un moment, un autre, sans qu'importât
la durée qui le séparait du premier,
l'aiguille chut et la blessure, aussitôt,
se referma. Un sourire apparut, sa tête
dodelina, avec un grand A et il reprit
sa route, son ombre tiède à ses côtés.
jeudi 17 novembre 2016
Un café
ratée d'un cheveu, les barrières levées,
une place inconnue. Un café m'accueille.
Le café. Celui qui m'habite depuis que Pépé
a vendu le sien, il y a cinquante ans. Je traîne
ma valise, le café, qui allait fermer ses portes
me les ouvre. Clients souriants, sur le départ,
la patronne, derrière son comptoir. Belle comme
la nuit. Voix cassée. Un soupçon d'accent portugais.
Les voix s'enflamment, elle sait les calmer, invitant
à la confidence, sans rien montrer de sa vie.
Noblesse naturelle, à mille lieues des marquises
de pacotille. L'heure tourne, une autre correspondance
approche, je vais devoir partir. Le sourire aux lèvres.
J'ai retrouvé l'esprit du café de Pépé. Je suis bien.
Obrigado.
L'anniversaire d'un phoète
Les phoètes sont rares.
Leur anniversaire encore
plus. Entre automne et
hiver,
chaudement disposé au
mitan, j'en connais un qui
sourit, en roulant sa clope
parsimonieusement.
Bouche close, tout juste ourlée
de mousse rousse. Non, Juju,
ne t'inquiète pas, c'est de bière
que je parlais.
La journée commence à peine.
Il en sera le centre recevant les
hommages des amis, de l'aimante.
Moi, dans mon train,
j'attendrai un jour de non-anniversaire
pour avec lui de la ville arpenter le
passé. Lui avec son appareil, moi avec
ma plume, riant tous deux comme
larrons en foire.
Sa voix
Je me l'étais imaginée, bien sûr,
quand, pour la deuxième fois,
en proie au mal, soucieuse pour
ses enfants, elle s'était évanouie,
me laissant le silence pour parfum.
Ou dans les chaudes inflexions de
ses amis, une heure durant, parlant
d'elle, la citant, la récitant.
Grain clair-obscur, un peu gros sous
les doigts, comme semoule de kamout
ou grève de la Côte Vermeille.
Puis elle m'est venue, sans crier gare,
à deux pas de la place Wilson, dans un
café étincelant sentant la friture bon
marché et la hâte incessante des étudiants
vers le soir. Ce furent d'abord quelques
minutes. Impérieuses, dictées par une courte
visite à un ami sien, curieux libraire au
pandémonium moisi et au nom stendhalien.
Coupées par le réveil du petit, se blotissant
dans la chaleur maternelle. Puis le temps nous
fut donné, en amples nappes, sans limite.
Curieusement, j'étais intarissable, lui narrant
ma vie par ses bords singuliers. Je lui laissai
peu d'espace, elle sut s'y glisser. Avec son rire
unique, amusé, dans la spontanéité d'une enfant
s'abreuvant à la source, avant de se coucher. Elle
me donna sa confiance, dès le début. Son cou endolori,
sans qu'elle n'y fît attention, se dégagea de l'étreinte
d'une écharpe enfiévrée et, dans les interstices, que,
volubile, à peine je lui laissais, elle m'apparut
tout entière pour ne plus jamais me quitter.
mercredi 16 novembre 2016
LIVRE-OBJET
que la mort s'essoufle à effacer.
Non plus celui de La modification,
années et son Répertoires-II, usé par
mes yeux incertains. L'amour du livre-
à les flairer, mais il l'a conceptualisé, en
en faisant sinon un viatique, du moins un
le jour tarde qui jalouse les lueurs du pavé
anthracite. Je suis à Toulouse en pensée,
mardi 15 novembre 2016
Nit d'amor
Una nit d'amor, de son profund,
estrellada i fosca, sense sentir
res de les ventades de gel.
Sense somni o gairebé. Nit de
silenci, de mots rars, d'hàpax
potser. La màgia de la tumba
viva com una pansa al cau de
l'orella. Deixa que l'occident,
Inconscient, es torni orient.
lundi 14 novembre 2016
Kumato de marché
comme une tomate noire que le rasoir
tranche, une kumato qui laisse s'échapper
quelques graines dans la liqueur dorée.
Une poésie pour toi, précieuse comptable
de livres et de mots au cœur de ton île,
de la mienne aussi. Tu attends, je le sais,
je te fais languir un peu, je t'ai imposé
dix minutes, je ne les excéderai pas.
Se donner et se retenir. Et si les mots,
choisis et échangés, n'avaient pas le même
sens ; si tes livres, malgré un nombre égal
de pages et une semblable reliure de veau
clair, ne racontaient pas les mêmes histoires ?
Qu'importe, tel le symbole grec, les deux
moitiés de la tomate kumato se rejoindront
et, en silence, réapprendont à lire ensemble
les paroles si longtemps oubliées.
mercredi 9 novembre 2016
Une fleur
et c'est folie de n'y pas penser.»
(Montaigne, Essais, I, 19)
Une fleur, mais pas l'absente de tout bouquet
ni celle des couronnes mortuaires, des rosières
ou des candidats élus. Une fleur de bitume,
quelconque.
Une migrante des champs, réfugiée à la ville,
au hasard des rafales. Une fleur rudérale,
saxifrage à force de patience. Le ciment
se disjoint
et dans l'arène engendrée, la graine pousse
et se développe. Tige gracile, d'un beau vert
clair, parcourue d'un duvet fort malgré le
tremblement.
Et qu'importent les noms que les langues lui
prêtent. Poppy, amapola, rosella, coquelicot,
elle vit fière et enlumine la grisaille
des rues.
Jamais ne la coupez et préservez-la des maisons
blanches et des tribunes marines. Passeront les
politiques au fard terne, son rouge leur survivra,
il crie ma liberté.
mardi 8 novembre 2016
Deux voix
Deux voix. Deux voix amies.
Aussi dissemblables qu'égales,
enfermées dans l'obscurité de
fichiers à suffixe. Interminable
litanie de uns et de zéros, de blancs
et de noirs. Et voilà que je les dévoile,
un temps, un temps seulement. Une à deux
minutes chacune, un peu d'éternité
hors du bocal. La langue prend vie, les images
s'échappent des contraintes de la typographie
soignée. Au diable la douceur du vélin, l'odeur
de l'encre oubliée au fond de l'entrepôt.
Nulle guitare, nul projecteur. La voix dans son
grain brut. Dédoublée. Pour l'une j'ai dû jouer
de filtres, la ville nous ayant étoupés. Pour
l'autre, saisie dans la pénombre de l'étude,
je suppose, je n'ai rien fait que de m'en émerveiller.
Ces voix, digitalisées au fond de ma musette, je les
emporterai avec moi, des rives tolosanes aux rivages
de mon île. Je les ferai entendre sur fond de texte brut,
pareillement retranscrit et traduit. Et puis j'écouterai,
dans le silence des cœurs, la voix unie des poètes qui,
un jour, un seul, se dissocièrent pour se retrouver à jamais.
vendredi 21 octobre 2016
Dos regals, una mateixa amistat
Un bitllet de loteria prim i un llibre
gruixut. Els dos a tot color i olor.
D'origen i ús distint. No jugo mai
a la loteria però llegeixo molt.
Un home i una dóna me'ls han oferit.
De bon cor. I en observar el bitllet,
olorar i començar a llegir la novel·la,
retrobo mentalment la rialla de la Merche
i el somriure del Màrius. Quins regals
magnífics. Em sento l'home més feliç del
món. I si els meus versos us semblen fats,
és perquè m'he descuidat l'estil i la
voluntat de deixar rastre efímer. Ara el
rastre és seu i la meva gratitud immensa.
jeudi 20 octobre 2016
Le parti-pris du belvédère
On dit que le paysage est né
au XVIe siècle, avec l'individu.
Portion de territoire embrassée
par le regard personnel.
Le belvédère a suivi qui soignait
l'observation en la délimitant.
Une amie très chère m'a dit
qu'elle aimait le mot. Je l'ai
écoutée puis je me suis interrogé.
Comme elle, j'aime les belvédères.
Mais mes belvédères sont intérieurs.
Parodiant le diable boîteux de Lesage,
je me place dans l'angle ombreux
d'un café et je bois la vie alentour.
Conversations d'amies sur fond de jeux
télévisés, vaisselle parsimonieuse
derrière le comptoir. Allées et venues
des clients habituels qui, vieillissants,
y mendient leur salut quotidien.
Tenez, ce soir, à l'heure où les chiens
ont des dents de loup, je me suis assis
dans un quartier oublié de tous
et qui donna pourtant à la France un premier
ministre renégat. Et là, au Quimet, tout contre
les vitrines de mignonnettes dépoussiérées,
j'écoute, regarde, et deviens homme, à petites
lampées. Que serais-je sans ces habitués qui,
sans le savoir, m'ont ouvert les bras ?
Cafeteria Berlin
Són les quatre. «Stand by me»,
sona en italià. Quants anys...
Hi solia venir anys enrere,
com per a prendre-li el pols
a la ciutat. Música, gent,
converses. Pols... Tanta pols
pels carrers i el temps que
m'està despullant l'ànima.
Ganes de viure, senzillament,
com m'ho ofereixen amigues i
amics. D'escriure també,
amb poques exigències. Fixar-me
en la cambrera, la seva rialla,
el seu accent argentí quan
proposa una «tarta de queso»,
abans d'emprendre el camí cap
al vapor de la màquina d'acer
inoxidable. Ja no parla el cambrer.
Escombra amb parsimònia, capcot.
Quantes idees. Em quedaré encara
uns minuts i seguiré el meu camí,
diagonal avall. Capcot? Rai: cap
al Clot per a preparar-hi l'estada
d'una amiga tan preciosa que la ciutat
es nega a prendre-me el pols per a
saludar-la amb sons de cello morat.
mardi 18 octobre 2016
Le phoète i el foeta
J'ai deux amis à l'œil vif. Tinc dos amics de l'ull viu.
L'un est phoète, il voyage Un d'ells és phoète, viatja
entre lune et étangs. entre lluna i estanys.
Cela fait bien des années que Portem anys i panys collint
nous cueillons le monde, lui avec el món, ell amb el seu objectiu,
son objectif, moi avec ma voix jo amb la veu com eina.
Nous avons déjà un livre dans notre Ja tenim un llibre a la nostra alforja
besace et les images éveillent sa i les imatges li desperten
voix qui les épouse juliennement. la veu, unint-se julianament.
L'autre ami, je le connais si peu. L'altre amic, el conec tan poc.
Il est foeta et ne le sait pas. És foeta i no el sap pas encara.
Sa lumière emporte la voix La seva llum s'enduu la veu
des rhapsodes de mon île adorée dels rapsodes de la meva illa
Promeneur inlassable, il me montre adorada. Passejant tafaner, m'ensenya
le chemin de la vie. Silencieusement. el camí de la vida. Silenciosament.
lundi 17 octobre 2016
Un rire
et la découvrent. Un mot, ou deux,
je plonge aussitôt. Je ne la regarderai
plus. Elle a à faire. Et à lire.
Je revis son rire bref, comme les orateurs
anciens faisaient rouler les galets en bouche.
Peu importe la raison de cette brisure.
Elle est libre et signe
l'individu au milieu de la masse en mouvement
des clients d'une cafétéria ordinaire. Elle porte
un imperméable clair cintré. Je ne vous en dirai pas
plus. Il est seize heures vingt et l'instant s'installe.
dimanche 16 octobre 2016
Et si...
À la lecture d'un poème,
à un pastiche, une rare
performance.
Un spectacle lointain, déserté
par la pluie et les pleurs,
ravagé par la lumière aveuglante
de confessions intimes ?
Je n'y perdrais rien. Une fois prêtée,
la voix me reviendrait, plaisamment,
et je rirais volontiers de
l'apauvrissement
de sa digitalisation, bit à bit,
comme les cendres de l'ami couvrent
la silhouette du Dude du Big
Lebowski.
Si je prêtais ma voix, elle ferait
sourire, tout au plus, mes copains,
habitués aux facéties d'un orateur
déplumé.
Mais je me mentirais. La voix ne se
prête. Elle se confie ou se donne.
Un jour, aux vieux ne plaise,
je le ferai.
vendredi 7 octobre 2016
Patiemment
tendres de ma mère. En Lorraine, au Maroc puis dans
le Nord. Des volumes bon marché, aux reliures de verre
et aux pages grises, malodorantes et qui me captivaient.
À la différence des cahiers rose de l'hebdomadaire Elle
qui m'initièrent au corps de la femme et que je lisais
à la dérobée, je n'allais pas plus loin que les titres,
en remettant la lecture à des lendemains dont je ne savais
si la vie me les offrirait. Je sens l'heure venue.
Et patiemment je m'y engage. Après Bonjour tristesse et
le Rempart des Béguines, viendra la série des Claudine
de Colette. Un long chemin vers la libération de la femme
qu'elle connaissait par le menu mais dont, mère admirable
et épouse subjuguée, elle ne sut pourtant pas goûter les
fruits enfin mûris. Jusqu'à cet été d'une libération inattendue.
Une feuille de laurier
détachée de la couronne
divine. L'alpha et l'omega
d'une rencontre improbable
dont il aurait juré qu'elle
était le fruit de la fantaisie,
n'était l'amie fiable qui lui
avait confié son nom. Un petit
travail les avait rapprochés,
voici quelques semaines. La traduction
de huit poèmes d'un auteur de lui aimé
sans qu'elle n'en sût jamais rien.
Elle habitait loin, entre deux villes
dont elle ne parlait jamais. Elle aimait
la menthe poivrée, le silence et la pénombre.
Sa cuisine était voûtée, telle l'orbe d'un monde
en petit. Elle traquait la souffrance, la pressait
comme un citron avant de la crire sur le clavier
d'un vieux Mac barcelonais. Le travail bouclé,
il pensait ne plus la relire. Ou à l'occasion,
à Pâques ou pour la Trinité. Le temps les distinguait
bien plus fort que l'espace. Elle ouvrait les yeux à
la vie quand il revenait du collège sur un vélo aux
roues voilées. Et l'échange, étrangément, s'accéléra.
Les mots étaient brefs, allusifs. Un implicite naissait.
La collusion de l'assassin et de sa jolie mémorialiste.
D'elle, il avait appris l'accessoire, comme de l'État civil,
mais aussi l'essentiel. Des rencontres fortes et définitives,
deux enfants aux prénoms de fado et de fatum, qu'elle aimait
par dessus tout. Elle lui demanda de ramasser sa vie sur une
page de pixels, d'une langue convenue mais consciente de son
originalité. Il aurait pu l'aimer. Elle avait mieux à attendre.
Le soir tombait et le vent atlantique l'appelait.
La peine est bleue
La peine est bleue, le soir,
dans la lumière artificielle
du cosy. En feuilles d'acanthe,
en volutes sages et douloureuses.
Je ne le savais pas. Ai-je connu
la peine, latente, corrosive ?
Bien sûr j'ai été triste, triste à en
mal vivre. Mais peiné ? Je ne sais,
moi qui jamais ne fus femme ni mère.
jeudi 6 octobre 2016
La chemise
l'antique cathédrale. Elle marche vite et le trottoir
est étroit. Elle a quinze ans, ou seize, ses oreilles
sont cachées par de gros écouteurs roses, relief ultime
des peluches enfantines. Il fait encore chaud malgré
l'arrivée de l'automne et elle a noué autour de sa taille
une chemise blanche et noire aux motifs qui m'échappent.
Je n'en saurai pas plus. Pourquoi pensé-je soudain à sa mère,
au terme de la ville, lavant puis repassant la chemise nouée ?
Una mare
no la veus. Un sol implacable et
força a fregar els edificis foscos.
Mes en tornar a casa, t'adones d'un
silenci nou, fred i no pas tebi.
La gata no apareix per a festejar-te
o reprotxar-te l'absència. L'habitació
que t'has decidit a llogar és immensa.
Els llençols rebregats encara fan olor
de les rialles del fill estimat. Endreces
la casa, li dónes (amb diacrític) un caire
distint i igual. Com s'hi trobarà la noia
francesa que vindrà aviat? No pateixis, no
t'amoïnis. S'hi estarà bé. La mar de bé.
Com el fill petit a Terrassa. I ja veuràs
quan torni, aquest petit gran aprenent de
comediant, t'ensenyaràs coses i et semblarà,
encara més homes i valent. Xalaràs. I m'ho diràs.
dimanche 2 octobre 2016
Cum grano salis
de Silésie ou chipé sur le bas-côté
des salins d'Aigues-mortes.
Le plus beau des diamants sous le froid
microscope ou un escalier pyramidal dans
ta cité de verre.
Un grain pour bousculer l'ordre et briser
les échelles. Lilliput, montre-moi ta folie,
je m'y reconnaîtrai plus qu'un amant anglais.
Le cacher dans la poche du blouson, tout contre
la couture et, sans qu'elle s'en aperçoive, d'un
trait de plume, le déposer sur la lèvre inférieure
de l'unique. Le prisme pyramidal habitera alors
peut-être ses yeux et le bonheur t'emportera un
temps, un seul ; tout le reste importe peu.
A veure
si se'm quedarà un alè de vida potent.
De moment, bec de les seves paraules i
dels consells que em dóna l'amistat.
Amb accent, que en això s'equivoquen
els acadèmics. L'accent és de cor,
memòria i passat. Les generacions
futures donaran en present sense accent
individual. Potser. O no. Però no ens
el treuran mai i, si s'entesten, me'l
posaré circumflex: «Dôna». I a veure
si les dones em seguiran. Una, almenys.
Un bany
Un bany de tardor de dues
amigues, entre roca i ones.
No hi era. L'una d'elles me'l
contà amb una foto i onze mots.
Com un regal al món, una petjada,
dues, millor quatre, que la mar,
cobejosa de vida s'empassà, però
que l'amistat profunda em dugué.
Quelques vers pour mon ami Lionel
à boire les cailloux durs d'un poète de combat
au féminin si brun. Puis l'envie soudaine
qui se glisse cependant que le petit, à mes côtés,
mime l'écriture d'une pointe rose sur sa feuille
verte, avant de chaparder l'ultime flûte au fromage.
La tête me bat encore d'une soirée de cochonnailles,
vins et bourbons avec l'ami Lionel, primus inter pares.
Les mots chaleureux d'un présent encré de passé vécu
ensemble ou à distance. Le pudique côtoyait le graveleux
bon enfant. Que de rires et de devis sur fond de Marvin Gaye.
Bien sûr je pourrais vous en narrer le contenu dans le détail
mais ne le ferai pas, moins du fait des brumes croissantes
qui blanchirent la nuit noire que parce que l'amitié s'évoque,
se dit parfois, mais jamais ne se conte. Du moins n'ai-je jamais
su comment m'y prendre. Et qu'importe. En me lisant, lui saura.
Pour le reste, écran ouvert, à un bout de table, une maquette
de noir et de couleur attendait. Notre premier livre à deux !
jeudi 22 septembre 2016
La maison dort
Je suis le premier à me lever.
Le petit rêve encore, suçotant
le drap clair. La mère se repose
d'une vie de services bien mal
récompensés. L'air est frais,
le volet entrouvert laisse filtrer
la ville industrieuse. Les murs
sont blancs. Comme hier, comme il y a
quarante-six années, quatre mois et
bien des poussières. Que dorme encore
un peu la maison et me laisse écrire,
nostalgique, non tant d'un temps qui fut,
mais des bonheurs à venir et qu'il suffit
de cueillir dans la fraîcheur du matin.
Une mère en terrasse
Non pas. Et laissez-moi le croire, je vous prie
Quatre-vingt-six années et un jour pour se
retrouver dans le restaurant ombragé du figuier,
en terrasse, alors que s'impatiente l'automne.
Le repas sera frugal. De couleurs, de senteurs,
de surprises aussi. Le petit-fils ne tiendra pas
en place. On ne le grondera pas. Il y a mieux à
faire. Et toute une vie à retrouver. Et à continuer.
Sans-pareille
sur fond blanc, qui se combinent
et se multiplient avec de curieux
chapeaux. De gendarme ou de guingois
ou bien faucilles sous la courbe jolie.
Nous les usons tous deux à profusion,
toi bien plus que moi. De jour comme de
nuit. Multiple. Sans pareille. Je me voudrais
poinçonneur ou ciseleur pour pouvoir t'imiter.
Un aniversari
o un «anniversaire». Un «cumple»
perquè «no tienes nada con que
cumplir». Ets lliure. Un «anniversaire»
perquè no et dius Anna sinó Clara. Dia-
melic, dia-llombrígol. De mare a mare.
No hi seré, si bé el pensament m'hi durà.
Seran hores felices, entre les dues A de
la teva carn i somriure. Tan forts i clars.
El teu aniversari, a la mitjanit, s'acabarà...
Per a prolongar-se, com al món meravellós
d'Alícia. I serà hora que et vingui a visitar.
mercredi 21 septembre 2016
Neuve heure
Le soleil déjà haut, la nuit effacée par les textes
et l'angoisse d'un enfant au nom de prophète.
Le sommeil te tire en ses entrailles, tu lui tournes
le dos. Pas le temps, plus le temps. Le travail reprend
qui semble ne jamais avoir cessé. Écrire, écrire sans cesse,
et se renouveler. Sans se perdre. Sans te perdre. L'heure
est neuve à l'angle droit de l'horloge. Dossier inconfortable
pour qui voudrait s'y asseoir. Tes doigts cliquettent déjà,
je me tais.
Amalia
Je ne te connais pas mais ton œil d’enfant
me regarde, endolori. Angoulême,
engoulevent. Que le sel et l’iode atlantiques
sont puissants qui t’attirent à La Rochelle,
un dimanche sur deux, à cloche-pied.
Marelle. De la terre au ciel, une mère,
ta maman ne dort pas et écrit ta vie ,
dans des textes dissemblables,
sans rien en montrer. Une tapisserie
de la reine Mathilde ? C’est toi qui
me le dis ou moi qui me l’invente.
Et elle me parle de toi, tu le sais ?
dimanche 18 septembre 2016
Divagar
Per l'espai i per la ment, de nit,
després del sopar, quan ja es
perden les manetes d'or
dels rellotges adormits. Despertar
l'altre, en comptes d'acomiadar-se'n.
Perdre's pels camins, les voreres, la
ribera llefiscosa. Forçar l'idioma,
funàmbul entre discurs i llengua,
desig i moral. M'hi convides?
O t'hi invito?
Un cel de mel
Un cel de mel? A les fosques?
Impossible. La mel és lluna
casada amb sol.
Tss. Calla't i deixa volar el món.
Inventa't una conversa amb una
amiga desconeguda, o per
conèixer i aneu-vos-en, plegats,
per camins inviables fins una
platja de sorra fina. I de mel.
vendredi 16 septembre 2016
Retouch'mode
est un petit parallépipède de commerces
oubliés. PMU, boucherie, fruits et légumes,
ainsi qu'une curieuse mercerie, au lourd
rideau de fer, surmontée d'une enseigne
défraîchie mais qui a dû faire florès
en son temps : «Retouch'mode». Les écailles
de l'immeuble sont récentes, encore caparaçonnées
d'échafaudages. Une peau de nacre pour masquer
les errances d'un quartier à bout de souffle,
saigné de sa population. Il est huit heures
trente. Non loin, la sonnerie de l'école Annie
Fratellini a avalé les élèves éparpillés derrière
le grillage et le regard inquiet des mères voilées
en route pour LIDL. Une dame s'approche soudain
du rideau qu'elle soulève avec peine. Le chignon
ramassé trahit des couleurs lointaines, la blouse
est sombre, ajustée, et les lunettes, déjà perchées
au bout d'un nez court et épâté, anticipent les retouches
du jour, sous la lampe économe. Je n'en saurai pas plus,
la dame s'est émue de ma présence. Me prend-elle pour un
aigrefin aux maigres cheveux d'argent ou, pire, pour un
promoteur en mal de juteuses démolitions ? Elle est belle,
pourtant, à milles lieues des canons des magazines, cette
humble mercière qui, un jour, a posé sa machine dans un
quartier alors en devenir et, épuisée, par le glas lancinant
des jours maussades, s'y est enracinée. Memento vivere.
jeudi 15 septembre 2016
Trens
viatjar amb tren i fins i tot viure-hi.
Col·leccionava revistes, retallava cromos,
m'apuntava els rècords de les locomotores
BB. Passaren els anys. D'atzar orientat.
Gustós i sorprenent. I ara fa tot just un
any que visc, revisc i torno a viure aquella
fantasmagoria de la infantesa. Per a retrobar
els meus fills adorats.
mercredi 14 septembre 2016
Trésors de l'imperfection
des femmes défilent, un fusil
zébrant leur cœur et leur sein.
La scène est en Corée du Nord
qui, pareille à d'autres empires,
naguère, se croit en place pour
mille ans. Mais, regardez de plus
près, dans le détail. Nulle jambe
exactement parallèle aux autres,
ni même parfaitement raidie, nulle
expression identique du visage.
Délaissez le groupe et privilégiez
l'individu qui s'évade. Mille ans ?
Vaste fumisterie. Mais que de souffrances
au quotidien, sous la coriace pantomime.
Curiositats
i torno al català amb més
força. Que el trobo a faltar,
aquest mosaic de llengües,
cares i somriures. L'illa tan
estimada, el poble costaner
on un intel·lectual europeu acabà
la seva cursa, el cap i casal,
falsament massís, fet de pobles
i de barris on el vespre, amb vermut,
et convida a més vida, sempre. Moritz,
Damm o San Miguel, qu'importe le flacon...
Salvar la zanja
«Salvar la zanja», aquest és el castellà
que m'agrada. De mots, olors i remors.
El faig servir en sentit figurat, allunyat
que em trobo de les seves bases populars.
Penso en la màgia de la sala obscura en
silenci, en la rasa de foscor que ens separa
de la llum artificial de les paraules i dels gestos
dels actors. Un món en resum. Uns metres quadrats,
un parell d'hores. La vida en un mirall amb un accent
inconfusible. Fora de la sala, ben lluny de la rasa fosca,
hi ha un banc on la vida flueix igual i distinta, sense
entrebancs, sempre que la vegis amb ulls d'infant.
mardi 13 septembre 2016
Occitanejant
una lenga plan polida».
Bogeria de l'impuls, retardat
des de fa mesos. Els fitxers, els llibres,
les veus antigues. Res de mecànic. Rere
cada paraula, hi ha una persona ; joies
i patiments. L'aprenentatge és difícil.
Costa. M'ajuda un amiga que comparteix
el mateix projecte de vida. En sap molt
més que jo. Sóc un pirata. Quan em perdo
un mot, un gir, faig servir la llengua
estimada amb accent besierenc. No es deixa
enganyar mes el diàleg continua. D'aquí a
un parell de mesos, a veure si seré capaç de
xerrar, potser d'escriure. En llenguadocià, clar.