mardi 16 décembre 2014

Yeux

Un wagon de métro. Quelconque.
Ligne 1. La Rouge. Entre La Sagrera
et Catalunya. Figures penchées vers
des dispositifs mobiles. Pas un regard.

Deux visages s'en distraient, silencieux.
Un homme appuyé à la barre verticale
qui donne sur l'issue. Yeux mornes derrière
d'épaisses lunettes aux verres jaunes, comme

polarisés. Pour se protéger des agressions d'un
monde qu'il ne regarde pas, qu'il ne regarde plus ?
Ses yeux ne cillent pas. Couleur indéfinissable. Au
dessous, les rides ravinent le visage sec depuis

longtemps. Oueds. Assis devant moi, une femme sans
lunettes. Beau visage. Harmonieux. Yeux explosés par
la fatigue ou la tristesse. Aucun regard. Un musicien
ambulant survient qui joue au violon l'un des concertos

brandebourgeois de Bach. Son regard s'anime mais elle
ne cille pas, elle non plus. Le musicien sort précipitemment
sans achever son morceau. Je lui emboîte le pas. Les geeks
n'ont pas levé la tête. Fondo est le terminus du métro.