Françoise Mallet-Joris est morte.
Sans jamais le savoir, elle m'avait
appris la polysémie.
Friands de lectures abordables, mes parents
tenaient serrés au pied d'un meuble belge,
des dizaines de livres de poche.
Sans dire mot, je les tirais de leur réserve,
les examinais et les reniflais longuement.
Deux avaient ma faveur : l'anonyme Madame
Solario, dont j'apprendrais plus tard
l'auteure, au Bar à Lire de Sète, et
Le rempart des béguines. Je croyais
alors dans la candeur de l'âge enfantin
qu'il s'agissait d'un mur où s'étreignaient
les amoureux. Ma mère me corrigea avec
douceur et m'apprit l'entre-deux des béguines.
Françoise Mallet-Joris était dans l'entre-deux,
elle aussi. En écrivant La Parisienne pour
Marie-Paule Belle, elle nous entraîna dans un
étourdissement de sons, de mots et d'images,
tout en animant celle qu'elle avait fait
renaître, selon ses propres mots. Je n'ai jamais
lu finalement Le rempart des béguines. Je le ferai,
en hommage aux femmes libres, dont elle fut.