Tu ne prends pas le bateau,
c'est le bateau qui te prend,
qui vous prend. Toute une nuit,
étoilée sur la coursive. Air
poisseux d'obscurité et de sel,
voyageurs insomniaques qui se
croisent et se saluent hagards.
Tu lèves la tête : où êtes-vous ?
Il faudrait des sextants pour bien
s'en persuader. La coupe trajectoire
est tirée, il faut la boire, dans le
grondement huileux des machines.
Le capitaine chamarré se promène grave,
où est-ce un commandant ? Est-il du cru,
ou bien slave, comme on dit souvent.
Comme les clowns et les acrobates, cocasse
coïncidence. La nuit sans sommeil, sauf pour
tes deux grands qui en écrasent, sous le faix de
leur jeune vie. Toi, tu veux déchirer le rideau,
entrevoir l'aurore, t'inventer un cap de pierre,
une nouvelle boussole, revenir à cette terre choisie
par ton père et où, bientôt, par les airs cette fois,
dans une semaine, et même un peu moins, tu retrouveras
un îlien, ou tout comme, ton inverseur de perspective.