«Tu es Petrus et hanc petram
ædificabo ecclesiam meam.»
«Je ne bastis que pierres vives,
ce sont homes». La Vulgate,
Rabelais, quoi de plus dissemblable,
me dira-t-on. Et pourtant...
Au cœur de l'humanité est la pierre.
Prénom qui ne se donne pas mais
se gagne, comme le fit Simon le pêcheur
avant de pleurer puis de prêcher.
Que le français est orgueilleux,
qui dirait «Je m'honore de compter
Pere au nombre de mes amis». Qui suis-je
pour m'honorer ? Non, Pere me fait l'honneur
et la grâce de son amitié bienveillante.
Depuis onze ans et quelques mois.
En deux jours, année après année, au cœur
de la pierraille travaillée par le malheur
des hommes, il fait se rencontrer des femmes
et des hommes, poètes, plasticiens, musiciens
qu'une langue claire unit et il donne à cette
rencontre le doux mot-valise d'Illanvers.
Minorque, terre de poètes, dans le chant des
vents qui font gouleyer les pierres. Patiemment,
dans le dénuement, ses ancêtres, les miens, ont
poli les mots reçus avant de les transmettre
à leur tour. La normalisation linguistique a
tardé à s'y implanter, tant le langage y
bouillonnait. Voudriez-vous parler minorquin
qu'il vous faudrait des années pour vous en
approcher. L'article "salat", me direz-vous,
hérité de la côte de l'Ampurdan dont vinrent
nos aïeux. Mais son usage échappe à toute règle.
Par contre, un emploi hors de propos, vous dénote,
vous dénonce. Avec bonhommie. Alors sont les poètes.
Pere d'Alaior, Joan de Ferreries, qui fixent la terre
et ses us selon les points cardinaux. Lisez-les, je
vous prie, pour de Minorque sentir le souffle clair.