dimanche 7 août 2016

Pere

«Tu es Petrus et hanc petram
ædificabo ecclesiam meam.»

«Je ne bastis que pierres vives,
ce sont homes». La Vulgate,

Rabelais, quoi de plus dissemblable,
me dira-t-on. Et pourtant...

Au cœur de l'humanité est la pierre.
Prénom qui ne se donne pas mais

se gagne, comme le fit Simon le pêcheur
avant de pleurer puis de prêcher.

Que le français est orgueilleux,
qui dirait «Je m'honore de compter

Pere au nombre de mes amis». Qui suis-je
pour m'honorer ? Non, Pere me fait l'honneur

et la grâce de son amitié bienveillante.
Depuis onze ans et quelques mois.

En deux jours, année après année, au cœur
de la pierraille travaillée par le malheur

des hommes, il fait se rencontrer des femmes
et des hommes, poètes, plasticiens, musiciens

qu'une langue claire unit et il donne à cette
rencontre le doux mot-valise d'Illanvers.

Minorque, terre de poètes, dans le chant des
vents qui font gouleyer les pierres. Patiemment,

dans le dénuement, ses ancêtres, les miens, ont
poli les mots reçus avant de les transmettre

à leur tour. La normalisation linguistique a
tardé à s'y implanter, tant le langage y

bouillonnait. Voudriez-vous parler minorquin
qu'il vous faudrait des années pour vous en

approcher. L'article "salat", me direz-vous,
hérité de la côte de l'Ampurdan dont vinrent

nos aïeux. Mais son usage échappe à toute règle.
Par contre, un emploi hors de propos, vous dénote,

vous dénonce. Avec bonhommie. Alors sont les poètes.
Pere d'Alaior, Joan de Ferreries, qui fixent la terre

et ses us selon les points cardinaux. Lisez-les, je
vous prie, pour de Minorque sentir le souffle clair.