vendredi 5 octobre 2018

Voyages immobiles

Le soir se fait, tout contre la baie froide.
Peu de clients. La table tendue de lin blanc a 
le toucher suave des mains qui l'ont longuement

repassée. Le maître d'hôtel s'affaire mais feint
de nous ignorer. Il débouchera bientôt une bouteille
comme on lève l'ancre pour des contrées encore de nous

inconnues. Deux heures. Nous avons deux heures devant
nous. Le rideau s'ouvre sur le ballet des mets odorants
en faïence. L'ordre est immuable que ponctue le blanc

frappé dont le seau dégoutte la buée en une horloge neuve.
Les corps bougent peu. Les conversations vont bon train
et nous voyageons dans le temps, l'espace et la langue.

Du repas, quelques heures plus tard, il demeurera la douceur
de la pastilla de porc noir -tout un oxymore- et la chaleur de 
conversations qui feront date entre nos trois amants de la vie.