L'envie me vint de partager,
avec toi, le sel. Pas le sel
qui fond peu à peu dans le
creux de ma main confinée,
jusqu'à en perdre ses arêtes
pyramidales. Non. Le sel vif
de la mer au matin et celui
des tapas au soir. Lumière
et saveur. Douceur de la peau
et rêves d'absolu. Violence
du citron et de la tequila,
langueur des senteurs d'iode
que le ressac apporte. L'eau
et le sel. Ta liberté, tes songes
et l'amour qui doucement cristallise.
mardi 31 mars 2020
lundi 30 mars 2020
L'échange
Si lointain. Sur le marbre
clair, en haut des marches,
de noires ombres glissent,
rapides, sans même se saluer.
Le soleil entre par la croisée
close et vient frapper deux
inconnus. Échanges de sourires,
on se reconnaît. L'espace alentour,
austère s'efface. Chant de cigales,
ombre d'un repas au zénith, tiré du
sac. Le vin était gouleyant, la parole
facile. le soleil est parti. Sur le marbre.
clair, en haut des marches,
de noires ombres glissent,
rapides, sans même se saluer.
Le soleil entre par la croisée
close et vient frapper deux
inconnus. Échanges de sourires,
on se reconnaît. L'espace alentour,
austère s'efface. Chant de cigales,
ombre d'un repas au zénith, tiré du
sac. Le vin était gouleyant, la parole
facile. le soleil est parti. Sur le marbre.
Un filigrane
Sous les doigts, le papier se marbre.
Effet de transparence. Je ferme les yeux
et je te revois, de profil, dans la rue.
Ombre gracile et silencieuse, le regard avalé
par la pente et les cris qui s'éloignent.
Nulle parole, nul souffle, tout juste
la lumière qui décroît sur ton passage et
le temps qui marque une pause. Seize heures,
la vie reprend. Tu es déjà passée.
Effet de transparence. Je ferme les yeux
et je te revois, de profil, dans la rue.
Ombre gracile et silencieuse, le regard avalé
par la pente et les cris qui s'éloignent.
Nulle parole, nul souffle, tout juste
la lumière qui décroît sur ton passage et
le temps qui marque une pause. Seize heures,
la vie reprend. Tu es déjà passée.
T'aimer
Lentement, sans un bruit.
Laisser la mer envahir
mes doigts et les gercer.
Écouter ton antre, oreille
collée, comme qui découvre
l'océan par l'artifice gris
d'une conque marine. Me taire,
te laisser chanter au monde la
magie des draps pur, le silence
de l'alcôve, pieusement refermée,
cependant que, non loin, l'eau
coule brûlante dans l'impatiente
vasque. Me reposer enfin, à ton
côté, les yeux grand ouverts, riant
des étoiles que ta voix a fait naître.
Laisser la mer envahir
mes doigts et les gercer.
Écouter ton antre, oreille
collée, comme qui découvre
l'océan par l'artifice gris
d'une conque marine. Me taire,
te laisser chanter au monde la
magie des draps pur, le silence
de l'alcôve, pieusement refermée,
cependant que, non loin, l'eau
coule brûlante dans l'impatiente
vasque. Me reposer enfin, à ton
côté, les yeux grand ouverts, riant
des étoiles que ta voix a fait naître.
dimanche 29 mars 2020
Vacances
Non le vide mais le plein.
La brise légère, saturée
de senteurs sucrées ou
tendrement acidulées.
L'herbe grasse et épaisse
sous le pas franc et lent.
L'eau tiède, âpre de sel,
dans le creux de la main.
Et le temps, et l'espace...
La brise légère, saturée
de senteurs sucrées ou
tendrement acidulées.
L'herbe grasse et épaisse
sous le pas franc et lent.
L'eau tiède, âpre de sel,
dans le creux de la main.
Et le temps, et l'espace...
Mots d'amour
Remisés, timides,
conservés pieusement,
pour plus tard,
pour le vrai printemps,
celui où l'on court et
s'étreint sous la tonnelle.
Mots d'amour terrés,
aux beaux jours hibernés,
dans le coton ou la sage
moleskine. Déjà si vieux
qu'on les croit d'autrefois
mais qui ont la fraîcheur
d'une cerise croquée et qui
coule entre des lèvres douces
et enfin rapprochées.
conservés pieusement,
pour plus tard,
pour le vrai printemps,
celui où l'on court et
s'étreint sous la tonnelle.
Mots d'amour terrés,
aux beaux jours hibernés,
dans le coton ou la sage
moleskine. Déjà si vieux
qu'on les croit d'autrefois
mais qui ont la fraîcheur
d'une cerise croquée et qui
coule entre des lèvres douces
et enfin rapprochées.
Une cuisine
Nue, parée des meubles
nécessaires, de part
et d'autre. En fond,
un mur ripoliné, sans
nulle inscription ni
éclat punaisé.
Anonymat d'un lieu bref,
dédié à l'usage. Au centre,
une table de formica clair,
dont tu as fait un commode
bureau avant le dîner frugal.
L'heure est grave et la
fenêtre petite que m'ouvre
ta caméra. Lassitude de
chaque instant et, soudain,
l'éclat du regard bleu et
le coin de la lèvre amusé.
Désir de dîners sur le pouce,
sur une place, entre les fourgons
qui s'affairent. Et de vin clair
où se mirer. Interminablement.
nécessaires, de part
et d'autre. En fond,
un mur ripoliné, sans
nulle inscription ni
éclat punaisé.
Anonymat d'un lieu bref,
dédié à l'usage. Au centre,
une table de formica clair,
dont tu as fait un commode
bureau avant le dîner frugal.
L'heure est grave et la
fenêtre petite que m'ouvre
ta caméra. Lassitude de
chaque instant et, soudain,
l'éclat du regard bleu et
le coin de la lèvre amusé.
Désir de dîners sur le pouce,
sur une place, entre les fourgons
qui s'affairent. Et de vin clair
où se mirer. Interminablement.
samedi 28 mars 2020
La beauté
Sans fard, ni apprêt,
la beauté au matin ou
dans les nappes roses
du couchant. Six petites
lettres qui commencent
comme un baiser
et finissent avec l'été.
La voix traînante et
solennelle d'Higelin
ou un coup d'osselets.
Une coccinelle ronde et
brillante en pensée
ou des fourmis dans les
jambes. Beauté paisible
ou course folle,
vécue ou patiemment rêvée.
Beauté sans qui je ne peux
vivre, et qui me fait écrire.
la beauté au matin ou
dans les nappes roses
du couchant. Six petites
lettres qui commencent
comme un baiser
et finissent avec l'été.
La voix traînante et
solennelle d'Higelin
ou un coup d'osselets.
Une coccinelle ronde et
brillante en pensée
ou des fourmis dans les
jambes. Beauté paisible
ou course folle,
vécue ou patiemment rêvée.
Beauté sans qui je ne peux
vivre, et qui me fait écrire.
Confinada / Confinée
Confinada, la llengua s'adorm,
unes poques hores de plom.
I reviu, de cop i volta.
Alè de les passes estimades,
que m'invento cada nit, com,
abans, fa tan poc, fa un segle,
la gent s'inventava moltons per
agafar el son. Plaers petits,
mots immensos. Serenitat.
***
Confinée, la langue s'endort
quelques heures de plomb.
Et elle revit tout à coup.
Souffle des pas aimés,
que je m'invente chaque nuit, comme
avant, il y a si peu, il y a un siècle,
les gens s'inventaient des moutons pour
trouver le sommeil. Petits plaisirs,
mots immenses. Sérénité.
unes poques hores de plom.
I reviu, de cop i volta.
Alè de les passes estimades,
que m'invento cada nit, com,
abans, fa tan poc, fa un segle,
la gent s'inventava moltons per
agafar el son. Plaers petits,
mots immensos. Serenitat.
***
Confinée, la langue s'endort
quelques heures de plomb.
Et elle revit tout à coup.
Souffle des pas aimés,
que je m'invente chaque nuit, comme
avant, il y a si peu, il y a un siècle,
les gens s'inventaient des moutons pour
trouver le sommeil. Petits plaisirs,
mots immenses. Sérénité.
Le fil enchanté
Entre nos bouches,
salive sucrée des
baisers éloignés.
Fil enchanté. Tiède
et jamais froid, que
les yeux clos ravivent.
Tisse ma toile, mon étoile,
et laisse parler Rimbaud,
pris au filet des étoiles
filantes.
salive sucrée des
baisers éloignés.
Fil enchanté. Tiède
et jamais froid, que
les yeux clos ravivent.
Tisse ma toile, mon étoile,
et laisse parler Rimbaud,
pris au filet des étoiles
filantes.
Lire, élire, lier
Lire, élire, lier,
je joue avec les lettres
d'un Scrabble laissé loin.
Le damier vert disparu,
les lettres chantent,
tantôt dés, tantôt dominos.
Hasard jamais aboli. Orienté
par la tiédeur des doigts.
Lettres identiques, accents
différents, j'élis une langue
autre et m'y repais, et m'en repose.
Lire, élire, lier.
Je relis et relie. Les lettres,
les mots, les êtres, la vie.
je joue avec les lettres
d'un Scrabble laissé loin.
Le damier vert disparu,
les lettres chantent,
tantôt dés, tantôt dominos.
Hasard jamais aboli. Orienté
par la tiédeur des doigts.
Lettres identiques, accents
différents, j'élis une langue
autre et m'y repais, et m'en repose.
Lire, élire, lier.
Je relis et relie. Les lettres,
les mots, les êtres, la vie.
vendredi 27 mars 2020
En six pieds
C'est en six que je rêve,
qu'immobile je cours,
en songeant aux détours
que m'impose la grève.
Car c'est bien une plage
que cet enfermement
et c'est toi mon ferment,
l'amorce de ma page.
Il n'est pas d'océan,
de mer ou bien d'étang,
trop inhospitalier
pour noyer mon cahier.
Et si je couds mes feuilles
journée après journée,
c'est qu'à moi tu es née
pour emplir mon recueil.
qu'immobile je cours,
en songeant aux détours
que m'impose la grève.
Car c'est bien une plage
que cet enfermement
et c'est toi mon ferment,
l'amorce de ma page.
Il n'est pas d'océan,
de mer ou bien d'étang,
trop inhospitalier
pour noyer mon cahier.
Et si je couds mes feuilles
journée après journée,
c'est qu'à moi tu es née
pour emplir mon recueil.
Le rendez-vous
Le sable dans la main, sec,
froid et gris, n'est pas
celui de la plage rêvée,
Le balai l'a retrouvé, tout
contre la plinthe, sous un
meuble quelconque, mais sous
mes yeux, un temps, un temps
seulement, il est ce discret
rendez-vous, un soir d'été,
dans une paillote du sud de
mon île où nos sandales, par
le jour usées, nous mèneront.
froid et gris, n'est pas
celui de la plage rêvée,
Le balai l'a retrouvé, tout
contre la plinthe, sous un
meuble quelconque, mais sous
mes yeux, un temps, un temps
seulement, il est ce discret
rendez-vous, un soir d'été,
dans une paillote du sud de
mon île où nos sandales, par
le jour usées, nous mèneront.
Un plaisir
La main frôle la peau, douce et claire,
au moment de l'endormissement. Frôlement
de la cuisse contre le drap rêche. Sursaut.
Les doigts se courbent. Pliure sue. Le souffle
prend son rythme et le temps se fait autre.
Incarnat des lèvres qui s'entrouvrent. Éminence
à nulle autre pareille. La vague lèche le sable
qui se croyait oublié. Course appariée des runners
sur le sable tendre. Trébuchent et reprennent.
Les yeux se ferment et s'ouvrent sans voir. Visage
exténué. La main repose contre le drap, perlée en
son terme. La voix de la Callas, enfin, bat aux tempes.
au moment de l'endormissement. Frôlement
de la cuisse contre le drap rêche. Sursaut.
Les doigts se courbent. Pliure sue. Le souffle
prend son rythme et le temps se fait autre.
Incarnat des lèvres qui s'entrouvrent. Éminence
à nulle autre pareille. La vague lèche le sable
qui se croyait oublié. Course appariée des runners
sur le sable tendre. Trébuchent et reprennent.
Les yeux se ferment et s'ouvrent sans voir. Visage
exténué. La main repose contre le drap, perlée en
son terme. La voix de la Callas, enfin, bat aux tempes.
Le quincaillier des mots
Je suis un quincaillier,
un humble quincaillier.
Blouse grise, lunettes
à monture d'acier, perchées
sur le bout de mon nez.
Toute la journée, j'ouvre
et je ferme des tiroirs
de bois blanc odorant.
Du sapin des Vosges
ou de Ménilmontant.
Et je fouille parmi les vis,
les boulons, les écrous
d'or et d'argent, mon trésor
insolite et couru, sans qui
les planches tomberaient
et le monde s'écroulerait.
Je les aligne sur la table,
m'émerveillant d'une boucle,
d'un accent, d'une ligature
malencontreuse ou d'une pointe
insidieuse. Alors, je baisse
le rideau, je retire ma blouse,
chausse mes lunettes et me mets
à écrire. Bienencontreusement.
un humble quincaillier.
Blouse grise, lunettes
à monture d'acier, perchées
sur le bout de mon nez.
Toute la journée, j'ouvre
et je ferme des tiroirs
de bois blanc odorant.
Du sapin des Vosges
ou de Ménilmontant.
Et je fouille parmi les vis,
les boulons, les écrous
d'or et d'argent, mon trésor
insolite et couru, sans qui
les planches tomberaient
et le monde s'écroulerait.
Je les aligne sur la table,
m'émerveillant d'une boucle,
d'un accent, d'une ligature
malencontreuse ou d'une pointe
insidieuse. Alors, je baisse
le rideau, je retire ma blouse,
chausse mes lunettes et me mets
à écrire. Bienencontreusement.
Lire Laâbi
Lire Laâbi, au matin,
lentement. Le relire.
Savourer les vers brefs,
les sauts de ligne gras
d'ivoire suave. Retrouver
l'aimée dans le silence
de l'apostrophe. Pronom
cru. Deux lettres gravées
sur la page de vélin par
d'obscurs typographes, eux
aussi amoureux en leur temps
et s'essuyant les mains sur
la blouse bleue avant d'aller
retrouver la promise, sur un
banc fleuri du printemps.
Lire Laâbi, au matin,
passionnément. Le cueillir.
Et de l'écluse longer le bief.
lentement. Le relire.
Savourer les vers brefs,
les sauts de ligne gras
d'ivoire suave. Retrouver
l'aimée dans le silence
de l'apostrophe. Pronom
cru. Deux lettres gravées
sur la page de vélin par
d'obscurs typographes, eux
aussi amoureux en leur temps
et s'essuyant les mains sur
la blouse bleue avant d'aller
retrouver la promise, sur un
banc fleuri du printemps.
Lire Laâbi, au matin,
passionnément. Le cueillir.
Et de l'écluse longer le bief.
Sa peau
Sa peau te manque,
claire, délicate,
odorante,
que tu t'essaies à
reproduire au matin,
en frottant, lentement,
tes doigts, les uns contre
les autres. Froissement du
chemisier léger. Printemps
des sens suspendu, léger
parfum du réveil dans les draps
une nuit partagés. Étreinte
suave et mouillée, conservée
pieusement pour des temps
inhospitaliers, qui sont là.
claire, délicate,
odorante,
que tu t'essaies à
reproduire au matin,
en frottant, lentement,
tes doigts, les uns contre
les autres. Froissement du
chemisier léger. Printemps
des sens suspendu, léger
parfum du réveil dans les draps
une nuit partagés. Étreinte
suave et mouillée, conservée
pieusement pour des temps
inhospitaliers, qui sont là.
Imagination
L'herbe a poussé, grasse,
large, brillante, sans la
faux des cantonniers.
Le chemin est vide encore,
les hommes viendront après.
C'est un matin frais
et la rosée épaissit la tige
des coquelicots qui attendent,
impatients, le soleil haut
d'avril. Sous eux, fourmille
la vie et la terre se féconde.
Temps long de la germination.
Homme, ne sors pas, pas encore,
du moins, mais pense au rythme
des saisons que tu as oublié.
large, brillante, sans la
faux des cantonniers.
Le chemin est vide encore,
les hommes viendront après.
C'est un matin frais
et la rosée épaissit la tige
des coquelicots qui attendent,
impatients, le soleil haut
d'avril. Sous eux, fourmille
la vie et la terre se féconde.
Temps long de la germination.
Homme, ne sors pas, pas encore,
du moins, mais pense au rythme
des saisons que tu as oublié.
jeudi 26 mars 2020
Mon Vermeer
Un pan de ciel, très haut,
insaisissable, comme un
mouchoir de mousseline
gazeuse. Bleu pâle, mais ni
blanc, ni gris, et qui dit
l'espoir, sans le proclamer,
en le glissant dans la grisaille
d'un matin biterrois. Le printemps
est là. Nul besoin d'un pan de
mur jaune proustien, même si mon œil
égayé y cligne nostalgique. La vie
vibre et se bat et tes yeux sont bleus.
insaisissable, comme un
mouchoir de mousseline
gazeuse. Bleu pâle, mais ni
blanc, ni gris, et qui dit
l'espoir, sans le proclamer,
en le glissant dans la grisaille
d'un matin biterrois. Le printemps
est là. Nul besoin d'un pan de
mur jaune proustien, même si mon œil
égayé y cligne nostalgique. La vie
vibre et se bat et tes yeux sont bleus.
lundi 23 mars 2020
Sèvres
Si loin est Sèvres
de ma table, mais
je tiens en main,
un peu de l'exquis
bleu de sa faïence,
si loquace, à force
de me regarder en
silence, à distance.
Ce sont tes yeux,
qui, même en Provence,
gardent d'Arcachon
la profondeur océane.
de ma table, mais
je tiens en main,
un peu de l'exquis
bleu de sa faïence,
si loquace, à force
de me regarder en
silence, à distance.
Ce sont tes yeux,
qui, même en Provence,
gardent d'Arcachon
la profondeur océane.
La table
à Marianne,
en son anniversaire
Ta table est vide sans ma main
qui recueille chaque miette de
gâteau tombée de la tienne
pour en faire des semences de
demain. Graines sucrées, tendres
et multicolores sur qui je souffle
comme, enfant, je le faisais d'un
pissenlit translucide, déjà avide
d'un savoir que nous désirerions
tous deux.
en son anniversaire
Ta table est vide sans ma main
qui recueille chaque miette de
gâteau tombée de la tienne
pour en faire des semences de
demain. Graines sucrées, tendres
et multicolores sur qui je souffle
comme, enfant, je le faisais d'un
pissenlit translucide, déjà avide
d'un savoir que nous désirerions
tous deux.
Trenet
On l'appelait le fou chantant,
on le voyait courant, les yeux
écarquillés, égarant ses mots
et ses notes en route, puis,
le soir venu, on fredonnait
ses rengaines imperceptiblement,
détachant chacune des images brèves
de sa langue si pure. Or, à présent
sans les Barques, ni le Castillet
rosissant au matin, les doigts
cherchent ses textes et la mémoire
revient inexorablement à ses chansons.
on le voyait courant, les yeux
écarquillés, égarant ses mots
et ses notes en route, puis,
le soir venu, on fredonnait
ses rengaines imperceptiblement,
détachant chacune des images brèves
de sa langue si pure. Or, à présent
sans les Barques, ni le Castillet
rosissant au matin, les doigts
cherchent ses textes et la mémoire
revient inexorablement à ses chansons.
Lectura del prefaci de La Sorra Calenta de Gumersind Gomila
Gumersind Gomila va publicar el seu primer poemari, La Sorra
Calenta, el 1943, a la Societat d'Estudis Catalans de Tolosa de
Llenguadoc.
El prefaci, homenatge al Rosselló, és una valuosa aportació a la
història de la literatura catalana.
Ismael Pelegrí Pons prepara una edició de les poesies completes de
Gumersind Gomila amb motiu del 50è aniversari de la seva mort.
Lectura per Michel Bourret Guasteví, besnebot del Gumersind, poeta,
traductor i catedràtic de la universitat Paul-Valéry de Montpeller.
dimanche 22 mars 2020
La rue Broca
à mes enfants, grands et petits
Il n'est pas un séjour à Paris
où je ne songe à emprunter la rue
Broca. L'emprunter. Ni la prendre
ni l'occuper, car elle ne se donne
que par instants avant de retourner,
frileusement, dans la besace de
Pierre Gripari. C'était bien avant
mais 68, un monde à la Doisneau,
un Paris de village comme dans le
Ballon rouge. J'avais vécu en marge
de la capitale mais ce n'est que bien
loin, à Montpellier, que je m'en fis
un repaire second, loin du brouhaha
de la vie quotidienne. Les années ont
passé, le confinement m'y renvoie.
Il n'est pas un séjour à Paris
où je ne songe à emprunter la rue
Broca. L'emprunter. Ni la prendre
ni l'occuper, car elle ne se donne
que par instants avant de retourner,
frileusement, dans la besace de
Pierre Gripari. C'était bien avant
mais 68, un monde à la Doisneau,
un Paris de village comme dans le
Ballon rouge. J'avais vécu en marge
de la capitale mais ce n'est que bien
loin, à Montpellier, que je m'en fis
un repaire second, loin du brouhaha
de la vie quotidienne. Les années ont
passé, le confinement m'y renvoie.
vendredi 20 mars 2020
Confinat, sense desafinar / Confiné sans détoner
al Miquel Mariano Pons
Tancat a ca seva, Miquel toca i canta.
Guitarra de fusta dorada i de vernís
càlid. Sis minutets. El temps de buidar
lentament una copa de verdejo. L'hora baixa
s'atura i ens torna el Víctor i l'Atahualpa.
No sé si el poble unit mai no serà vençut
però sé que persones com el nostre Miquel,
confinat sense desafinar, han guanyat el
nostre cor d'estepa. Per molts anys!
***
Enfermé chez lui, Miquel joue et chante.
Guitare de bois doré et de vernis
chaud. Six petites minutes. Le temps de vider
lentement une coupe de verdejo. Le soir qui tombe
s'arrête et nous rend Victor et Atahualpa.
Je ne sais pas si le peuple uni ne sera jamais vaincu
mais je sais que des personnes comme notre Miquel,
confiné sans détoner, ont gagné notre
cœur de ciste. Pour longtemps !
Tancat a ca seva, Miquel toca i canta.
Guitarra de fusta dorada i de vernís
càlid. Sis minutets. El temps de buidar
lentament una copa de verdejo. L'hora baixa
s'atura i ens torna el Víctor i l'Atahualpa.
No sé si el poble unit mai no serà vençut
però sé que persones com el nostre Miquel,
confinat sense desafinar, han guanyat el
nostre cor d'estepa. Per molts anys!
***
Enfermé chez lui, Miquel joue et chante.
Guitare de bois doré et de vernis
chaud. Six petites minutes. Le temps de vider
lentement une coupe de verdejo. Le soir qui tombe
s'arrête et nous rend Victor et Atahualpa.
Je ne sais pas si le peuple uni ne sera jamais vaincu
mais je sais que des personnes comme notre Miquel,
confiné sans détoner, ont gagné notre
cœur de ciste. Pour longtemps !
Et si...
Et si tu laissais au vestiaire,
le masque et les oripeaux,
l'odeur entêtante de l'alcool
gras, et te décidais à revêtir
la blouse que j'aime, à cru,
un brin espiègle, et courais
au dehors, sans jamais sortir.
Ferme les yeux et retrouve ce
moment clair du repas partagé.
le masque et les oripeaux,
l'odeur entêtante de l'alcool
gras, et te décidais à revêtir
la blouse que j'aime, à cru,
un brin espiègle, et courais
au dehors, sans jamais sortir.
Ferme les yeux et retrouve ce
moment clair du repas partagé.
Embrasure
Embrasure de la fenêtre,
déjà tiède et encore porteuse
de lambeaux de fraîcheur.
À petites lampées, l'extérieur
pénètre, malgré la crainte et
l'atroce méconnaissance.
La mort qui rôdait, au quotidien,
a revêtu une autre livrée, de mauve
et de dentelle. La parole, raréfiée,
nécessite d'autres voies : un jeu,
des images anciennes que l'on revoit
comme après un cataclysme.
Et l'on regoûte avec joie à des mots
oubliés ou raillés : rillettes, vase,
tabatière, guéridon, grimoire...
déjà tiède et encore porteuse
de lambeaux de fraîcheur.
À petites lampées, l'extérieur
pénètre, malgré la crainte et
l'atroce méconnaissance.
La mort qui rôdait, au quotidien,
a revêtu une autre livrée, de mauve
et de dentelle. La parole, raréfiée,
nécessite d'autres voies : un jeu,
des images anciennes que l'on revoit
comme après un cataclysme.
Et l'on regoûte avec joie à des mots
oubliés ou raillés : rillettes, vase,
tabatière, guéridon, grimoire...
L'ombre
Il est sept heures. Le téléphone sonne.
La voix aimée jaillit et ne s'arrête
pas. Un torrent endigué, raisonné.
Tonalités de gris et de mauve. Derrière :
l'ombre, inouïe, qui toujours se terrait
et là étend à l'envi sa froide draperie.
Fièvre, céphalées, yeux troubles et
mouillés. La précision d'un scalpel
et l'ombreuse angoisse. Le téléphone
raccroché, le silence revenu, l'amour
est un soleil pâle qui vainc l'ombre
et apaise le regard. Bleu. Si bleu.
La voix aimée jaillit et ne s'arrête
pas. Un torrent endigué, raisonné.
Tonalités de gris et de mauve. Derrière :
l'ombre, inouïe, qui toujours se terrait
et là étend à l'envi sa froide draperie.
Fièvre, céphalées, yeux troubles et
mouillés. La précision d'un scalpel
et l'ombreuse angoisse. Le téléphone
raccroché, le silence revenu, l'amour
est un soleil pâle qui vainc l'ombre
et apaise le regard. Bleu. Si bleu.
mercredi 18 mars 2020
Déboussolés
aux pensionnaires des EHPAD
Ils ne sentent plus le soleil
de l'hiver provençal réchauffer
leur vieux fauteuil déglingué.
La conscience demeure dans les mots
échangés avec les soignants, la cuillère
de soupe portée lentement à la bouche
et les yeux, ces yeux inquiets qui crient
le désarroi, non leur désarroi, mais celui
de ceux qu'ils imaginent terrés ailleurs,
dans la crainte du mal qui court et entre
par les soupirails négligés. On les croit
oublieux, déjà partis, ils souffrent là,
retrouvant, au sein de la paix que l'on croyait
d'argent, la terreur des guerres du passé.
Ils sont déboussolés et aimants. Si aimants.
Ils ne sentent plus le soleil
de l'hiver provençal réchauffer
leur vieux fauteuil déglingué.
La conscience demeure dans les mots
échangés avec les soignants, la cuillère
de soupe portée lentement à la bouche
et les yeux, ces yeux inquiets qui crient
le désarroi, non leur désarroi, mais celui
de ceux qu'ils imaginent terrés ailleurs,
dans la crainte du mal qui court et entre
par les soupirails négligés. On les croit
oublieux, déjà partis, ils souffrent là,
retrouvant, au sein de la paix que l'on croyait
d'argent, la terreur des guerres du passé.
Ils sont déboussolés et aimants. Si aimants.
Desig frustrat / Désir frustré
Caminant cap al mar,
m'he gastat les avarques,
de la nit al matí.
A recer de la lluna,
nostàlgic he begut
de la tendra saviesa
dels meus avantpassats.
Soroll de suau silenci,
violent desig d'amor.
***
En marchant vers la mer,
j'ai usé mes sandales,
de la nuit au matin.
À l'abri de la lune,
nostalgique j'ai bu
à la tendre sagesse
de mes aïeux.
Bruit de doux silence,
violent désir d'amour.
m'he gastat les avarques,
de la nit al matí.
A recer de la lluna,
nostàlgic he begut
de la tendra saviesa
dels meus avantpassats.
Soroll de suau silenci,
violent desig d'amor.
***
En marchant vers la mer,
j'ai usé mes sandales,
de la nuit au matin.
À l'abri de la lune,
nostalgique j'ai bu
à la tendre sagesse
de mes aïeux.
Bruit de doux silence,
violent désir d'amour.
Ciel
à Florian
Sous les pas, la terre battue,
sèche, silencieuse. Troublée,
çà et là par quelque ombre
aventureuse. Le bois s'annonce,
salvateur pour qui se tient terré.
Et entre les branches les plus
hautes, un drap tendu. Azur franc.
Du profond au léger. Horizon d'espoir.
Le souffle reprend et s'anime.
Sous les pas, la terre battue,
sèche, silencieuse. Troublée,
çà et là par quelque ombre
aventureuse. Le bois s'annonce,
salvateur pour qui se tient terré.
Et entre les branches les plus
hautes, un drap tendu. Azur franc.
Du profond au léger. Horizon d'espoir.
Le souffle reprend et s'anime.
mardi 17 mars 2020
Un somni / Un rêve
al meu fill Jérôme, viròleg
Un somni. Petit. Humil.
Rodó i silenciós, com
una llàgrima perduda.
Un somni a la cantonada,
mentre breus trifulgues
sacsegen els supermercats.
El somni del alè pur, sens
treva ni futur. Senzillesa
blava de l'oxígen lliure.
***
Un rêve. Petit. Humble.
Rond et silencieux, comme
une larme perdue.
Un rêve au coin de la rue,
cependant que de brèves disputes
secouent les supermarchés.
Le rêve du souffle pur, sans
entrave ni futur. Simplicité
bleue de l'oxygène libre.
Un somni. Petit. Humil.
Rodó i silenciós, com
una llàgrima perduda.
Un somni a la cantonada,
mentre breus trifulgues
sacsegen els supermercats.
El somni del alè pur, sens
treva ni futur. Senzillesa
blava de l'oxígen lliure.
***
Un rêve. Petit. Humble.
Rond et silencieux, comme
une larme perdue.
Un rêve au coin de la rue,
cependant que de brèves disputes
secouent les supermarchés.
Le rêve du souffle pur, sans
entrave ni futur. Simplicité
bleue de l'oxygène libre.
Confinamento
La marche est lente,
brève, mesurée. Une
heure, guère plus.
Les rues, désertes,
regorgent de voitures.
Comme un dimanche.
La chaussée crisse sous
le soulier et le sable
se dépose dans la rigole.
Seize heures approchent,
c'est le confinement.
Soudain, un bosquet d'arbres
suspend ma marche ralentie.
Rabougris, grêles, tordus
et poussiéreux, quelle
surprenante beauté. Silence.
Pas un oiseau. Inhospitalité
de la cité refermée.
brève, mesurée. Une
heure, guère plus.
Les rues, désertes,
regorgent de voitures.
Comme un dimanche.
La chaussée crisse sous
le soulier et le sable
se dépose dans la rigole.
Seize heures approchent,
c'est le confinement.
Soudain, un bosquet d'arbres
suspend ma marche ralentie.
Rabougris, grêles, tordus
et poussiéreux, quelle
surprenante beauté. Silence.
Pas un oiseau. Inhospitalité
de la cité refermée.
dimanche 15 mars 2020
Ma plage
à Sarah et Victor
Ma plage tient dans la main.
De poudre et de grains, elle
a les couleurs du levant et
du couchant. Le massalé est
vergeoise du nord, le curcuma
poudre d'or de l'est. Le poivre
à gros grains a de l'ouest l'ombre
rocheuse et la poignée de petits
piments langue d'oiseau cherche
dans le sud la chaleur que la Réunion,
un jour, naguère, sut lui donner, tout
contre l'algue odorante de la vanille.
Ma plage tient dans la main.
De poudre et de grains, elle
a les couleurs du levant et
du couchant. Le massalé est
vergeoise du nord, le curcuma
poudre d'or de l'est. Le poivre
à gros grains a de l'ouest l'ombre
rocheuse et la poignée de petits
piments langue d'oiseau cherche
dans le sud la chaleur que la Réunion,
un jour, naguère, sut lui donner, tout
contre l'algue odorante de la vanille.
vendredi 13 mars 2020
Temps d'incertitude
Temps d'incertitude
et la vie qui glisse.
Seize heures. Le mur
est encore tiède de
midi, le silence, aux
oreilles, bourdonne.
L'Espagne s'alarme,
la France grelotte.
Si fragile est la vie
qui forcit dans le détail.
Attente des enfants,
les pois chiches gonflent
dans l'eau froide. Douze
heures. Alors que tout
se précipite, je laisse
le temps se dérouler.
J'aime laisser filer
les minutes, les heures.
De vieilles mélodies
guident mes doigts.
Maladresse du toucher,
chaleur des accents.
Le printemps est si proche
et vendredi est un treize.
et la vie qui glisse.
Seize heures. Le mur
est encore tiède de
midi, le silence, aux
oreilles, bourdonne.
L'Espagne s'alarme,
la France grelotte.
Si fragile est la vie
qui forcit dans le détail.
Attente des enfants,
les pois chiches gonflent
dans l'eau froide. Douze
heures. Alors que tout
se précipite, je laisse
le temps se dérouler.
J'aime laisser filer
les minutes, les heures.
De vieilles mélodies
guident mes doigts.
Maladresse du toucher,
chaleur des accents.
Le printemps est si proche
et vendredi est un treize.
I me l'estimo / Et je l'aime
Unes poques notes de fusta clara
i de cordes d'acer, a les fosques.
El terra és de sorra humida i grisa.
Cap cot, Pat toca, sense adonar-se
del temps que passa. Vella cançó
dels Beatles. Platges tecnicolor,
cossos maquillats de fang morè.
Acluco els ulls i penso en ella.
Em crida l'illa en el seu sud-est.
Binibeca de cendres i goig, carinyo,
te'n recordes? Plats compartits a
La Rueda. Nostàlgia de passes petites.
Cala Torret. L'amic Paco, el meu germà,
Philip i la pequeña habitación, la mare
retrobant els camins dels avantpassats.
El barret d'ala ampla i la passejada
lenta al fosquet quan m'havien prohibit
de banyar-me dins l'aigua gelada.
Els primers mots, la llengua nostra, tan
cara i fràgil, les rialles, el Vespino
i la Sanglas de Potxolo. Pat segueix tocant.
***
Quelques notes de bois clair
et de cordes en acier, dans l'ombre.
Le sol est de sable humide et gris.
Tête penchée, Pat joue, sans se rendre compte
du temps qui passe. Vieille chanson
des Beatles. Plages technicolor,
corps maquillés de boue brune.
Je ferme les yeux et je pense à elle.
L'île m'appelle en son sud-est.
Binibeca de cendres et de joie, ma chérie,
tu t'en souviens ? Plats partagés à
La Rueda. Nostalgie de petits pas.
Cala Torret. L'ami Paco, mon frère,
Philip et la petite chambre, ma mère
retrouvant les chemins de ses aïeux.
Mon chapeau à larges bords et la promenade
lente le soir venu quand on m'avait interdit
de me baigner dans l'eau glacée.
Les premiers mots, notre langue, si
chère et si fragile, les rires, le Vespino
et la Sanglas de Potxolo. Pat joue toujours.
i de cordes d'acer, a les fosques.
El terra és de sorra humida i grisa.
Cap cot, Pat toca, sense adonar-se
del temps que passa. Vella cançó
dels Beatles. Platges tecnicolor,
cossos maquillats de fang morè.
Acluco els ulls i penso en ella.
Em crida l'illa en el seu sud-est.
Binibeca de cendres i goig, carinyo,
te'n recordes? Plats compartits a
La Rueda. Nostàlgia de passes petites.
Cala Torret. L'amic Paco, el meu germà,
Philip i la pequeña habitación, la mare
retrobant els camins dels avantpassats.
El barret d'ala ampla i la passejada
lenta al fosquet quan m'havien prohibit
de banyar-me dins l'aigua gelada.
Els primers mots, la llengua nostra, tan
cara i fràgil, les rialles, el Vespino
i la Sanglas de Potxolo. Pat segueix tocant.
***
Quelques notes de bois clair
et de cordes en acier, dans l'ombre.
Le sol est de sable humide et gris.
Tête penchée, Pat joue, sans se rendre compte
du temps qui passe. Vieille chanson
des Beatles. Plages technicolor,
corps maquillés de boue brune.
Je ferme les yeux et je pense à elle.
L'île m'appelle en son sud-est.
Binibeca de cendres et de joie, ma chérie,
tu t'en souviens ? Plats partagés à
La Rueda. Nostalgie de petits pas.
Cala Torret. L'ami Paco, mon frère,
Philip et la petite chambre, ma mère
retrouvant les chemins de ses aïeux.
Mon chapeau à larges bords et la promenade
lente le soir venu quand on m'avait interdit
de me baigner dans l'eau glacée.
Les premiers mots, notre langue, si
chère et si fragile, les rires, le Vespino
et la Sanglas de Potxolo. Pat joue toujours.
mercredi 11 mars 2020
Déchiffrer
Le livre est de chiffres
et d'âpres opérations.
Mais l'enfant ne voit
que les souriceaux attablés,
les vélos qui s'élancent
et la balançoire vermillon.
Le calcul viendra plus tard,
l'heure est à la curiosité.
et d'âpres opérations.
Mais l'enfant ne voit
que les souriceaux attablés,
les vélos qui s'élancent
et la balançoire vermillon.
Le calcul viendra plus tard,
l'heure est à la curiosité.
Sourires
Sourires. D'enfants.
Comme des poissons
d'argent derrière
la vitre épaisse.
Danse vive. Harmonie
silencieuse. Courses
soudaines. Le sourire
s'efface et le rire,
espiègle, triomphe.
Comme des poissons
d'argent derrière
la vitre épaisse.
Danse vive. Harmonie
silencieuse. Courses
soudaines. Le sourire
s'efface et le rire,
espiègle, triomphe.
Un panier
Le panier est en osier.
Un torchon à carreaux,
jeté comme une étole,
cache des victuailles
et un carafon. Silence
de l'objet dans l'ombre.
Plus haut, les pages vivent,
dans le mouvement du brasseur.
Peu d'écume, des courants tièdes,
l'envie, sans cesse repoussée,
de saisir le livre et de prendre
ses jambes à son cou, comme pour
voir au dehors, si les histoires
racontées valent la peine d'être
vécues. Un peu, beaucoup, passionnément.
Un torchon à carreaux,
jeté comme une étole,
cache des victuailles
et un carafon. Silence
de l'objet dans l'ombre.
Plus haut, les pages vivent,
dans le mouvement du brasseur.
Peu d'écume, des courants tièdes,
l'envie, sans cesse repoussée,
de saisir le livre et de prendre
ses jambes à son cou, comme pour
voir au dehors, si les histoires
racontées valent la peine d'être
vécues. Un peu, beaucoup, passionnément.
Lecture
Rares sont les passants
et les magasins se vident.
Dans la lumière artificielle
de la bibliothèque, adossés
au mur clair que le soleil
oblique tiédit, des enfants
lisent. Tendre virus qui, un
jour les saisit, pour ne plus
les lâcher. Imagiers, atlas,
livres d'histoire, un monde,
le nôtre, qu'enfiévrés, trop
souvent nous laissons de côté,
en refusant de nous y adosser.
et les magasins se vident.
Dans la lumière artificielle
de la bibliothèque, adossés
au mur clair que le soleil
oblique tiédit, des enfants
lisent. Tendre virus qui, un
jour les saisit, pour ne plus
les lâcher. Imagiers, atlas,
livres d'histoire, un monde,
le nôtre, qu'enfiévrés, trop
souvent nous laissons de côté,
en refusant de nous y adosser.
Attente
Les lèvres sèchent,
la langue attend.
Le sang bat.
Sous elle, un ongle,
verni. Entre elles,
la pulpe vit.
À l'affût, aiguisées,
les dents. Désir sang,
passion salive.
la langue attend.
Le sang bat.
Sous elle, un ongle,
verni. Entre elles,
la pulpe vit.
À l'affût, aiguisées,
les dents. Désir sang,
passion salive.
Une écriture neuve
Une écriture neuve, audacieuse,
un spray de peinture citron, sur
les doigts et dans les yeux,
en courant après avoir crissé sur
le mur. Cette écriture je la porte
en moi mais jamais elle ne se fait
jour, comme si elle avait été demandée
trop tôt ou comme si j'avais mal entendu,
tout à mes marottes du quotidien.
Le Transsibérien roule vers Vladivostok,
dans un fracas d'acier, de glace et de
ballast. Saurais-je y grimper ? D'un coup ?
un spray de peinture citron, sur
les doigts et dans les yeux,
en courant après avoir crissé sur
le mur. Cette écriture je la porte
en moi mais jamais elle ne se fait
jour, comme si elle avait été demandée
trop tôt ou comme si j'avais mal entendu,
tout à mes marottes du quotidien.
Le Transsibérien roule vers Vladivostok,
dans un fracas d'acier, de glace et de
ballast. Saurais-je y grimper ? D'un coup ?
Une petite taupe
à Xavier
Une petite taupe, dans l'herbe
fraîche, sans nulle motte à côté.
Une boule de fourrure brune, avec
un petit nez tout rose. Août luit,
le siècle à deux ans. Téméraire,
mon fils avance, délicatement,
le pied. La petite taupe ne le voit
pas mais, tout à coup, elle se met à
lui grignoter la semelle.
Près de vingt ans ont passé, mon fils
est devenu grand et fort. Il travaille,
souvent dans les chemins de fer
souterrains où les murs sont de suie
terne. J'espère, toujours, qu'un jour
il y croisera une petite taupe curieuse.
Une petite taupe, dans l'herbe
fraîche, sans nulle motte à côté.
Une boule de fourrure brune, avec
un petit nez tout rose. Août luit,
le siècle à deux ans. Téméraire,
mon fils avance, délicatement,
le pied. La petite taupe ne le voit
pas mais, tout à coup, elle se met à
lui grignoter la semelle.
Près de vingt ans ont passé, mon fils
est devenu grand et fort. Il travaille,
souvent dans les chemins de fer
souterrains où les murs sont de suie
terne. J'espère, toujours, qu'un jour
il y croisera une petite taupe curieuse.
La lectrice
C'est une femme usée,
la tête dans un fichu écossais.
Ses épaisses lunettes tiennent
grâce à l'artifice d'un sparadrap.
Il fait chaud mais à aucun moment,
elle ne quitte son lourd manteau.
À ses côtés, une chevelure châtain
dodeline et écoute, captivée. Une
enfant de six ans. Le monde bistre
s'ouvre au gré des pages puis,
soudain, s'obscurcit. La nuit tombe
sur la jungle de papier. L'enfant sourit.
lundi 9 mars 2020
Une brouette et des outils
Il est tôt. La terre meuble
se craquelle déjà sous les
pas. Le soleil se lève, entre
les arbres. Silence du parc
déserté. De rares passants,
les bras chargés de vivres.
Nul jardinier. Et pourtant,
pimpante, dans sa livrée
jaune et verre, une brouette
attend son locataire d'une vie
de travail. J'attends, un brin,
puis je m'en vais. Je verrais
bien un ami poète s'y atteler,
avant de déboiser son humble
villégiature bleue.
se craquelle déjà sous les
pas. Le soleil se lève, entre
les arbres. Silence du parc
déserté. De rares passants,
les bras chargés de vivres.
Nul jardinier. Et pourtant,
pimpante, dans sa livrée
jaune et verre, une brouette
attend son locataire d'une vie
de travail. J'attends, un brin,
puis je m'en vais. Je verrais
bien un ami poète s'y atteler,
avant de déboiser son humble
villégiature bleue.
Ab ovo usque ad mala
A porta tancada, la vida
humana fuig. Supèrbia fugaç
de la torre silenciada.
No serveixen de res els vells
filferros. No vindran lladres.
Creix l'herba entre esquerdes.
Perquè estic pensant en Macià ?
La caseta i l'hortet se n'han anat
i el cel tan blau es beu els murs.
***
Huis clos, la vie des
hommes fuit. Superbe fugace
de la villa forcée au silence.
Ils ne servent à rien, ces vieux
barbelés. Les voleurs ne viendront pas.
L'herbe pousse entre les fissures.
Pourquoi pensé-je au président Macià ?
La petite maison avec son jardinet sont partis
et le ciel si bleu boit les murs.
humana fuig. Supèrbia fugaç
de la torre silenciada.
No serveixen de res els vells
filferros. No vindran lladres.
Creix l'herba entre esquerdes.
Perquè estic pensant en Macià ?
La caseta i l'hortet se n'han anat
i el cel tan blau es beu els murs.
***
Huis clos, la vie des
hommes fuit. Superbe fugace
de la villa forcée au silence.
Ils ne servent à rien, ces vieux
barbelés. Les voleurs ne viendront pas.
L'herbe pousse entre les fissures.
Pourquoi pensé-je au président Macià ?
La petite maison avec son jardinet sont partis
et le ciel si bleu boit les murs.
No he llegit mai / Je n'ai jamais lu
No he llegit mai La hojarasca
i ara la trobo a faltar, mentre
camino lentament pel parc
de la Pegaso. Pàgines volades,
resseques i sepultades ara per
ara, al fons del canalet.
Canten alt els periquitos, buscant
l'amor primaverenc, i els busos
vermells ronquen encegats.
Què seria sense la meva ciutat
de pobles, entre La Sagrera i
Sant Andreu? Passen fugissers
ocells grisencs, sense contestar-me.
La vida fuig dels quaderns i
batega d'amor el meu cor.
***
Je n'ai jamais lu Les feuilles mortes
et à présent elles me manquent, cependant
que je marche lentement dans le parc
Pegaso de Sant Andreu. Pages envolées,
toutes sèches et ensevelies désormais
au fond du petit canal.
Les perruches chantent haut, en quête
de l'amour printanier, et les autobus
rouges ronflent aveuglés.
Que serais-je sans ma ville
de villages, entre La Sagrera et
Sant Andreu ? Je vois passer, en fuite,
des oiseaux grisâtres, qui ne me répondent pas.
La vie fuit les cahiers
et mon cœur bat d'amour.
i ara la trobo a faltar, mentre
camino lentament pel parc
de la Pegaso. Pàgines volades,
resseques i sepultades ara per
ara, al fons del canalet.
Canten alt els periquitos, buscant
l'amor primaverenc, i els busos
vermells ronquen encegats.
Què seria sense la meva ciutat
de pobles, entre La Sagrera i
Sant Andreu? Passen fugissers
ocells grisencs, sense contestar-me.
La vida fuig dels quaderns i
batega d'amor el meu cor.
***
Je n'ai jamais lu Les feuilles mortes
et à présent elles me manquent, cependant
que je marche lentement dans le parc
Pegaso de Sant Andreu. Pages envolées,
toutes sèches et ensevelies désormais
au fond du petit canal.
Les perruches chantent haut, en quête
de l'amour printanier, et les autobus
rouges ronflent aveuglés.
Que serais-je sans ma ville
de villages, entre La Sagrera et
Sant Andreu ? Je vois passer, en fuite,
des oiseaux grisâtres, qui ne me répondent pas.
La vie fuit les cahiers
et mon cœur bat d'amour.
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