vendredi 20 juillet 2018

Coins de rue

J'aime les coins de rue,
depuis toujours ou presque.

Je n'avais pas huit ans,
les copains m'apprenaient

le vélo d'une grande bourrade
dans le dos et je tournais,

tournais sans m'arrêter, comptant
à haute voix les coins de rue

traversés jusqu'au choc inévitable
avec une ménagère aux bras chargés.

Mais c'est à Barcelone que la passion
s'en est ancrée. Dans mes longues

promenades dans les rues, crayon en main.
Je voulais comprendre pourquoi une héroïne

de Juan Marsé, aux cheveux de feu, subsistait
dans le souvenir des enfants devenus vieux

comme le soleil tiède de leurs coins de rue.
Alors je suis allé de café en café, coin de rue

après coin de rue, entamant le matin d'un café
court et d'un petit sandwich au boudin blanc.

J'y ai tracé de nombreux écrits, sur des nappes 
en papier d'abord, puis sur le clavier fidèle

de mes petits ordinateurs portables. J'y ai parlé
d'amour, je l'ai rêvé, puis l'ai vécu, à cloche-pied,

le cœur dans les étoiles et la main sur le papier
jauni des romans de ma lointaine jeunesse.