à Lionel qui me fit une promesse
que je n'oublie pas
Il est à Barcelone un quartier humble
aux limites mal définies et au nombre
de divisions incertaines. Son nom dit
qu'elles sont neuf mais, dès le début,
elles furent treize. J'aime m'y rendre,
logeant, en ses marges, dans un hôtel
minable que je quitte dès que la rue
m'appelle, comme en ce jour de février,
voici plusieurs années, où le carnaval
des enfants de Porta me tira du sommeil,
à dix-huit heures précises. On y parle
castillan, les marchés sont serrés et
les coins de rue fourmillent de vendeurs
aux produits improbables. Pour l'embrasser
d'un seul trajet, on joue au funambule sur
les huit couloirs des voies rapides au trafic
étourdissant comme des gongs. Quand les pieds
fatiguent et que l'on monte haut, le bâti
s'effiloche et les herbes sèches craquent sous
les pas. Nul crucifix à son sommet, ni calvaire.
Ne les cherchez pas. S'il existe, Dieu se cache
dans les étroits cafés qui sentent le vin et l'huile
de friture. La vierge des douleurs tient boutique
de confection et les angelots espiègles font les poches
aux touristes égarés. Si Mandiargues revenait, il y
déplacerait son Sigismond de malheur et, de Montherlant,
la petite Infante de Castille s'y peindrait les ongles en violet.