à J et A, à leurs pères surtout
Ils ont choisi de se retrouver un lundi,
non pas au soleil mais dans l'ombre anisée.
Une durable amitié les unit, de notes et de
bons mots, née au terme de l'adolescence et,
depuis, patiemment cultivée.Les heures avancent,
les voix se cassent au rauque dans les souvenirs
évoqués. Ils ont perdu leur père, tous deux, à si peu
de distance, alors que, pour eux, le siècle en deux
s'était fendu. Les pères s'estimaient sans jamais se le
dire, dans une station balnéaire où les rails, brusquement,
s'élargissaient. Des oranges aux poupées, des guitares aux
colifichets, le commerce les réunissait, au doux son de la
pascaline et des taxes assujetties. L'un était de la ville
des volcans, l'autre de la capitale du vin. Ils avaient alors
fière allure et le cheveu si brun. L'été les halait, derrière
les lunettes noires, l'un à la caserne, l'autre dans la
maison en courbe. Les fils s'en souviennent et leur rendent
hommage, au douanier et au transitaire, épris d'absolu,
les yeux tournés au matin vers ce rayon vert illusoire
que, depuis, les fils, appariés, ne cessent de s'échanger.