«Tandis que sous le pont de nos bras passe...»
L'avenue n'était plus qu'un torrent.
De terre, d'eau et de branchages.
Nous longions le parc vide et sombre
qui vomissait des flots informes.
Nos pieds se glaçaient et entravaient
notre marche rapide, tête basse.
Je te suivais. Tu te jetas sur la gauche,
manquant me renverser, tu me retins et
me souris. L'eau ruisselait dans tes cheveux
et sur ton visage. Tu étais belle, joyeuse.
Tu n'avais cure des intempéries et tu poussais
déjà la porte. L'orage étouffa le tintement
des clochettes. La patronne te reconnut et te
fit bonne chère. Nous déjeunâmes de panisse
frite et de chaussons farcis. Nous étions tout
près l'un de l'autre, silencieux. Je sus à ce
moment précis que l'eau boueuse était lustrale
et que les branchages nous tressaient couronne.
Tu étais entrée en moi, définitivement, et la pluie
se fit manne céleste, au zénith de nos vies.