à I., lycéenne
Qu'importent les marées
qui, lentement, les nettoyaient,
les plages s'en sont allées
devant l'hiver et leurs paillettes
ternissent sous la brume et le vol
gris des mouettes affamées.
Penchée sur l'écritoire, à quelques
heures des vacances, une élève cherche
l'inspiration et, peu à peu, son index
bleuit du contact de la plume bon marché.
La page est blanche, tirant sur le gris,
par l'imparfaite magie du recyclage.
La lycéenne force sa vue et, derrière les
portées bleues encadrées de rouge clair,
elle distingue les fibres minuscules d'un
papier qui fut, il y a si longtemps, branche,
tronc, ramure. Et, de proche en proche, oubliant
le devoir, elle retrouve sa plage océane
aux premières heures du jour de la Saint-Jean.
Le sable vierge où nul pas n'a déposé un peu
de sa précieuse existence. Mais, bien loin
d'y demeurer et de s'y assoupir, elle revient
brusquement à Montaigne citant Juvénal :
«Non, je ne voudrais point à ce prix-là tout
le sable du Tage, avec l'or qu'il porte à l'Océan.»
La page oubliée, le devoir, rapidement se compose
et ce boloss de Montaigne de surfer avec ses classiques.