C'était une belle poire.
Renflée, lourde dans
la main.
Son pédoncule court,
ligneux, invitait, d'un coup,
bref, à l'équeuter.
Je n'en fis rien, jouissant
de son poids dans la paume
et sentant, sous mes doigts,
sa peau comme un cuir fin,
élégant, un poil desséché par
l'abandon sur un coin de table.
Des secondes passèrent et je
revis l'histoire de mes jours
passés à cueillir d'infimes
détails du quotidien et à me
préparer à les oublier, n'était
l'appel du poème.
Sans la peler, je me décidai
enfin à la mordre, à l'inciser,
puis à me gorger de sa chair
ferme et douceâtre. Ce furent
des moments intenses, libre
action de grâce à la vie.