L'épi s'éveille et soutient le regard du soleil.
Il est fier et svelte. Il veut toucher le ciel de ses fines arêtes.
Et il défie de son corps altier la brise qui le berce.
Il se laisse écheveler un brin, juste pour attirer le regard des coquelicots.
L'épi se sent beau. Il sait qu'il peut rendre amoureux.
Et il voit ses compagnons, le corps courbé,
la tige fatiguée, le regard bas sur le sol desséché.
Et alors, son mépris le hérisse.
Il sait qu'il est différent. Unique parmi les blés.
Mais l'épi ignore ce qui fait plier les autres.
Ce n'est pas l'orgueil blessé ni la fausse modestie
mais le poids de leurs entrailles farcies de grain mûr.
Et dans la vacuité de son éternelle arrogance,
l'épi continuera de dominer du regard un champ entier
qui finira par ignorer sa présence altière
jusqu'au jour de la moisson.
© Roser Blàzquez Gómez, traduit du catalan
par Michel Bourret Guasteví