samedi 4 avril 2015

Menorca. Des de la gandula / Minorque. Depuis ta chaise-longue

La meva àvia Antònia m'acompanya en silenci,
des d'un dia de la mare llunyà. Parlava poc
rere les ulleres fosques. Era fina i elegant,
li endevinava un secret, el secret del silenci.

Es passava hores a la gandula, estalviant les poques
forces que li quedaven. No ho sabia, no tenia deu anys.
Funàmbul entre els cinquanta i els seixanta, la torno
a interrogar: «-Mamie, parle-moi, s'il te plaît...»

Dintre d'un mes, tornaré a s'illa teva, tot just cent anys
després del teu debut com a mestra d'escoletes a l'actual
mercat des claustre de Maó. Sorties amb el pare i ton germà
petit. Feieu dibuixos del paisatge amb carbonet i llapisos

de color. Un dia, te'n vas anar de s'illa i no hi tornaries mai.
Quaranta-quatre anys allunyada de ta terra. Quaranta-quatre anys
de pèrdues i paraules renovades. Rallaves maonès. A poc a poc
et vas posar a parlar el rossellonès saborós del cafè, barrejat

de francès amb un pessic d'occità. Vas deixar de pintar. Mai em vas parlar
del teu petit paradís que coneixeria més tard. Massa tard. Sense tu.
Sense el conco Gumersind que em va guiar les passes per la llengua. Teva.
Seva. Nostra.

***

Ma grand-mère Antoinette m'accompagne en silence
depuis une lointaine fête des mères. Elle parlait peu
derrière ses lunettes fumées. Elle était fine et élégante,
je devinais qu'elle avait un secret, le secret du silence.

Elle passait des heures sur une chaise-longue, économisant le peu
de forces qui lui restaient. Je ne le savais pas, je n'avais pas dix ans.
Funambule entre cinquante et soixante ans, je reviens à la charge
et l'interroge : «-Mamie, parle-moi, s'il te plaît...»

Dans un mois, je reviendrai à ton île, tout juste cent ans
après tes débuts d'institutrice de maternelle dans ce qui est devenu
le marché du Cloître de Mahon. Tu sortais avec ton père et ton frère
cadet. Vous faisiez des dessins du paysage au fusain et avec des crayons

de couleur. Un jour. Tu es partie de l'île pour ne plus jamais y revenir.
Quarante-quatre ans éloignée de ta terre. Quarante-quatre ans
de pertes et de mots renouvelés. Tu parlais mahonnais. Peu à peu
tu t'es mise à parler le roussillonnais savoureux du café, mâtiné

de français avec une pointe d'occitan. Tu as cessé de peindre. Tu ne m'as jamais parlé
de ton petit paradis que je connaîtrais plus tard. Trop tard. Sans toi.
Sans tonton Sindo qui as guidé mes pas dans la langue. La tienne.
La sienne. La nôtre.