Je n'ai jamais vu les yeux de la maîtresse
qui m'apprenait à lire, pas plus que ceux
de mon père qui m'y avait invité beaucoup
plus tôt, dans le lit du dimanche, avec Mamadou
et Bineta mes inventeurs de monde.
Et voici que j'apprends à lire dans tes yeux
les mots d'un funambule des immensités glacées.
Les sons dansent, des ponts se tendent, le sens
s'éclaire de ce qui n'était juste là que des
métaphores absconses ou lointaines.
Je ne bouge ni ne cille, tout au ballet de ton regard
qui brise la caméra pour m'en aller quérir comme on
saisit le poussin tiède entre deux doigts dans un trou
du grillage. Deux minutes s'écoulent et tu n'es plus là
mais l'écran noir est l'encre permanente où les lettres
se suspendent patiemment, laborieusement, de bâton en cursive.
Il faudra bien des séances, des doutes et des redites mais
je finirai bien par lire. Ici bas, par delà le bien et le mal.