vendredi 29 juillet 2016

Ma mère, au matin

«Si par une nuit froide et bleue de décembre».

Les mots glissent entre mes doigts lorsque
l'émotion me prend, alors je me raccroche

aux classiques, mes amis. Apollinaire, Éluard,
Nerval et ici Baudelaire. Comment exprimer

ce que les jours avalent, un sourire plein mais
dont la trace laissée est moindre encore que le pas

harassé de Bill, mon ancien escargot ? Journée, après
journée, en servante fidèle, dans sa robe de chambre

carmin, ma mère s'est levée pour préparer le déjeuner,
les médecines, de délicates attentions, pour son compagnon

silencieux. Il est un peu plus loin désormais. Un peu, c'est
tout, et je songe aux matins qui s'ouvrent dès lors, semblables

et différents. Toute une vie de service, jamais ou si peu reconnu.
Il est temps de lui rendre hommage. Je sais mon tendre frère

à ses côtés qui lui propose le pain et le café brûlant et sa main
pour la guider dans ce monde dont elle avait fini par oublier le prix.