lundi 22 avril 2024

LE MÉTRO


Empreintes
Impressions d'un passé sur les mêmes lieux
Marques du temps
Traces de polymère, de vernis, de plexiglas, de cuir
Vestiges récents de chaussure usée
Espadrilles nomades
Sandales poussiéreuses
Tennis bohémiennes, trésors !
Têtues et obstinées
les chaussures nous poussent vers les wagons
et pleines de désirs nous conduisent, cabochardes
Entre des veines parallèles, artifices et voies mortes

II
Cothurnes en file
Quais fatigués de la monotone routine
Fourgons somnambules pleins de pieds anesthésiés
Comme des âmes effrayées prises au piège de l'inertie
Véloce
Les entassant dans des tunnels
Fuyant les dénivellements
Ennuyeuse mesure
Tchou-tchou
Tchou-tchou
Tchou-tchou

III
Chaussures neuves
Empreintes futures pour les vieilles voies ferrées
Des traits qui deviendront de la poussières de voies urbaines souterraines
Galeries du destin
Qui sait ?
Sentiers de vie
Traces de pas effacées par des silences
Et cette odeur de goudron

IV
Locomotives, fourgons, convois
Escaliers mécaniques
Tunnels
Rats et grillons
Obscurités soudain illuminées
Oreilles surprises par des ténors anonymes
Sopranos ignorées
Guitares et saxos
Orchestre de chambre sans concertino
(groupes interchangeables)
Hasard d'une connaissance qui nous salue
Solitudes saisissantes
Yeux d'enfant qui demandent à manger
D'un s'il vous plaît insensé
Croches, doubles croches
Clés de fa sans sol

V
Chaussures
Chaussures muettes, rythmiques ou lentes
Bottines usées supportant les genoux
Cors de pieds vieillis par les cahots de la vie
Hanches de vieilles nourries d'ostéoporose
Râleuses cannes de vieux méfiants
Chaussures sur les quais
et cette odeur de goudron

Rosa Miró, traduit du valencien
par Michel Bourret Guasteví