vendredi 26 avril 2024

LE MODÉLISTE FERROVIAIRE

Je me suis assis sur la voie rouillée
Pour apercevoir le vieux train à vapeur
Je jouissais de la paix des dimanches de novembre
J'attendais avec délice le bruit des cahots du vieux rossignol
Je me suis assis pendant que j'attendais l'antique convoi
Pour ressentir la vibration dans mes fesses
et ne pas bouger d'un iota jusqu'à ce qu'il m'arrive dessus
De loin je distinguais la vétuste locomotive
Ses ahanements me rendaient impatient
Ils comprenaient ma contemplation extatique, moi hypnotisé

Antiques voies, enveloppées doxyde
(fer en harmonieuse esthétique en plein champ de novembre)
Menaient à des lieux de rêve
Séduisaient un voyage, loin, proche, ici, là
Trajets en train pour amoureux
Jeunes toi et moi
Quelle joie !

Entouré de pampres aux tonalités ocre
J'observais l'ancien caroubier
Le temps le mangeait de son ver insidieux
L'étouffant depuis la souche
Hydropique, il restait fier malgré la sécheresse
Enorgueilli par le présent à la nature dans une embrassade éternelle au fils
Corps jeune, rejet de l'amour, par le côté droit du tronc vermoulu
Avant de se dessécher à jamais.

J'ai redressé mes pensées
Muet et joyeux comme un gamin
Il arrivait, il était déjà là
Je suis monté dans le train à vapeur
De la fenêtre du wagon j'ai dit au-revoir
au caroubier père et grand-père
Derrière la vitre il ne ressemblait pas un tronc à bout de souffle
Mais plutôt à Vénus. À une vestale.

Ensuite, bercé par les voies du chemin de fer
Je me suis endormi jusqu'à la fin du trajet
Et j'ai rêvé de toi et de moi.
En pleine jeunesse tous les deux
Quelle joie !

Rosa Miró Pons, traduit du valencien
par Michel Bourret Guasteví