lundi 6 mars 2017

Je sème à tout vent ? Non, vous.

Elle aime ouvrir son dictionnaire
quand le doute la prend, par jeu
ou par plaisir. Quand l'ami, étourdi

par la course des doigts, glisse sur
le clavier, amputant un mot ou lui
faisant un faux nez de carton.

Le «grain», au terme d'une métathèse
de danseuse, d'un petit entrechat,
devient «garin», jouant de paronymie

avec le «tarin» des comiques. Il est 
tard, il est tôt. L'aurore manque encore
à l'appel, le dictionnaire est refermé.

Il s'est refroidi, sans les doigts de
mon amie. Alors je convoque, en silence,
Pierre, Émile et Paul, ces grands

compositeurs, ainsi que Félix auquel je
consacrerai bientôt quelques vers, et je
leur demande de peupler d'oiseaux, au cri

bref d'angélus et de mâtines, les pages
serrées de son dictionnaire afin qu'au réveil,
quand mes doigts, nolens volens, auront glissé,

par jeu ou par maladresse, elle ensemence le monde,
de ses mots à nul autre pareils, et qu'elle m'enseigne,
le temps que ça dure, le sens que j'espérais trouver.