samedi 4 mars 2017

Une botte de radis

mil neuf cent quarante-huit,
la guerre colle encore aux
semelles de bois.

Mes parents marchent lentement
dans les rues de l'Ange et de
l'Enfer. Non loin, la tante 
veille,

duègne imparable, que la vie
a remisée. Ils se frôlent,
parlent bas. Fiancés de l'an
II, 

ils tiennent à la main un bouquet.
Ni de roses, ni de renoncules.
Des radis ronds en botte, parmi
les fanes grasses.

Et ils égrènent le temps de la course
petite en les croquant, craquants,
tantôt l'une, tantôt l'autre.
Pour mon père,

élevé dans l'encens et la honte des
corps, ces radis ont la fraîcheur
du péché. Ma mère ne dit mot.
Son cœur déjà à lui.