mardi 30 avril 2024

LA VALLÉE DU CIEL ROUGEOYANT

Le jour prend le soleil du firmament
et y dessine des couleurs incendiées,
comme des flammes battant au ciel rougeoyant,
qui parcourt ton corps de fils de lumière.
Sur le cadre infini de l’horizon,
un rai de feu se baigne dans le reflet
qui découpe les ombres de ton corps,
et se grave dans le souvenir impatient
que je languirai jusqu’à la fin du jour.
Avec chaque geste, tu prends la forme au paysage
et saupoudres de beauté tout l’alentour,
jusqu’à te faire d’air, de terre et de soleil.

Lluís Bosch, traduit du catalan
par Michel Bourret Guasteví

Comme un verre de grains

Laisse-moi dessiner
sur la feuille livide
le goût de tes baisers,
la porte refermée.

Laisse-moi y suspendre
tes boucles argentées,
filant entre les doigts
comme un verre de grains.

Laisse-moi y mêler
ma salive du soir,
les vers d'une journée
passée à te bercer.

Le son du silence

J'ai eu peur du silence,
tombant avec le soir,
puis je l'ai écouté,
en cessant de marcher.

Il avait un son grave,
limpide et continu,
comme un ruisseau de sang,
au sortir d'une plaie.

Ce silence du soir,
que j'écoutai longtemps,
me conduisait à vivre
l'absence de l'aimée.

À travers le hublot

Bien visser le hublot,
pour garder le désir,
dans le rond de couleur
qui bat sans mouvement.

C'est l'ombre qui se pose,
sans tête et toute main,
vers le corps alangui
qui rosit de la scène.

La femme au sein unique.
Gestation allaitante.
L'orange est son enfant
qui attend le lecteur.















© Odile Marot

Pour signer le tableau

Paysage écriture.
Le visage est griffure,
sur la toile tendue.

L'ombre est un regard
et la bouche une tombe
que sauvent les pommettes.

Coulures du dessus.
La pâle transcendance
qui sauve le regard.

La gauche du tableau,
la droite du visage.
Pourquoi tant de souffrance ?

Le nez est ramassé,
la moustache gendarme.
...Pour signer le tableau.














© Odile Marot

Aux confins de la ville

Il est une maison,
aux murs de pierre beige,
qui s'élève sereine,
aux confins de la ville.

Son bas est de cristal,
de fenêtres de verre,
fermé aux vents de l'ouest
et aux bruits du passé.

Sous les tuiles du toit,
est un appartement
qui attend le repos
après des mois de guerre.

Une écharpe d'espoir

Traduire les silences,
les silences des vers. 
Regarder scintiller
les mots qui s'y accrochent.

Caresser de la main
le gras de leur présence
et remercier le temps
qui ne les ôte pas.

Le silence est mesure,
qui échappe à la langue
pour tendre au traducteur 
une écharpe d'espoir.

Une barque fine

Mon port n'a qu'une barque.
Une barque petite,
amarrée au quai sud.

C'est une barque fine 
qui fend l'encre des eaux
les nuits de pleine lune.

Sans voile ni moteur,
elle glisse tout bas
son profil argenté.

Quant elle revient à l'aube,
chargée de poissons gris,
elle s'amarre et attend.

J'ai une barque fine
qui sort les nuits d'argent
et revient le matin.

lundi 29 avril 2024

Pluie

La pluie est sur la ville,
qui ferme les maisons.

La pluie est dans les rues
qui gonfle les ruisseaux.

La pluie est dans mon cœur
qui vous écrit ces mots.

La veu de Caterina

Sortit de la conversa,
un galàpat ben gros.
Un gripau de paper
vingut de la infantesa.

Calor de la vetllada,
en torn de l'editora.
La veu de Caterina
platicant amb escoltes.

Una hora i mitja llarga
per un segle d'escrits.
Lectures entusiastes
amb sengles diccionaris.



 

Il y avait tes cheveux...

Il y avait tes cheveux,
sous la pluie ce soir-là.
La lumière était faible,
le pavé était gras.

La rue était déserte,
il n'y avait que nous,
tu marchais sans lunettes
et je te regardais.

Il y avait tes cheveux,
sous la pluie ce soir-là.
Et bien peu de poètes
pour t'en parler tout bas.

À CONTRE JOUR

Tu as oublié, comme un sceau de feu,

ton image imprimée sur mes yeux,

et un bout de ciel languit les morceaux

de toi que tu as parsemés sur la plaine.

L’esprit allume des parfums parmi les coins

invisibles qui languissent tes pas

et tu raccourcis tous les vides que tu as emportés

derrière le soir flamboyant qui s’est tu.

Le silence se respire dans le repos

d’un rai de lumière qui se cache parmi les nuages,

et tu prends le nom de chaque chose vue,

jusqu’à en faire la proie aimable de mes jours.

Et tandis que l’air peint encore le sourd

battement lointain qui emplissait ton souffle,

je me demande où s’en vont les choses vues,

quand tu me noies de lumière avec ces yeux.


Lluís Bosch, traduit du catalan

par Michel Bourret Guasteví


PLUIE FINE

Tous ces arbres qui bordent la rivière.
Toute cette eau qui défile interminable.
Et cette pluie qui prend terre sans pause.

Tout ce temps que j'ai marché sans m'arrêter.
Ces petits trous que j'ai fendus peu à peu sur le sable,
le sable trempé sur lequel j'ai gravé ces lignes
faites de points déconnectés mais inséparables,
traits sinueux tels des profils de silhouettes
que seul le temps saura comprendre entièrement
quand, avec patience,
cette pluie fine tenace et aimable
fera comme il faut quand il faut et où il faut

le travail propre.

Esteve Miralles, traduit du catalan
par Michel Bourret Guasteví. 



Ulfmanització

El dit i la mà
que surten del no-res,
de darrere la tela,
on bat un cor modest.

El cap de l'obra viva
es mou cap a la dreta,
com defugint la sort
dels auguris celestes.

La veu és un somriure
del sintetitzador,
amb el compàs excels
d'un demiürg dels sons.














© Joseph Maureso

POÈME INACHEVÉ

Des draps battant au vent
des marchés immobiles
de sinueux raccourcis
des mouvements inquiets,
des reliefs de repas
des indices d'ombre.
De curieuses excentricités
des plissements de terre
des papiroflexies diverses
des coups de carton,
des rides syncopées
des pays exténuants
des changements de temps,
pes presse-purée en acier,
des choses dans l'armoire.
De curieux raccourcis
des mouvements de tête
de sinueuses excentricités
des remèdes anciens
des draps battant au vent...

Jordi Tolosa
, traduit du catalan
par Michel Bourret Guasteví

Uníson

A la Teresa i a l'André

Qui diu que les monedes
tenen cares distintes ?
Són del mateix metall
amb traços diferents.

Tinc amics activistes
que parlen amb passió
per presentar al món
les arts en dues llengües.

Uns Janus somrients,
sense gens d'amargor.
Dues veus ajuntades
component a l'uníson.



Aiguatge

Mullena de les plantes
Serenor del matí.
La mà d'un déu esquerp
per les terres eixorques.

Ja xiuxiuegen totes,
les fulles amb les flors,
unes converses plenes
de somnis de la nit.

Aigualera sensible
que teixeix entre dies
la tela del desig
amb els fils de l'enyor.

Una aposta arriscada

Una aposta arriscada...
Vas sembrar amb passió,
al si de primavera
els pebres i els tomàtics.

Aposta de verdor,
al si de la sequera.
El tribut d'un somriure
a la terra dels avis.

Una aposta agraïda...
Ja creixen les promeses
d'amanides, perols,
salses i sofregits. 














© Tomeu Pons

Trois rhapsodes au Treize

La porte s'est fermée
sur les bruits de la rue.
Entre les toiles cultes,
les livres vont parler.

Les reliures cassées,
les feuilles prennent voix
de trois rhapsodes nés
pour enchanter leur monde.

Bien avant le vin frais,
et la saucisse au riz,
les bouches se remplissent
des mots de la tribu.

Les langues se rencontrent
devant l'amphithéâtre
de chaises disposées 
en forme de calanque.

Le sel est sur les doigts
qui cherchent dans les pages
le souvenir perdu
des mers de leur enfance.












©  Joseph Maureso

Cocons

Entre les roques dures
de la tendra Menorca,
els plors del temporal
han deixat uns tolls nus.

La Mar Morta en petit,
sens el desert d'arena.
Un licor bressolat
pel guergal sota el sol.

Allà neixen diamants
per als perols del vespre.
Les mans dels caminants
ja n'omplen els rebosts.

Chansons marines

C'est la danse des draps,
les voiliers de toujours.
Les cuisses sont des coques
et les bras sont des mâts.

La mer est d'air tiédi
et les caps se combinent.
Qui croit toucher une île,
repart vers l'horizon.

Un océan de songes
qui soudain se rencontrent.
Quand la nuit est d'ébène,
la boussole scintille.

La paix est revenue,
les voiles affalées.
C'est sur une mer d'huile
que naissent les chansons.

dimanche 28 avril 2024

NÉNUPHARS

Coupures de journal intime


16 janvier


Aujourd’hui il faisait très froid et je suis allé au bassin.

«Où êtes vous, Nénuphars, maintenant que l’hiver me glace ?

Je suis très triste et je veux pleurer mes larmes

dans votre calice.

Quand le printemps commencera-t-il à s’enfanter

Je soupire en l'air et je tremble de résignation,

«Sans vos odeurs,

je ne puis que flairer le silence

et au dehors tout est un désert d’eau».

*




Glòria Bassols i Compte, traduit du catalan

par Michel Bourret Guasteví

CHÈRE MER D’AMONT

Je me réveille sur ton flanc.

L’éternel refuge où est de sel l’aimant de l’amour,


                déchaussée et nue, pour toi.


Oh, divin moment qui n’a de nom ni de raison !

Les ber-sages qui m’amalgament en toi,

tombe et autel de l’anthologie inquiète,

morceau si fort de mon emboîtement,

                                                                soutien pléthorique,

berceau et catapulte, systole et diastole.

Repos râblé.


Glòria Bassols i Compte, traduit du catalan

par Michel Bourret Guasteví

Blavor

Blavor dels pensaments
que neixen a la nit,
quan els llaüts s'adormen
al fil de l'horitzó.

Taupe

Promesse d'un banquet :
écrire sur la taupe
célébrée par Joseph.

La sage souterraine
aux poils ébouriffés
pour circuler à l'aise.

Et mieux qu'à Villeneuve,
un golf à mille trous
pour le prix d'un kopek.

Cuisinière

À Béatrice et André,
et à nous tous, Treizistes

Pendant que, dans la salle,
les propos prennent fin,
dans son coin, à l'étage,
tiédit la cuisinière.

Un monstre débonnaire
de kilos et d'inox,
veillé par la bouteille 
au charme vermillon.

L'odeur qui flotte encore
en signe la passion :
brûler jusqu'à s'éteindre
pour complaire aux convives.

De Prévert l'inventaire
du fils d'un bon boucher,
elle est pièce de choix
qui ferme la cuisine.

Je lui ai rendu hommage,
voici cinq ou six heures,
promettant à l'envi
de lui dédier ces vers.

La nuit s'est refermée
sur le cube d'acier.
Je le sens qui ronronne
d'un plaisir enfantin.

samedi 27 avril 2024

NUITS DE PLEINE LUNE

Étendue dans l’ombre épaisse de la nuit

l’aveuglante vision d’un corps

traversait les coins inexplorés

de nuages dessinés avec de la poussière de marbre.

Entourée par l’air qui t’endort,

tu réveillais l’impulsion lointaine d’un corps,

pour te faire lumière au rythme de son nom.

Tu savourais la chaleur sur la peau

et le parfum des cheveux abandonnés

que convoitait la saveur charnue des lèvres.

Quand tu revenais au vide des absences,

la nuit pleuvait des cristaux parfumés

avec un goût de pleine lune.

Liés au ciel immense, nous nous demandions

si nous avions outrepassé nos limites.


Lluís Bosch, traduit du catalan

par Michel Bourret Guasteví


C’ÉTAIT LA RAME AMOUR

C’était la rame amour.

Le chemin sans chemin,

entre le fleuretage du soleil

et la mer nous désagrégeant.


L’insaisissable mourir

d’un souvenir perdu

et tous les honneurs dans l’or

d’une paix en flammes.


Le regard et rien d’autres

où s’estompe le jour

fuyante jeunesse

de la lumière même.


L’escorte du cœur

était guidée par le couchant

et le tour suivant

était déjà fécond dans la nuit.


Glòria Bassols i Compte, traduit du catalan

par Michel Bourret Guasteví

Una gota rosada

De les flors del passat,
he tret una rosella,
una gota rosada
entre les meves pàgines.

Un punt de llibre antic,
marcant un vers amat:
«L'amor color de blat»
caminant per la costa.

He deixat la rosella
besant el vers sagrat
i he guardat el llibre
a dalt dels meus records.

Tétra

Et j'ai cherché

dans la pluie claire

quatre syllabes

pour faire un vers.

vendredi 26 avril 2024

À L'OMBRE DES ÉTOILES

Le temps s’arrête aux marges de la nuit,
et entre toi et moi, le ciel se fait si grand,
que tout le hasard s’abandonne au soupir
inquiétant enflammé par le pleur des nuages.
Tandis que la pluie s’emplit du battement
occulte de ton souffle, j’aperçois le vol
muet et éteint des images orphelines
étendues sur un voile doré de regrets,
et à chaque pas, la plaine dévêt
les souvenirs qui défont le charme vécu
dans la mémoire fugace des jours.
La nuit tombera sur ta robe de sommeil,
comme poudre de givre enflammée par la lune.
Quand l’aube t’ennoblira de parfums,
j’écrirai des vers muets sur tes rêves.

Lluís Bosch, traduit du catalan
par Michel Bourret Guasteví

À L’OMBRE CLAIRE DU TAMARIS

À l’ombre claire du Tamaris

il y a une mémoire d’autres soleils...


À l’ombre claire du Tamaris

un cœur lacéré s’y incline,

inséré entre les lézardes

de quelque amuïssement translucide.


Vertu à crinière de feuilles,

rosé appât pour le navire

d’une blessure bien ancrée.


Si végétale guérison

à l’ombre claire du Tamaris.


Glòria Bassols i Compte, traduit du catalan

par Michel Bourret Guasteví

COMME UN KIOSQUE DE PLAGE EN HIVER

Comme un kiosque de plage en hiver
Abandonné au libre arbitre des pluies
Je fais des inventaires
D'amours, de sexe, de nuits luxurieuses
De mots, de voyages, de joies
De frayeurs, de lèvres mordues, de silences
De larmes ravalées, de paroles non dites
de paroles de reproches, de paroles tendres
De paroles interdites, de paroles misérables
De paroles chaudes et de paroles de mer
Comme un kiosque de plage en hiver
Je m'abandonne alanguie à ton désir
À tes mots salvateurs
Lointains, au rythme de la distance
Comme un kiosque de plage en hiver
Je rêve au soleil de la rencontre
Un jour imaginaire, peut-être

Rosa Miró Pons, traduit du valencien
par Michel Bourret Guasteví

MARE VERSUUM

La maîtresse disait toujours qu'il fallait transformer
Les larmes en vers
Mais, il y a des jours chargés d'impossibilités
et tu vas vers la digue où habitent les chats
Les doigts sur l'horizon tu comptes les syllabes
De tes yeux jaillit le poème
Tu vas vers la plage
Sur le sable tu écris son nom
Sur le sable tu écris désir
Sur le sable tu écris
Sur le sable tu enterres tes pieds nus
Tu cries son nom
Tandis que ton cœur fuit derrière le mot

Rosa Miró Pons, traduit du valencien
par Michel Bourret Guasteví

LE MODÉLISTE FERROVIAIRE

Je me suis assis sur la voie rouillée
Pour apercevoir le vieux train à vapeur
Je jouissais de la paix des dimanches de novembre
J'attendais avec délice le bruit des cahots du vieux rossignol
Je me suis assis pendant que j'attendais l'antique convoi
Pour ressentir la vibration dans mes fesses
et ne pas bouger d'un iota jusqu'à ce qu'il m'arrive dessus
De loin je distinguais la vétuste locomotive
Ses ahanements me rendaient impatient
Ils comprenaient ma contemplation extatique, moi hypnotisé

Antiques voies, enveloppées doxyde
(fer en harmonieuse esthétique en plein champ de novembre)
Menaient à des lieux de rêve
Séduisaient un voyage, loin, proche, ici, là
Trajets en train pour amoureux
Jeunes toi et moi
Quelle joie !

Entouré de pampres aux tonalités ocre
J'observais l'ancien caroubier
Le temps le mangeait de son ver insidieux
L'étouffant depuis la souche
Hydropique, il restait fier malgré la sécheresse
Enorgueilli par le présent à la nature dans une embrassade éternelle au fils
Corps jeune, rejet de l'amour, par le côté droit du tronc vermoulu
Avant de se dessécher à jamais.

J'ai redressé mes pensées
Muet et joyeux comme un gamin
Il arrivait, il était déjà là
Je suis monté dans le train à vapeur
De la fenêtre du wagon j'ai dit au-revoir
au caroubier père et grand-père
Derrière la vitre il ne ressemblait pas un tronc à bout de souffle
Mais plutôt à Vénus. À une vestale.

Ensuite, bercé par les voies du chemin de fer
Je me suis endormi jusqu'à la fin du trajet
Et j'ai rêvé de toi et de moi.
En pleine jeunesse tous les deux
Quelle joie !

Rosa Miró Pons, traduit du valencien
par Michel Bourret Guasteví


BAINS DE BLEU

Je peux nager dans des mers et des cieux.

                                                                   Mandalas de calme bleu nuit



—fuites d’une palette de frénésie tonale, de bleuets,

de latences abyssales qui sont des banquets et qui sont de la soie.






Il est gentil d’accepter l’océanique mesure

qui nous baigne de bleu désir.


Glòria Bassols i Compte, traduit du catalan

par Michel Bourret Guasteví


L'estel de la Sira

Cling... Cling... Cling...
Quin és aquest sorollet
que desperta la Sira ? 

És el clip dels cabells,
avorrit a la taula,
que ha pujat al cel...

...al cel, vull dir al sostre
per retrobar estrelles
i llunes de paper.

Tan blau com és el clip
amb l'estel envernissat
ha volgut vetllar a dalt

sobre la nena preciosa...



jeudi 25 avril 2024

Apoésie brute

Et j'ai laissé entrer
en moi les mots des autres,
le parfum de leurs roses,
les rythmes de leur vers.

J'ai délaissé les miens
pour traduire les leurs,
troquant la poésie
pour l'apoésie brute.

On me croit généreux,
je ne suis qu'une éponge,
qui se gonfle à l'envie
pour écrire la nuit.

OMBRES DU SOIR VENU

«Promets-moi d'avoir soif toute la vie»,
m'as-tu dit avec tes yeux craintifs comptant les heures muettes.
Essayons encore de vivre dans l'incertitude
de ce moment comme un grand bal d'images
entassées comme des feuilles d'arbre.
Les nuages, ton corps entier, la danse
de lumière de ta silhouette dans le soir qui tombe
rendra impossible tout discours construit.
Je partage ma vie avec tout ce que j'avais vu,
dans la peur de le découvrir chez quelqu'un d'autre.
J'attendrai que les pensées sombres
traversent les couleurs de la mémoire,
rien n'existe au delà de cette forêt.
Un rai de lumière emporte ce fragile regard
qui me parle de toi.
Inaccessible, au-delà du temps,
je vois comme tu souris en dansant parmi les ombres.
Je t'ai dit : «Je viens de très loin, d'où viens-tu, toi ?»

Lluís Bosch, traduit du catalan
par Michel Bourret Guasteví

ZINNIA

Les fleurs s'amusent
de leur propre allégresse,
le souffle doux de la Zinnia
me convie au jeu et aux amours.

Le soleil dans la poitrine,
la forêt, un autel d'éternité.
Quand volette la liberté,
même la nuit s'éclaire.

Je lance un cri de joie
et les montagnes répondent
solennelles, imposantes.
L'écho rend le chant plus plaisant.  

Inépuisable la nature
répand son elixir
et l'enfant qui veut sortir
prend plaisir à la scène. 

Glòria Bassols i Compte, traduit du catalan
par Michel Bourret Guasteví 

LE VENT RUGIT

Le vent rugit avec force
En ce petit matin qui jamais ne s'arrête
Le vent solitaire lèche le silence brisé
tandis que le dialogue éclate contre le volet
Ave une rage inconnue, difficile à comprendre
La respiration s'entremêle avec la hâte
Du courant d'air qui me jette
Par terre des lectures d'autres hivers
celles d'hier et celles qu'il me reste
L'intense fureur d'Éole me ravit à la nuit
Spectres de phrases insensées

Murmurées au creux des lèvres me parlent
De passions maladives écrites comme
Dictées par quelqu'un derrière l'écran
De notre petit cerveau externe
Les souvenirs analogiques

Recouvrent les souvenirs digitaux
Tout à un pas du reset
Tout virtuellement masqué
Tout comme une mire ancienne

Rosa Miró Pons, traduit du valencien
par Michel Bourret Guasteví

EL VENT RUGEIX

El vent rugeix amb força 
Aquesta matinada que mai no acaba
El vent llepa en solitud el silenci trencat
Mentre el diàleg esclata contra la persiana
Amb una ràbia desconeguda, difícil d'entendre

La respiració s'entremescla amb la pressa
Del corrent d'aire que em llança 
A terra lectures d'altres hiverns
Les d'ahir i les pendents
La intensa fura d' Eolo m'arrapa la nit

Espectres de frases sense sentit
Murmurades a cau de llavis em parlen
De passions malaltisses escrites com
Dictades per quelcom darrere la pantalla
Del nostre petit cervell extern

Els records analògics 
Solapen les records digitals
Tot a un pas del
reset
Tot virtualment emmascarat
Tot com una carta d'ajust antic

Com a senyal de fe

Deixaré el til·ler,
majestuós i serè
i m'encaminaré
cap a l'embruix del dia.

Uns camps de blat creixent
al límit de la vila,
pentinats pel gregal
que porto a dintre meu.

Deixaré el til·ler,
guardant a la butxaca
les seves flors groguenques
com a senyal de fe. 



mercredi 24 avril 2024

Un món en creació

I si nasqués la terra
d'una efusió de l'aigua.
Aquarel·la embogida
en mans d'un pintor llest.

Al cor dels gargots vius,
un sol de mil colors,
com el vermell d'un ou
ferrat al mig de l'illa.

No hi hauria llevant,
ni ponent cap al mar.
Espectadors seríem
d'un món en creació.














© Francesc Garcia Arbós

Textes durs

À C., R. et J.

Il est des textes durs.
La feuille d'un carnet,
arrachée, griffonnée,
en lettres capitales.

Le cri sourd d'un enfant
qui ne veut pas partir
du foyer qui l'accueille
vers d'autres bras aimants.

Les larmes de son bleu
ont crevé le papier
de mille lames vives
qui entaillent ses bras.

Il est des textes durs,
quand un petit garçon,
arraché à son monde,
pénètre en poésie. 

SIRÈNE terrestre

Robuste,
l'écorce d'une absence
quand la solitude
t'habite dans la tellurie d'un chant

pour découvrir
une osseuse incubation,
sincère de vent,
Sirène extatique
et échevelée.

En fuyant de la mer
du néant,
entourée d'autre marée
par le territoire
de tes gains.

Glòria Bassols i Compte, traduit du catalan
par Michel Bourret Guasteví 

Últim picnic al Xalió

Llum intensa del sol
que acompanya el dinar
dels mainatges del nord
retrobant la seva hora.

Com un rellotge fosc
l'ombra envaeix el prat,
tancant les carmanyoles,
amb un bes de tomàquet.

És l'hora de partir,
de tornar a la vila.
De creuar les Alberes
cap a la Fidelíssima.



PÉTALES DE GIVRE

Mes mots fondent en morceaux
tels des souvenirs scellés sur les pierres,
et un vol de pensées
s'éloigne, dans le ciel, sur des fragments
opaques de cendres noires.
Quand je me promène dans les années de l'incertitude,
je suis abrité par les ombres du feu, 
comme des escadres ciselées
luttant contre le vent.
De la réalité nouvelle,
je me libère de la peur
qui enflamme le cri final
et je m'enfonce dans le bois,
parfumé de pétales de givre,
à la conquête d'un silence
qui me promette un destin d'infarctus.

Lluís Bosch, traduit du catalan
par Michel Bourret Guasteví

L'heure du couchant

Le sable veut dormir,
foulé par mille pieds
de marcheurs d'occident
allant vers l'eau lustrale.

C'est l'heure du couchant,
la paix des éléments,
qui cherchent dans le feu
la paix du lendemain.

Les âmes s'y unissent
et le sel s'y retient.
Mémoire du ponent
qui rêve de la terre.













© Brigitte Prédeval

Poetes a banda i banda de l'Albera

   Que són de blaves les Alberes
                  Gumersind Gomila

Comparteixen els mots,
la veu i la passió.

Els seus versos respiren
el vent de tramuntana,

la blancor de les veles,
la terra dels camins.

S'han obert a les llengües
que parlen els veïns,

fugint de capitals
i de miratges vans.

Venen de les comarques
que toquen la muntanya

i tenen per talaies
antenes del Neulós.











© Lionel Itié