sans idée de retour. La générosité. Une présence
souriante en marge de la faculté. En tenue de sport
ou revenant des courses, le congé ne l'empêchait jamais
d'échanger deux ou trois mots. Je l'ai longtemps appelé
Monsieur Blanquer. Il n'a jamais su pourquoi. Et pourtant
il avait travaillé dans l'abattage dont ses ancêtres tannaient
les peaux.
Alors je le faisais parler de la terre de ces mêmes ancêtres
dont il avait gardé le goût du riz safrané pris en commun,
du long voyage pour y parvenir. Quand il en revenait, on en
prenait pour de longs mois de vacances en sourire. Il était
simple et profond. Son analyse de la vie et de la politique
était fine et humaine. Moi qui parle beaucoup, je me taisais,
je laissais sa voix envahir l'espace trop haut, trop minéral
de notre centre. Je ne connaissais rien. Il savait, sans m'écraser
de ses connaissances, me révéler les entrailles du bâtiment,
le réseau d'eau, la chaufferie. Un jour il me proposa de monter
sur le toit. Le vent soufflait, j'avoue avoir refusé, je l'admirais.
Il était né la même année que mon frère,cela nous rapprochait. Je n'ai
pas pris le temps de le connaître ni de me rapprocher de sa famille qu'il
aimait tant et dont il était fier. La poignée de main de Jérôme, une fin
d'après-midi du mois de septembre dernier, me rappela sa franchise et sa
chaleur. La même discrétion, la même efficacité bienveillante qui nous
manquent déjà et dont je sais qu'elles se prolongeront.