dimanche 12 octobre 2014

Cafés

Quand je suis seul, j'aime aller dans les cafés, m'asseoir et regarder. 
Derrière une tasse brûlante que je sirote jusqu'au marc glacé. Les heures
passent, je m'en moque. Je prends une revanche sur le temps qui m'a volé
mon grand-père adoré. Je regarde le jeu du garçon courbé, rougi par l'effort,
et qui feint de savourer des anecdotes mille fois répétées. Les rires ponctuent
l'échange. Les sourires déchirent les visages détruits par la vie et la boisson
d'où surnagent les dents orphelines en un memento mori banalisé. Pourtant,
j'aimerais parfois être l'un deux, rire pareillement à gorge déployée, la main
serrant les pièces de cuivre comme jetons de casino. J'oublie que, quand la nuit
viendra, le rideau tiré, ils regagneront les bouges silencieux où Dieu tremble devant
la laideur de son œuvre. La musique file, les bouteilles se débouchent, un flipper
mime la roue de l'humaine existence. En trois coups. Je suis bien, le savez-vous ?