Prenez la Grand-rue serrée entre deux rangées
de murs défraîchis et laissez divaguer votre esprit
jusqu'à buter sur une ancienne boulangerie aux
stores repliés. Poussez la porte de verre. Fort
Car elle racle puis laissez-vous gagner par les
odeurs d'épices et de ragoût. Résistez à l'envie
de fermer les yeux pour les mieux savourer.
Décillez-les au contraire et faites votre miel
des livres pêle-mêle. Choisissez une table
au hasard. Asseyez-vous et écoutez. La mer,
la mer toujours recommencée dans les pas
de Brassens. On mange large et bien comme
chez soi, autrefois. Rosanna est au fourneaux
qui attendrit les viandes et Sophie abat les murs
de son pas léger. L'opulence fait de l'assiette un
plat. Nul formalisme. Ici la table est franche,
les produits bien choisis. Si l'heure ne vous taquine,
accompagnez le café fort de mignardises maison.
Et riez, surtout, riez de Mallarmé qui écrivait :
«La chair est triste et j'ai lu tous les livres.»
Ici la chair exulte et les livres sont à lire.