Le repas fini, les enfants jouent à côté,
Devant moi, une pile de livres en équilibre
instable. Les nouveaux venus voisinent avec
les rescapés de la bibliothèque. Au dessus celui
que tu m'as offert et celui que tu m'as prêté.
Les livres ne parlent pas qui recèlent le monde ;
pourtant, sans le vouloir, ils me parlent de ceux
dont j'ai croisé la route, des temps et des lieux
où je les ai acquis, ouverts ou partagés. Pour m'en
faire mémoire, j'ai pris l'habitude de marquer leur
page, au hasard, d'un ticket de café ou d'un sous-bock,
taché de bière, si possible. J'examine alors longuement
le papier, le carton, le scrute, le hume, le fait glisser
entre le pouce et l'index comme un faussaire scrupuleux au
sortir de l'impression. Et je revis alors la fulgurance du
retour. Et si je ne lisais que pour mieux retrouver le passé ?