lundi 3 novembre 2014

ÉLOGE DU LIVRE D'OCCASION

Il va de main en main et s'use
peu. Des ongles l'ont griffé,
une lettre s'y est apposée,

parfois, une dédicace, une
signature, une date qui fixe
un temps révolu. J'aime offrir

cette liasse policée, brochée,
reliée, au cuir plus usé qu'un
brodequin de douanier sur la 

frontière belge. Voici peu,
j'en offris un, acheté place
Colette dont il fut l'éponyme.

Feuilles serrées sous coffret,
plaisirs inavoués dans un titre
qui fit mouche quand l'électricité

peinait à s'installer. À distance,
il a vécu encore un peu, le temps
d'une lecture plaisamment retardée.

Sans que la destinaire m'en parle,
je revois les jardins du Palais Royal,
où je le tins longtemps contre mon 

cœur, ce livre d'occasion, cette belle
occase, de mon séjour sur terre un jour
d'automne de l'an deux mille quatorze.