Il marche d'un pas grave
à côté du journaliste qui
l'interroge. Son ton est
docte et son regard jamais
n'accroche celui du spectateur.
Les minutes passant, j'oublie qu'il
est le conservateur en chef des jardins
royaux de Copenhague. Son discours sur
le chiffre des monarques taillé dans le
buis m'ennuie. La perfection me désole.
Non, j'interroge plutôt son port et sa mise.
Le col en pointe de sa chemise immaculée
est démodé et malgré le soleil au zénith
témoigne d'un repassage impeccable. Sur
le veston clair un pins ou un emblème.
Le reste n'apparaît pas, ou ne me marque pas.
Je songe au lever de cet homme, intimidé par
le rendez-vous du matin avec la presse étrangère.
Il s'est rasé, douché, je le vois assis au bord
de son lit, enfilant ses chaussettes, l'une après
l'autre, précautionneusement. Les fixe-chaussettes
n'existant plus, il lui faudra se contenter de limiter
les ridules de l'élastique sur le fil d'Écosse grenat.
Ses mains reposent sur les genoux. Il pense. La famille
dort encore. Qu'a-t-il fait de sa vie ? Et cette jeune
fille brune qu'il laissa partir un soir de 1977 dans un
pub près de l'université ? Il lui avait parlé de son amour
des jardins. Elle le regardait amusé. Lui, baissait les yeux.
Sans qu'il s'en rendît compte le son de sa voix déclinait au
gré de l'éclairage. Puis elle s'en fut, il ne la retint pas.