samedi 4 juillet 2020

L'homme qui apprit des étoiles

Chaque nuit, l'homme regardait les étoiles.

Il assignait à chacune un mot différent. Puis il traçait des lignes imaginaires et dessinait des images dans le firmament où on pouvait lire des phrases ingénieuses et intelligentes. L'homme était admiré pour sa créativité et son habileté, et il se vantait d'être le seul capable de plier l'univers à son bon vouloir.

Une nuit, il contempla longuement les étoiles, tout disposé à créer son meilleur tracé, la phrase la plus spectaculaire qu'il eût jamais inventée. Mais, incrédule, il vit que, sur la voûte céleste, un trou était apparu où l'obscurité gagnait en intensité. Noire et profonde. L'homme se mit en colère. Il ne se pouvait pas qu'il y eût une étoile manquante ! Et comment ferait-il, maintenant, sans ce mot précis pour terminer sa phrase magistrale?

Furieux, il décida d'ignorer le trou noir et se lança dans de nouveaux tracés qui laissait de côté ce vide fâcheux. Il s'y essaya une fois. Puis une autre. Et ainsi de suite. Mais ses yeux finissaient toujours par se poser sur cet espace sans étoile.

Nuit après nuit, il retrouvait le ciel dans l'espoir qu'un jour l'étoile apparaisse. Mais le temps passait et le vide demeurait inchangé dans cette zone du firmament. Les gens finirent par oublier cet homme qui ne régnait plus sur les étoiles. Mais lui, têtu, se défendait, attribuant la responsabilité de ce désastre à l'étoile rebelle qui avait décidé de l'abandonner.

Une nuit, fatigué de tant de combats stériles, il renonça à son objet et, les yeux embués de larmes, il accepta qu'il ne pouvait pas régner sur le vaste manteau étoilé. C'est alors qu'à travers son non-regard, il vit le ciel se transformer. Comme la coquille d'un escargot, les milliers de petites lumières esquissèrent une danse circulaire autour de cette cavité. Chacune des étoiles cessa de briller d'elle-même et elles semblaient toutes tourner autour de l'étoile inexistante. Le vide devint Silence. Et l'homme apprit à contempler.

Lentement, il osa imaginer de nouveaux tracés qui naissaient, toujours et inévitablement, du cœur de ce Silence fécond et, comme une spirale centrifuge, dansaient en caressant dans leur danse la vaste étoffe étoilée.

Depuis ce jour, l'homme n'inventa plus de phrases ingénieuses et intelligentes, mais des vers pleins de désirs et de copeaux d'étoiles. Où chaque mot, chaque strophe était un doux murmure dans le cœur de celui qui l'écoutait.

© Roser Blàzquez, traduit du catalan par M. Bourret Guasteví