J'aime l'anonymat, ma non troppo.
Je porte un prénom commun, le premier
de ma génération. Usé par tant de
bouches qui aimèrent ou menaçaient.
Son abondance me protège et préfigure
le jour imprévu où je ne serai plus.
Une amie me cherchait il y a quelques
heures dans la courbe d'un bar.
Elle demanda Michel. Je n'étais qu'une
ombre vive, on ignorait mon prénom. On lui
répondit sur le ton du sourire que nous
étions des milliers. Elle y ajouta mon nom.
On crut qu'elle cherchait un Michel bourré.
La belle affaire ! Dans un bar courbe, en plus.
Quand les lèvres de l'amie me le soufflèrent, j'aimai
ce singulier hommage et la bouche qui le portait.