Un poème comme un bracelet
brésilien que l'on tisse
et que l'on offre,
qui colle au poignet, s'en
imbibe puis s'effiloche,
gorgé de caresses et de
regards. Des fils de coton,
baignés d'un arc en ciel.
Trois tercets, et c'est donné !
jeudi 30 avril 2020
L'âge de raison
à Aloys, déjà grand
Les dernières minutes s'égrènent
et les six ans s'éloignent. Sept !
Sept ans, un chiffre tout rond
et qui claque comme un drapeau.
L'âge de raison mais, par bonheur,
pas encore l'âge des responsabilités.
L'âge des lectures et des découvertes,
des figures géométriques que la tablette
dessine comme par magie. La trottinette
ira-t-elle plus vite ? Je ne sais pas, mais,
en tout cas, je connais un petit malin et
son sourire enjôleur pour nous en donner
l'impression avant de s'échapper à toutes jambes
en riant. Sept ans : l'âge de raison, mais aussi
celui... d'une glace aux fruits de la passion.
Les dernières minutes s'égrènent
et les six ans s'éloignent. Sept !
Sept ans, un chiffre tout rond
et qui claque comme un drapeau.
L'âge de raison mais, par bonheur,
pas encore l'âge des responsabilités.
L'âge des lectures et des découvertes,
des figures géométriques que la tablette
dessine comme par magie. La trottinette
ira-t-elle plus vite ? Je ne sais pas, mais,
en tout cas, je connais un petit malin et
son sourire enjôleur pour nous en donner
l'impression avant de s'échapper à toutes jambes
en riant. Sept ans : l'âge de raison, mais aussi
celui... d'une glace aux fruits de la passion.
Quelques clochettes
Quelques clochettes,
serrées par un lacet
et portées d'un saut.
Des fleurs fragiles,
à l'éphémère parfum,
qu'un cœur s'empresse
de donner, tendrement,
à sa douce maman.
Quelques clochettes,
pas même un bouquet.
Beaucoup mieux :
une tiède poignée pour
réchauffer un cœur
qu'avril avait esseulé.
serrées par un lacet
et portées d'un saut.
Des fleurs fragiles,
à l'éphémère parfum,
qu'un cœur s'empresse
de donner, tendrement,
à sa douce maman.
Quelques clochettes,
pas même un bouquet.
Beaucoup mieux :
une tiède poignée pour
réchauffer un cœur
qu'avril avait esseulé.
En passant le pont
Les éclusiers ont déserté le lieu,
abandonné aux canards et aux herbes
folles. Le restaurant a tiré rideaux
et volets. Le soleil est haut et l'envie
prend tout à coup de franchir le canal,
par une passerelle étroite. Sur la gauche
le bief, inactif, revient à la vie. Mousses
et plantes rudérales le recouvrent hardiment.
Sur la droite les lourdes portes sombres,
laissent passer l'eau vive qui chante. Longtemps
je garderai en moi le chant de cette eau et la
magie d'une sortie soudaine, au goût de l'interdit.
abandonné aux canards et aux herbes
folles. Le restaurant a tiré rideaux
et volets. Le soleil est haut et l'envie
prend tout à coup de franchir le canal,
par une passerelle étroite. Sur la gauche
le bief, inactif, revient à la vie. Mousses
et plantes rudérales le recouvrent hardiment.
Sur la droite les lourdes portes sombres,
laissent passer l'eau vive qui chante. Longtemps
je garderai en moi le chant de cette eau et la
magie d'une sortie soudaine, au goût de l'interdit.
mercredi 29 avril 2020
Palmes
Espera. Un moment. Llarg.
I mira per la finestra
estreta, entre parets i
canyís. Mira com es mouen
les puntes de les palmes,
insensibles al pas dels
dies, quietes i segures
de la saba que, a poc a
poc, les està alimentant.
***
Attends. Un moment. Long.
Et regarde par la fenêtre
étroite, entre murs et
canisse. Regarde se balancer
les pointes des palmes,
insensibles au cours des
jours, calmes et sûres
de la sève qui peu à
peu, les nourrit.
I mira per la finestra
estreta, entre parets i
canyís. Mira com es mouen
les puntes de les palmes,
insensibles al pas dels
dies, quietes i segures
de la saba que, a poc a
poc, les està alimentant.
***
Attends. Un moment. Long.
Et regarde par la fenêtre
étroite, entre murs et
canisse. Regarde se balancer
les pointes des palmes,
insensibles au cours des
jours, calmes et sûres
de la sève qui peu à
peu, les nourrit.
Lumière
Au cœur de la nuit froide et noire,
une lumière, soudaine : le réveil
des enfants, ensemble. Les langues
se délient, on s'embrasse, on descend,
on saucissonne un brin, volets tirés,
parois blafardes. Le sommeil, inflexible,
exige son dû écorné. On remonte, on se
salue, la lumière disparaît et la pénombre,
aussi soudainement, engloutit les consciences.
une lumière, soudaine : le réveil
des enfants, ensemble. Les langues
se délient, on s'embrasse, on descend,
on saucissonne un brin, volets tirés,
parois blafardes. Le sommeil, inflexible,
exige son dû écorné. On remonte, on se
salue, la lumière disparaît et la pénombre,
aussi soudainement, engloutit les consciences.
mardi 28 avril 2020
Et l'amour est venu
Et l'amour est venu, un soir,
sans qu'on l'attende. Il s'est
assis et a partagé le thé chaud
et la tarte meringuée. Il a peu
parlé, et beaucoup écouté, buvant
les inflexions des personnes
rassemblées, cueillant, derrière
chaque critique ou propos convenu,
le souffle de vie et le désir d'un
mois neuf, de terres arables grasses
sous le soc, et de mains caleuses sur
les poignées de bois. Il a laissé
glisser ses yeux, loin du taffetas gris,
là où entrent les fourmis, en quête de
sucre frais ou de restes de gâteaux.
Puis il est parti, comme il était venu.
Sans un mot, juste un souffle. Nul ne le
sut. Mais les visages, tous, en luisirent.
sans qu'on l'attende. Il s'est
assis et a partagé le thé chaud
et la tarte meringuée. Il a peu
parlé, et beaucoup écouté, buvant
les inflexions des personnes
rassemblées, cueillant, derrière
chaque critique ou propos convenu,
le souffle de vie et le désir d'un
mois neuf, de terres arables grasses
sous le soc, et de mains caleuses sur
les poignées de bois. Il a laissé
glisser ses yeux, loin du taffetas gris,
là où entrent les fourmis, en quête de
sucre frais ou de restes de gâteaux.
Puis il est parti, comme il était venu.
Sans un mot, juste un souffle. Nul ne le
sut. Mais les visages, tous, en luisirent.
Teindre ou peindre
Il avait hâte de teindre
son ordinateur. Ou de le
peindre. En rose fuchsia
ou en vert amande, après
l'avoir éteint d'un doigt,
caressant la carcasse
tiède de magnésium embouti.
D'y poser la main doucement
et d'en retirer, habile
prestidigitateur, l'une après
l'autre, les milliers de pages
lues, aperçues ou à peine
survolées. De leur rendre la vie,
ravie à Seattle ou Indianapolis,
et d'en faire l'amazonienne
ramure, à l'oxygène luxuriant,
dont la vie a besoin en ces jours.
Il avait hâte... Mais sans trop.
son ordinateur. Ou de le
peindre. En rose fuchsia
ou en vert amande, après
l'avoir éteint d'un doigt,
caressant la carcasse
tiède de magnésium embouti.
D'y poser la main doucement
et d'en retirer, habile
prestidigitateur, l'une après
l'autre, les milliers de pages
lues, aperçues ou à peine
survolées. De leur rendre la vie,
ravie à Seattle ou Indianapolis,
et d'en faire l'amazonienne
ramure, à l'oxygène luxuriant,
dont la vie a besoin en ces jours.
Il avait hâte... Mais sans trop.
Indélébiles, nos empreintes
La pluie s'est abattue, soudaine, violente,
sans nulle attention pour les vélos laissés
sur la terrasse et les fleurs hâtivement
cueillies et abandonnées, dans l'attente du
vase ou du lacet. Un torrent dévale la rue,
aveugle. Le goudron, naguère chaud, tiédit
et noie le regard, derrière les vitres embuées.
Pourtant nulle averse ne pourra jamais effacer
les empreintes des enfants buissonniers.
sans nulle attention pour les vélos laissés
sur la terrasse et les fleurs hâtivement
cueillies et abandonnées, dans l'attente du
vase ou du lacet. Un torrent dévale la rue,
aveugle. Le goudron, naguère chaud, tiédit
et noie le regard, derrière les vitres embuées.
Pourtant nulle averse ne pourra jamais effacer
les empreintes des enfants buissonniers.
Traverses
Traverses de bois, cachées par
la poussière et le ballast,
parallélépipèdes torves et dûment
corsetés, pour oublier à chaque
passage d'un express la forêt
odorante et moussue où les chênes
poussent droit, étrangers à la vie
brève et fébrile des hommes. Belles
traverses oubliées, contez-moi vos
tendres épousailles avec l'acier doux
qui, jour après jour, se couvre de
rouille depuis que le trafic a cessé,
laissant libre cours aux herbes folles
et aux coquelicots graciles, éphémères
et si merveilleusement indomptés.
By courtesy of Lionel Itié
la poussière et le ballast,
parallélépipèdes torves et dûment
corsetés, pour oublier à chaque
passage d'un express la forêt
odorante et moussue où les chênes
poussent droit, étrangers à la vie
brève et fébrile des hommes. Belles
traverses oubliées, contez-moi vos
tendres épousailles avec l'acier doux
qui, jour après jour, se couvre de
rouille depuis que le trafic a cessé,
laissant libre cours aux herbes folles
et aux coquelicots graciles, éphémères
et si merveilleusement indomptés.
By courtesy of Lionel Itié
Mascaretes / Masques
a les tres M.
S'han posat la mascareta
bonica. Avui és dia de
sortida i volen ser els
més guapos. A cara tapada
però amb els ulls oberts
i riallers. Han agafat els
patinets. Amb determinació
i una mica de temor. El món
es tan nou des que els homes
s'han tancat. A veure si no
hauran sortit cocodrils rosa
o algun rat penat de ratlles...
***
Ils ont mis leur joli
masque. C'est aujourd'hui
la sortie et ils veulent être
les plus beaux. Le visage couvert
mais les yeux bien ouverts
et enjoués. Ils ont pris leurs
trottinettes. Avec détermination
et un petit peu de crainte. Le monde
est si neuf depuis que les hommes
se sont enfermés. Voyons s'il ne
sera pas sorti des crocodiles rose
ou quelque chauve-souris à rayures.
S'han posat la mascareta
bonica. Avui és dia de
sortida i volen ser els
més guapos. A cara tapada
però amb els ulls oberts
i riallers. Han agafat els
patinets. Amb determinació
i una mica de temor. El món
es tan nou des que els homes
s'han tancat. A veure si no
hauran sortit cocodrils rosa
o algun rat penat de ratlles...
***
Ils ont mis leur joli
masque. C'est aujourd'hui
la sortie et ils veulent être
les plus beaux. Le visage couvert
mais les yeux bien ouverts
et enjoués. Ils ont pris leurs
trottinettes. Avec détermination
et un petit peu de crainte. Le monde
est si neuf depuis que les hommes
se sont enfermés. Voyons s'il ne
sera pas sorti des crocodiles rose
ou quelque chauve-souris à rayures.
Sargantana avorrint-se / Lézard s'ennuyant
Plorant està la sargantana,
soleta, aillada, Fa setmanes
que no la venen a visitar.
I s'avorreix. Abans, reia de
les cares presumptuoses dels
humans que se n'apropaven
per tallar-li la cua i riure
mentre aquesta feia els últims
remolins. Temps passats,
espera inútila. Ja el món és
teu. Per uns dies o unes poques
setmanes. Aprofita'l i riu!
***
Le lézard pleure sans cesse,
tout seul, isolé. Cela fait des semaines
qu'on ne vient pas lui rendre visite.
Et il s'ennuie. Avant, il riait des
visages présomptueux des
humains qui s'approchaient de lui
pour lui couper la queue et rire
pendant que celle-ci faisait ses derniers
soubresauts. Temps révolus,
attente inutile. Le monde est désormais
tien. Pour quelques jours ou une poignée
de semaines. Profite et ris !
soleta, aillada, Fa setmanes
que no la venen a visitar.
I s'avorreix. Abans, reia de
les cares presumptuoses dels
humans que se n'apropaven
per tallar-li la cua i riure
mentre aquesta feia els últims
remolins. Temps passats,
espera inútila. Ja el món és
teu. Per uns dies o unes poques
setmanes. Aprofita'l i riu!
***
Le lézard pleure sans cesse,
tout seul, isolé. Cela fait des semaines
qu'on ne vient pas lui rendre visite.
Et il s'ennuie. Avant, il riait des
visages présomptueux des
humains qui s'approchaient de lui
pour lui couper la queue et rire
pendant que celle-ci faisait ses derniers
soubresauts. Temps révolus,
attente inutile. Le monde est désormais
tien. Pour quelques jours ou une poignée
de semaines. Profite et ris !
lundi 27 avril 2020
No ploris pas / Pleure donc pas comme ça
«No ploris pas, que fas plorar el bon Déu!»
Te'n recordes d'aquella cançó del Julien
Clerc? S'havia tornat a vestir en acabar
de cantar Hair. Eren anys d'imaginació al
poder, de bogeria, d'infinita confiança
en el progrés i l'home. Ara n'hi ha que
ploren sols. Més sols que uns pèsols sense
que Déu els tingui en pietat. O m'ho imagino?
Fa tants anys que he deixat la sagristia...
***
«Pleure donc pas comme ça, ça fait pleurer le Bon Dieu !»
Tu te souviens de cette chanson de Julien
Clerc ? Il s'était rhabillé après avoir arrêté
de chanter Hair. C'étaient des années d'imagination au
pouvoir, de folie, de confiance infinie
dans le progrès et dans l'homme. Maintenant certains
pleurent seuls. Plus seuls que des linceuls, sans que
Dieu n'en prenne pitié. Ou bien c'est moi qui me l'imagine ?
Ça fait si longtemps que j'ai quitté la sacristie...
Te'n recordes d'aquella cançó del Julien
Clerc? S'havia tornat a vestir en acabar
de cantar Hair. Eren anys d'imaginació al
poder, de bogeria, d'infinita confiança
en el progrés i l'home. Ara n'hi ha que
ploren sols. Més sols que uns pèsols sense
que Déu els tingui en pietat. O m'ho imagino?
Fa tants anys que he deixat la sagristia...
***
«Pleure donc pas comme ça, ça fait pleurer le Bon Dieu !»
Tu te souviens de cette chanson de Julien
Clerc ? Il s'était rhabillé après avoir arrêté
de chanter Hair. C'étaient des années d'imagination au
pouvoir, de folie, de confiance infinie
dans le progrès et dans l'homme. Maintenant certains
pleurent seuls. Plus seuls que des linceuls, sans que
Dieu n'en prenne pitié. Ou bien c'est moi qui me l'imagine ?
Ça fait si longtemps que j'ai quitté la sacristie...
Un champ de coquelicots en avril
Le champ nous attend, où dansent
à foison les coquelicots pâles,
d'entre de sombres herbes sages.
Pourquoi ne pas quitter la poussière
du chemin et nous y asseoir un temps,
les bras embrassant nos genoux ?
La parole viendrait comme reprendrait
la vie dans le soleil de notre pause,
bruissant de mille mouvements infimes.
Nos yeux se laisseraient bercer au bout des
fines tiges de ces fleurs libres, rétives
au moindre bouquet et nous nous évaderions.
à foison les coquelicots pâles,
d'entre de sombres herbes sages.
Pourquoi ne pas quitter la poussière
du chemin et nous y asseoir un temps,
les bras embrassant nos genoux ?
La parole viendrait comme reprendrait
la vie dans le soleil de notre pause,
bruissant de mille mouvements infimes.
Nos yeux se laisseraient bercer au bout des
fines tiges de ces fleurs libres, rétives
au moindre bouquet et nous nous évaderions.
Desconfinament / Déconfinement
Desconfina'm l'estiu, fes que les ones
fresques tinguin regust de sal marina
i que al vespre la birra em taqui els
dits. Acompanya'm pels camins, a passos
lents, olorant la mel de les flors i el
groc àcid del gessamí. Pinta'm de rosa
les converses sucoses, el dia a dia, i
l'alè tendre del matí. Desconfina'm els
mesos i l'horitzó. Que la vida batega.
***
Déconfine-moi l'été, fais que les vagues
fraîches aient un arrière-goût de sel de mer
et que le soir la bière me tache les
doigts. Accompagne-moi sur les chemins, à pas
lents, humant le miel des fleurs et le
jaune acide du jasmin. Peins-moi en rose
les conversations juteuses, le quotidien, et
le souffle tendre du matin. Déconfine-moi les
mois et l'horizon. Car la vie bat.
fresques tinguin regust de sal marina
i que al vespre la birra em taqui els
dits. Acompanya'm pels camins, a passos
lents, olorant la mel de les flors i el
groc àcid del gessamí. Pinta'm de rosa
les converses sucoses, el dia a dia, i
l'alè tendre del matí. Desconfina'm els
mesos i l'horitzó. Que la vida batega.
***
Déconfine-moi l'été, fais que les vagues
fraîches aient un arrière-goût de sel de mer
et que le soir la bière me tache les
doigts. Accompagne-moi sur les chemins, à pas
lents, humant le miel des fleurs et le
jaune acide du jasmin. Peins-moi en rose
les conversations juteuses, le quotidien, et
le souffle tendre du matin. Déconfine-moi les
mois et l'horizon. Car la vie bat.
Ton front
Au front des guerres, de glaise et de sang,
brûlant les végétaux et ravageant les champs,
je préfère ton front de claire intelligence,
ombrelle de ta voix, tourné vers l'avenir,
humant sur le chemin, un beau de panier de
fraises, pour faire, incontinent, une tarte,
un dessert. Ton front sur qui mes doigts,
tremblants et malhabiles, se plaisent à
imaginer qu'ils y apprennent à écrire.
Que riches sont les mots que ton ombrelle
cache mais que ta voix dévoile, d'un rire
ou d'une course, au soleil du midi.
brûlant les végétaux et ravageant les champs,
je préfère ton front de claire intelligence,
ombrelle de ta voix, tourné vers l'avenir,
humant sur le chemin, un beau de panier de
fraises, pour faire, incontinent, une tarte,
un dessert. Ton front sur qui mes doigts,
tremblants et malhabiles, se plaisent à
imaginer qu'ils y apprennent à écrire.
Que riches sont les mots que ton ombrelle
cache mais que ta voix dévoile, d'un rire
ou d'une course, au soleil du midi.
dimanche 26 avril 2020
Rubrique
On écrivait autrefois,
à l'encre rouge vif,
les mentions marginales.
Sang de vie et de mémoire,
que les années oublieuses
finissaient par assombrir
et que je me réinvente
en lisant de vieux actes
de naissance. N'est-ce pas
pour cela que je suis devenu
professeur ? Pour que l'encre
rouge tache mes doigts, en un
rappel incessant de la vie qui
coule, de chacun en chacun, et
de l'amour éternellement partagé.
à l'encre rouge vif,
les mentions marginales.
Sang de vie et de mémoire,
que les années oublieuses
finissaient par assombrir
et que je me réinvente
en lisant de vieux actes
de naissance. N'est-ce pas
pour cela que je suis devenu
professeur ? Pour que l'encre
rouge tache mes doigts, en un
rappel incessant de la vie qui
coule, de chacun en chacun, et
de l'amour éternellement partagé.
Sommeils d'enfants
Paupières closes, fines
et bombées, et qui jamais
ne cillent. Sourire des
lèvres effilées, corps
qui se reposent dans
d'improbables postures.
Silence léger, cadence
lente des respirations
qui rêvent et s'envolent.
et bombées, et qui jamais
ne cillent. Sourire des
lèvres effilées, corps
qui se reposent dans
d'improbables postures.
Silence léger, cadence
lente des respirations
qui rêvent et s'envolent.
D'Algues et d'Alexandrie
Le fleuve charrie le limon
des terres lointaines, taillant
le désert comme une lanière
de cuir sec. Au bout, est la mer,
dorée, grasse, peuplée d'algues
qui dansent comme autant de pages,
arrachées à l'antique bibliothèque
d'Alexandrie qui gît par mille pieds
de fond. Que de vers enfouis, que les
flots raniment. Alexandrie de l'estuaire,
alpha des langues anciennes que la pensée,
enivrée, écrivit, un jour, sur un registre.
des terres lointaines, taillant
le désert comme une lanière
de cuir sec. Au bout, est la mer,
dorée, grasse, peuplée d'algues
qui dansent comme autant de pages,
arrachées à l'antique bibliothèque
d'Alexandrie qui gît par mille pieds
de fond. Que de vers enfouis, que les
flots raniment. Alexandrie de l'estuaire,
alpha des langues anciennes que la pensée,
enivrée, écrivit, un jour, sur un registre.
Ricochets
à mon ami Lionel
J'aime écrire pour laisser
une trace des bonheurs perdus
et lancer sur l'onde étale
un galet lisse à force d'être
usé. Qui le saisit, du regard,
en prolonge les rebonds,
vers l'autre rive. Jamais jusqu'à.
J'aime à mon tour le lire, autrement,
saisir sa langue précise et dépouillée
qui embrasse le monde, le sien, distinct
et si semblable au mien. J'aime écrire,
c'est vrai. Et lui aussi. Au moins autant.
J'aime écrire pour laisser
une trace des bonheurs perdus
et lancer sur l'onde étale
un galet lisse à force d'être
usé. Qui le saisit, du regard,
en prolonge les rebonds,
vers l'autre rive. Jamais jusqu'à.
J'aime à mon tour le lire, autrement,
saisir sa langue précise et dépouillée
qui embrasse le monde, le sien, distinct
et si semblable au mien. J'aime écrire,
c'est vrai. Et lui aussi. Au moins autant.
L'orage gronde
L'orage gronde. Au loin.
En lourdes nappes sombres.
Les enfants papillonnent,
étrangers à sa menace grave.
Voix aiguës, courses folles
et ces moucherons serrés qui
les étonnent tout à coup. Ça sent
le jasmin et le dimanche, l'envie
lente de converser. Légèrement.
Une traînée de carmin barre le ciel
et les yeux se voilent de noir.
Le bruit se rapproche. Les premières
gouttes tombent, d'abord gorgées de
chaleur, puis froides. Les enfants
frissonnent et courent en riant.
La vitre résonnera longtemps de leurs
cris complices. Ils attendront le soleil
derrière, puis se régaleront de friandises.
En lourdes nappes sombres.
Les enfants papillonnent,
étrangers à sa menace grave.
Voix aiguës, courses folles
et ces moucherons serrés qui
les étonnent tout à coup. Ça sent
le jasmin et le dimanche, l'envie
lente de converser. Légèrement.
Une traînée de carmin barre le ciel
et les yeux se voilent de noir.
Le bruit se rapproche. Les premières
gouttes tombent, d'abord gorgées de
chaleur, puis froides. Les enfants
frissonnent et courent en riant.
La vitre résonnera longtemps de leurs
cris complices. Ils attendront le soleil
derrière, puis se régaleront de friandises.
samedi 25 avril 2020
Arena / Sable
a Joan i Xec
Diuen que torna l'arena
a ses platges del sud.
Devora es xiringuitos buits,
m'invent una altra illa,
aquesta des meus avantpassats.
Llinatges abraçats, trenta-dos
vents embogits, com aquells
que ensuma encara, a Ciutadella,
l'amic Joan. Cocons de mots,
com aquests que fulleja encara
l'amic Xec d'entre les pàgines
gruixudes dels llavis combinats.
Diuen que torna l'arena
a ses platges del sud
i per fi retrob sa flaire
dels amors passats.
***
On dit que le sable revient
sur les plages du sud.
Tout près des paillotes vides,
je m'invente une autre île,
celle de mes aïeux.
Noms de famille épousés, trente-deux
vents en folie, comme ceux
que hume encore, à Ciutadella,
mon ami Joan. Des anfractuosités de mots,
comme ceux que feuillette encore
mon ami Xec, entre les pages
épaisses des lèvres combinées.
On dit que le sable revient
sur les plages du sud
et je retrouve enfin l'odeur
de mes amours passées.
Diuen que torna l'arena
a ses platges del sud.
Devora es xiringuitos buits,
m'invent una altra illa,
aquesta des meus avantpassats.
Llinatges abraçats, trenta-dos
vents embogits, com aquells
que ensuma encara, a Ciutadella,
l'amic Joan. Cocons de mots,
com aquests que fulleja encara
l'amic Xec d'entre les pàgines
gruixudes dels llavis combinats.
Diuen que torna l'arena
a ses platges del sud
i per fi retrob sa flaire
dels amors passats.
***
On dit que le sable revient
sur les plages du sud.
Tout près des paillotes vides,
je m'invente une autre île,
celle de mes aïeux.
Noms de famille épousés, trente-deux
vents en folie, comme ceux
que hume encore, à Ciutadella,
mon ami Joan. Des anfractuosités de mots,
comme ceux que feuillette encore
mon ami Xec, entre les pages
épaisses des lèvres combinées.
On dit que le sable revient
sur les plages du sud
et je retrouve enfin l'odeur
de mes amours passées.
Manque
Le goût de ton sexe me manque
que tu m'avais offert, naguère,
m'invitant au silence des conques
épousées où, les jambes retroussées,
on attend la marée basse pour cueillir,
de la mer, les fruits les plus aimés.
Le goût de ton sexe me manque, et sa
respiration, son chuchotis et ses
silences, ce dialogue qui retardait
le jour, les draps enturbannés, la vapeur
de la douche ou, plus simplement,
la surprise du jour et son café brûlant.
que tu m'avais offert, naguère,
m'invitant au silence des conques
épousées où, les jambes retroussées,
on attend la marée basse pour cueillir,
de la mer, les fruits les plus aimés.
Le goût de ton sexe me manque, et sa
respiration, son chuchotis et ses
silences, ce dialogue qui retardait
le jour, les draps enturbannés, la vapeur
de la douche ou, plus simplement,
la surprise du jour et son café brûlant.
Falaivres
Tendre ressac de la mer,
qui trouble mon sommeil.
En lente cadence, l'insomnie
soulève un instant mes paupières.
J'imagine alors une côte au couchant.
Des falaises de grès rose, comme
les Côtes d'Armor. Épaisses, recelant
la vie dans chaque anfractuosité.
Mon sac sur le dos, rempli d'arômes,
je serpente entre les vallons que le vent,
inclément, a creusés, j'y fredonne
insouciant d'antiques mélopées
et en gaélique je m'y époumone. Que la vie
est belle quand dans le rose on peut respirer.
À tant sillonner mille replis et bosquets,
j'en ai oublié ce vieux temps qui passait,
et la tombée du soir me surprend, dans
le feu de tes lèvres à l'aube. Matutinal
crépuscule, je guette le rayon vert
et fais de tes falaises mon doux confinement.
qui trouble mon sommeil.
En lente cadence, l'insomnie
soulève un instant mes paupières.
J'imagine alors une côte au couchant.
Des falaises de grès rose, comme
les Côtes d'Armor. Épaisses, recelant
la vie dans chaque anfractuosité.
Mon sac sur le dos, rempli d'arômes,
je serpente entre les vallons que le vent,
inclément, a creusés, j'y fredonne
insouciant d'antiques mélopées
et en gaélique je m'y époumone. Que la vie
est belle quand dans le rose on peut respirer.
À tant sillonner mille replis et bosquets,
j'en ai oublié ce vieux temps qui passait,
et la tombée du soir me surprend, dans
le feu de tes lèvres à l'aube. Matutinal
crépuscule, je guette le rayon vert
et fais de tes falaises mon doux confinement.
vendredi 24 avril 2020
Rêve de papillon
à ma fille Anaïs
La petite avance,
à pas serrés. Contre
elle, sa poupée.
Dans sa main, tout
comme ses cheveux
blonds que la brise
décoiffe, un gentil
coquelicot s'affaisse,
la tige épuisée
Ses pétales, serrés,
rouge vif, tiennent
encore. Bientôt, ils
s'affaisseront à leur
tour, se détachant les
uns des autres, pour s'en
aller voler parmi de vertes
graminées et d'autres fleurs
libres, parce qu'à la terre
soigneusement attachées. vol
gracile qui fera sourire la
petite qui, à son tour, volera.
La petite avance,
à pas serrés. Contre
elle, sa poupée.
Dans sa main, tout
comme ses cheveux
blonds que la brise
décoiffe, un gentil
coquelicot s'affaisse,
la tige épuisée
Ses pétales, serrés,
rouge vif, tiennent
encore. Bientôt, ils
s'affaisseront à leur
tour, se détachant les
uns des autres, pour s'en
aller voler parmi de vertes
graminées et d'autres fleurs
libres, parce qu'à la terre
soigneusement attachées. vol
gracile qui fera sourire la
petite qui, à son tour, volera.
L'eau vive
Si loin sont la source
et l'embouchure. Seize
heures sonnent quelque
part, le groupe s'est
enfui, balayant d'un
rire le rayon précis
et les soixante minutes.
Les herbes sont hautes
que jalonnent, serrés,
les coquelicots. On rit,
on se pousse, on dévale
la pente jusqu'à l'ombre
fraîche. Là, à l'abri du
regard des gendarmes et
des horloges graves,
la main caresse l'eau
vive, suivie bientôt
des mollets retroussés,
les chaussures à la main.
Ocre du limon des hauts
cantons emporté prestement
et des paillettes d'or que
les enfants croient saisir
entre leurs doigts. Deux
heures se sont écoulées, on
se rechausse et on remonte
la pente en traînant des pieds
et en fredonnant «Y'a d'la joie».
Le soir sera de chuchotements
et la nuit d'encre brune.
et l'embouchure. Seize
heures sonnent quelque
part, le groupe s'est
enfui, balayant d'un
rire le rayon précis
et les soixante minutes.
Les herbes sont hautes
que jalonnent, serrés,
les coquelicots. On rit,
on se pousse, on dévale
la pente jusqu'à l'ombre
fraîche. Là, à l'abri du
regard des gendarmes et
des horloges graves,
la main caresse l'eau
vive, suivie bientôt
des mollets retroussés,
les chaussures à la main.
Ocre du limon des hauts
cantons emporté prestement
et des paillettes d'or que
les enfants croient saisir
entre leurs doigts. Deux
heures se sont écoulées, on
se rechausse et on remonte
la pente en traînant des pieds
et en fredonnant «Y'a d'la joie».
Le soir sera de chuchotements
et la nuit d'encre brune.
Renaissance
à Tanit
Elle est cette enfant
qui naît à la vie, au
souffle tiède, tout
contre le sein de sa mère.
Tons pastels du monde qui
l'accueille et qui lui fait
berceau. J'ignorais son prénom,
je la croyais Avril. Mais, yeux
clos, elle entend Tanit à ses
petites oreilles. Cinq lettres,
comme les cinq doigts de chacune
de ses menottes qui nous guideront
bientôt dans un printemps de roses
et de jasmin où le temps s'égrènera
aux clochettes des glycines.
Elle est cette enfant
qui naît à la vie, au
souffle tiède, tout
contre le sein de sa mère.
Tons pastels du monde qui
l'accueille et qui lui fait
berceau. J'ignorais son prénom,
je la croyais Avril. Mais, yeux
clos, elle entend Tanit à ses
petites oreilles. Cinq lettres,
comme les cinq doigts de chacune
de ses menottes qui nous guideront
bientôt dans un printemps de roses
et de jasmin où le temps s'égrènera
aux clochettes des glycines.
Frises encara? Tu brûles encore ?
- Jo friso per...
Paraules antigues,
com d'un magnetòfon
rovellat.
Mots desfermats, sense
raó, amb precipitació
i cobdícia. En dir-los
descuidava l'olor groga
del gessamí i el tic tac
del rellotge. Ara ja no friso.
Tancat entre quatre parets
de formigó gris,
deixo entrar, a pinzellades,
la sal joiosa de la vida,
escolto el refilet dels ocells
i miro com avancen les formigues.
***
- Je brûle de...
Paroles anciennes, comme
tirées d'un magnétophone
rouillé.
Mots détachés, irraisonnés,
prononcés précipitamment,
avec cupidité. En les disant
je négligeais l'odeur jaune
du jasmin et le tic-tac
de la pendule. À présent je ne
brûle plus. Enfermé entre quatre
murs de béton gris,
je laisse entrer, par petites touches,
le sel joyeux de la vie,
j'écoute le gazouillis des oiseaux
et je regarde avancer les fourmis.
Paraules antigues,
com d'un magnetòfon
rovellat.
Mots desfermats, sense
raó, amb precipitació
i cobdícia. En dir-los
descuidava l'olor groga
del gessamí i el tic tac
del rellotge. Ara ja no friso.
Tancat entre quatre parets
de formigó gris,
deixo entrar, a pinzellades,
la sal joiosa de la vida,
escolto el refilet dels ocells
i miro com avancen les formigues.
***
- Je brûle de...
Paroles anciennes, comme
tirées d'un magnétophone
rouillé.
Mots détachés, irraisonnés,
prononcés précipitamment,
avec cupidité. En les disant
je négligeais l'odeur jaune
du jasmin et le tic-tac
de la pendule. À présent je ne
brûle plus. Enfermé entre quatre
murs de béton gris,
je laisse entrer, par petites touches,
le sel joyeux de la vie,
j'écoute le gazouillis des oiseaux
et je regarde avancer les fourmis.
Tes lèvres
Elles s'entrouvrent sur la mer
interdite où avancent gravement
des minéraliers.
Leur nacre reçoit peu à peu les
grains d'un sable gris que ne
foulent plus les pas des haleurs.
Elles cassent soudain la gangue
du grès que le silence dépose
et éclatent du rouge somptueux
du fruit mûr, subtilement acide,
et qui tache, nonchalant et narquois
les doigts et le cœur de l'amant éloigné.
interdite où avancent gravement
des minéraliers.
Leur nacre reçoit peu à peu les
grains d'un sable gris que ne
foulent plus les pas des haleurs.
Elles cassent soudain la gangue
du grès que le silence dépose
et éclatent du rouge somptueux
du fruit mûr, subtilement acide,
et qui tache, nonchalant et narquois
les doigts et le cœur de l'amant éloigné.
L'inspiratrice
Elle est celle qui franchit
les portes closes, les fenêtres
ajustées, celle qui outrepasse
l'étanche frontière entre les
souffles et les gestes, ouvrant
d'autres fenêtres, petites et
colorées pour laisser filtrer
le grain cassé de sa voix et
l'éclat de son regard. Par elle,
je voyage dans le temps et dans
l'espace, pareil à Isambard Brunel,
rêvant de tenir la terre dans sa main.
Je guette l'heure matinale où elle
ouvre délibérément sa fenêtre petite
et entreprend de lire le monde en trois
langues germaines. C'est alors que je
la joins et lui demande de m'éclairer
sur ces jours confinés, ma mère.
les portes closes, les fenêtres
ajustées, celle qui outrepasse
l'étanche frontière entre les
souffles et les gestes, ouvrant
d'autres fenêtres, petites et
colorées pour laisser filtrer
le grain cassé de sa voix et
l'éclat de son regard. Par elle,
je voyage dans le temps et dans
l'espace, pareil à Isambard Brunel,
rêvant de tenir la terre dans sa main.
Je guette l'heure matinale où elle
ouvre délibérément sa fenêtre petite
et entreprend de lire le monde en trois
langues germaines. C'est alors que je
la joins et lui demande de m'éclairer
sur ces jours confinés, ma mère.
mercredi 22 avril 2020
Ombra / Ombre
Són quatre i pengen d'un
fil fosc. Quatre pinces?
Ombra de la realitat,
miratge del sol i de la
paret emblanquinada.
Solitud dels objectes
sense funció. Sobtat
solipsisme de l'ésser
que els observa, tractant
de treure'n sentit. On és
la roba molla, la brutícia
del caminar enfeinat pels
camps lliures? No veu res,
observa i espera. Espera
i esperança. Com nosaltres.
***
Elles sont quatre et pendent d'un
fil sombre. Quatre pinces ?
Ombre de la réalité,
mirage du soleil et du
mur blanchi.
Solitude des objets
sans fonction. Soudain
solipsisme de l'être
qui les observe, essayant
d'en tirer la signification. Où est
le linge mouillé, la saleté
de la marche affairée dans les
champs libres ? Il ne voit rien,
il observe et attend. Attente
et espérance. Comme nous.
by courtesy of Pau Gener
fil fosc. Quatre pinces?
Ombra de la realitat,
miratge del sol i de la
paret emblanquinada.
Solitud dels objectes
sense funció. Sobtat
solipsisme de l'ésser
que els observa, tractant
de treure'n sentit. On és
la roba molla, la brutícia
del caminar enfeinat pels
camps lliures? No veu res,
observa i espera. Espera
i esperança. Com nosaltres.
***
Elles sont quatre et pendent d'un
fil sombre. Quatre pinces ?
Ombre de la réalité,
mirage du soleil et du
mur blanchi.
Solitude des objets
sans fonction. Soudain
solipsisme de l'être
qui les observe, essayant
d'en tirer la signification. Où est
le linge mouillé, la saleté
de la marche affairée dans les
champs libres ? Il ne voit rien,
il observe et attend. Attente
et espérance. Comme nous.
by courtesy of Pau Gener
Nocturne
Quand le vers ne vient pas,
regagne ta couche et dors.
Serein il t'y attend.
Rose d'avril
Elle s'ouvre au matin,
laissant perler la rosée.
La pénombre n'est plus,
qui l'habillait de bure,
serrée dans une camisole.
Elle n'a pas d'yeux. Ses yeux,
ce sont ceux des admirateurs,
tremblants de désir.
Elle est couleur et elle est peau,
du safran clair à l'incarnat foncé.
Elle s'ouvre et se gonfle de mille
lèvres qui s'offrent aux baisers.
Un nez la frôlera, plus insistant.
Il la humera, longuement.
Puis une main, invisible, la coupera,
la plongeant aussitôt dans l'eau
froide d'un vase étroit et lisse.
Elle se fanera, pleurant ses épines
par l'eau amollies. Ses pétales, un
à un, tomberont. Pieusement,
je les ramasserai, et en ferai,
pour mon livre, un bouquet.
Serrées dans l'obscurité,
les pages, vivifiées, sentiront
le safran et l'aurore incarnée.
Jeanne ou l'amour remisé
Un nom croisé, au hasard
des pages, une figure gracile
qui disparaît aussitôt.
L'amour sur un malentendu.
On trébuche, on s'affaisse,
on est retenue. On se marie.
Puis la vapeur du repassage,
l'enfant qui ne vient pas,
les heures lentes qui battent
gravement au mur du salon.
Jeanne n'est pas heureuse,
le sait-elle ?
Un jour, elle quitte la remise,
sans un mot. Le roman, oublieux,
l’abandonne.
mardi 21 avril 2020
Nostalgie des hexasyllabes
Serrés parmi tant d'autres,
mes livres croient dormir,
dans la pression aveugle
qui noie le noir et blanc.
Parfois un vers s'échappe
qui me prend par la manche
pour libérer ses frères,
libres ou bien métrés.
C'est un hexasyllabe
et je l'ai reconnu.
Espiègle et enjoué,
c'est leur porte-parole.
Et je revis enfin
ces heures bien fécondes
où je me promenais
dans une ville blanche,
cherchant comment mimer
le poids des découvertes
et les poissons d'argent
qu'un sachet dévoilait.
Avant de refermer
le volume broché
je dérobe à ces heures
tout le prix d'un baiser.
mes livres croient dormir,
dans la pression aveugle
qui noie le noir et blanc.
Parfois un vers s'échappe
qui me prend par la manche
pour libérer ses frères,
libres ou bien métrés.
C'est un hexasyllabe
et je l'ai reconnu.
Espiègle et enjoué,
c'est leur porte-parole.
Et je revis enfin
ces heures bien fécondes
où je me promenais
dans une ville blanche,
cherchant comment mimer
le poids des découvertes
et les poissons d'argent
qu'un sachet dévoilait.
Avant de refermer
le volume broché
je dérobe à ces heures
tout le prix d'un baiser.
Barcelonaître... ou renaître, oui, mais quand ?
Amarillo no es groc
a los alumnos de la UAB
Ya es hora de fantasear,
de cerrar la clase atenta
y de regresar a la humilde
cocina. Fueron horas nuevas,
a distancia, con preguntas
escasas pero profundas.
¿De dónde salen los versos,
las imágenes, los abruptos
encadenamientos?
No importaban mis respuestas,
lo esencial radicaba en la
interrogación y el cariño
que cada uno profesaba por un
objeto. O un color. Amarillo
no es groc. Ni yellow, ni jaune,
ni giallo. Decir el color con
la lengua del corazón es cantar
su ausencia con la sensualidad
del ritmo y de los sonidos.
M'estimo més la rosa groga.
¿Y tú? ¿La amarilla?
by courtesy of Sebastià Esteve.
Ya es hora de fantasear,
de cerrar la clase atenta
y de regresar a la humilde
cocina. Fueron horas nuevas,
a distancia, con preguntas
escasas pero profundas.
¿De dónde salen los versos,
las imágenes, los abruptos
encadenamientos?
No importaban mis respuestas,
lo esencial radicaba en la
interrogación y el cariño
que cada uno profesaba por un
objeto. O un color. Amarillo
no es groc. Ni yellow, ni jaune,
ni giallo. Decir el color con
la lengua del corazón es cantar
su ausencia con la sensualidad
del ritmo y de los sonidos.
M'estimo més la rosa groga.
¿Y tú? ¿La amarilla?
by courtesy of Sebastià Esteve.
lundi 20 avril 2020
Cares i rostres / Figures et visages
M'estim ses cares
conegudes, cares al
meu cor. Ara que només
les puc veure a distància,
artificialment, amb uns
gestos mecànics i una veu
de metall que no reconec,
busc es relleu des rostres.
Un nas, uns llavis, una cicatriu,
s'olor tendra de sa cervesa
compartida quan feïm el vermut
i me cauen llàgrimes de goig.
***
J'aime les figures
connues, chères à
mon cœur. Maintenant que
je ne peux les voir qu'à distance,
artificiellement, avec des
gestes mécaniques et une voix
de métal que je ne reconnais pas,
je cherche le relief des visages.
Un nez, des lèvres, une cicatrice,
l'odeur tendre de la bière
partagée quand nous prenons l'apéritif
et que je pleure de joie.
conegudes, cares al
meu cor. Ara que només
les puc veure a distància,
artificialment, amb uns
gestos mecànics i una veu
de metall que no reconec,
busc es relleu des rostres.
Un nas, uns llavis, una cicatriu,
s'olor tendra de sa cervesa
compartida quan feïm el vermut
i me cauen llàgrimes de goig.
***
J'aime les figures
connues, chères à
mon cœur. Maintenant que
je ne peux les voir qu'à distance,
artificiellement, avec des
gestes mécaniques et une voix
de métal que je ne reconnais pas,
je cherche le relief des visages.
Un nez, des lèvres, une cicatrice,
l'odeur tendre de la bière
partagée quand nous prenons l'apéritif
et que je pleure de joie.
No me dejes
No me dejes sin palabras,
que la arena se fue y
mi mano se abre en vano.
Llueve sin cesar por la
triste azotea. Ya guardé
los juegos de los niños
y el libro oloroso. Azahar.
Es lo que me falta en este
preciso instante. Tu pasión
por el azahar que sabes declinar
según las lenguas de tu corazón.
No me dejes sin palabra...
que la arena se fue y
mi mano se abre en vano.
Llueve sin cesar por la
triste azotea. Ya guardé
los juegos de los niños
y el libro oloroso. Azahar.
Es lo que me falta en este
preciso instante. Tu pasión
por el azahar que sabes declinar
según las lenguas de tu corazón.
No me dejes sin palabra...
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