Elle s'ouvre au matin,
laissant perler la rosée.
La pénombre n'est plus,
qui l'habillait de bure,
serrée dans une camisole.
Elle n'a pas d'yeux. Ses yeux,
ce sont ceux des admirateurs,
tremblants de désir.
Elle est couleur et elle est peau,
du safran clair à l'incarnat foncé.
Elle s'ouvre et se gonfle de mille
lèvres qui s'offrent aux baisers.
Un nez la frôlera, plus insistant.
Il la humera, longuement.
Puis une main, invisible, la coupera,
la plongeant aussitôt dans l'eau
froide d'un vase étroit et lisse.
Elle se fanera, pleurant ses épines
par l'eau amollies. Ses pétales, un
à un, tomberont. Pieusement,
je les ramasserai, et en ferai,
pour mon livre, un bouquet.
Serrées dans l'obscurité,
les pages, vivifiées, sentiront
le safran et l'aurore incarnée.