samedi 9 mai 2015

Racine à Alaior

In memoriam Lluis Guasteví

La langue catalane est en moi,
à chaque seconde, dans l'or du
soleil du matin. Et c'est pourtant
le français qui maintenant s'impose.
Nous étions cent-cinquante de tous
âges, serrés sur des fauteuils blancs
aux quatre coins d'une salle de danses
de salon qui fut, dit-on, autrefois,
le parking d'un supermarché du bourg.
La lumière aveuglait et le parquet de
bois rutilait en silence. Quatre fauteuils
et des piles de livres, objet d'une violence
qui venait par bouffées. Le viol de Lucrèce
était le prétexte et la langue pure de Joan
Ramís chantait Racine avec bien d'autres mots.
Je me surpris à danser des épaules, au fil
des hémistiches. Les acteurs bougeaient, lents
et impétueux, ils se mêlaient à nous, et parfois
s'asseyaient. Je vis une dame, en face de moi,
yeux clos, s'éveiller à la vie, son regard était neuf,
la langue en elle parlait. Lucrèce était belle et Tarquin
un Judas sans qui l'Eucharistie n'est point. Minorque
était occupée mais pas un jour asservie. La Catalogne
muselée, l'île était le creuset de la création littéraire
retrouvée. Le message était clair et, sans le savoir, ignare
et ignorante, la Castille tremblait. Que belle étaient Lucrèce
et sa mère aperçue, venue féliciter sa fille le spectacle tenu.
Merci à Na Martina, à Pere, Ariadna et à Lali.