samedi 9 mai 2015

Ile

Par la fenêtre entre l'odeur âcre
du chaume que l'on brûle,
comme l'on brûle des souvenirs rejetés
ou les draps de l'amour
desséché entre blessures.
Quand tu t'approches, tu peux voir la fumée puante
qui monte des enclos,
comme on contemple la trace des incendies
dans les semailles du cœur.
Il y a du sel sur les vitres, jeté
en une fine couche
par une Tramontane déchaînée
dans la furie des dieux.
Le paysage qui s'esquisse en clairobscurs
est celui de l'île que nous avons vécue
dans les bras d'un amant venu tard,
au milieu des coups de vent et de mer
et la tristesse lente
qui si souvent a marqué la peau
des espaces désolés.
Mais la perception des temps hostiles
qui dessécheront tes champs,
te pousse à maintenir vive la force
de ce désir premier,
jaloux de l'or qui encore demeure
d'entre les chaumes des jours.

Pere Gomila, in "Géographies du vent", trad. du catalan par Michel Bourret Guasteví