jeudi 7 mai 2015

Les voix et le silence

De jeunes poètes,  par dizaines,
sagement disposés dans l'austère
salon. Ils se lèvent et le lent défilé
les égrenne. En deux langues.

Des voix, cantonnées dans l'octave
ou qui la font éclater, par le haut ou

par le bas. Des voix uniques et si
palpables. Les traits d'une amie,

sur le visage de son enfant chéri.
Des femmes et des hommes en devenir

mais des voix déjà assurées qui les signent
et vous laissent, un temps, désemparé,

fuyant le long des rails jusqu'au petit bar
du coin courbe. A l'intérieur, tout contre le

comptoir et là, dedans, goûter le silence
éloquent d'une dame fatiguée qui un jour

fut belle et se garde des mots, offrant à
l'entourage son profil de monnaie.

Mais nul ne la voit car elle ne parle et bientôt
le mur ocre, de tableaux recouvert, l'absorbe.

Elle a disparu. A sa table, ce qui fut un ballon
avec deux traces rouges : au fond le tanin d'un

vin au nom de déesse ; sur le bord, la marque de
deux lèvres qui ne trouvent plus, pour se joindre

que la transparence froide d'un verre bon marché.